Pas de liste des 28, 23 ou 22, pas de phase finale, pas de podium, pas de We are the champions et pas de confettis en aluminium éjaculés dans le ciel nocturne. On commençait un peu à s’en lasser, de tout ce folklore lourdingue. Et pour être franc, les Bleus aussi n’en pouvaient sans doute plus de ces stages de préparation, de cette enfilade de matches amicaux et de forfaits en bois, de cette lancinante coexistence forcée avec Roger ou Jacques, de cet enfonçage permanent de portes ouvertes en bois dont on fait les langues pendant les conférences de presse. Ils ne sont d’ailleurs pas encore qualifiés pour 2006 que Domenech parle déjà de stage de Noël à Tignes en famille...
Faut-il aller chercher plus loin les raisons du naufrage coréen ou du désastre lusitanien ? Sept phases finales en huit ans [1], dont cinq d’affilée, même une bête ne le ferait pas. Alors, un footballeur...
1999 : Maurice, Porato et Vairelles sur la photo
Il faut en effet remonter en 1999 pour trouver une année blanche et sèche comme celle qui s’annonce. Comme elle semble loin ! Un jeune attaquant de vingt ans nommé Nicolas Anelka réussissait un quasi triplé dans un temple de Wembley aujourd’hui disparu. Pour pallier l’absence de Zidane, le sélectionneur donnait sa chance à Vikash Dhorasoo puis à Johan Micoud, et préférait en attaque Laslandes, Maurice, Vairelles ou Robert à Henry (aucune sélection cette année-là) ou Trezeguet (deux).
Porato étrennait son premier (et dernier) maillot de gardien international [2], et Guivarc’h signait ses adieux à la sélection par un treizième match consécutif sans but [3]. Barthez sauvait une balle brûlante du futur Ballon d’or Chevtchenko [4] et Wiltord s’installait durablement en sélection.
Pour autant, cette année post-coupe du monde n’est pas sans rappeler celle qui vient de s’achever : deux 0-0 contre l’Ukraine, une victoire aux frontières du ridicule contre Andorre (Dugarry expulsé, but de Lebœuf sur penalty à quatre minutes de la fin) et deux autres à l’arraché contre l’Arménie (3-2) et l’Islande (3-2).
Mais il restera quand même cette extraordinaire deuxième période contre l’Angleterre [5], où les Bleus ont fait tourner en bourrique les inventeurs du football en finissant le match par une mémorable passe à dix. Ils recommenceront contre le Portugal (4-0) en 2001 et en Allemagne (3-0) en 2003. Deux années impaires...
Sur un air des seventies
2005 ressemblera-t-elle à 1999 ? Comme on connaît la fin de l’histoire, on pourrait l’espérer : une fois la qualification acquise sur un coup de poker (égalisation de l’Ukraine sur une boulette du gardien russe alors que la France n’était que deuxième, but décisif de Trezeguet le dernier soir, répétition générale de celui contre l’Italie), les Bleus évitaient les barrages et finissaient l’année par une victoire sympathique sur des Croates dépassés (3-0). Et entamaient le grand marathon qui allait les expédier sous le ciel orange de Rotterdam avant de les fracasser sur les récifs d’Incheon et de les abandonner sur une plage de Lisbonne. Il n’y a pas de récifs à Incheon ? Et les métaphores, alors ?
Pour autant, même privée de phase finale, 2005 ne manque pas d’intérêt. Les Bleus se préparent déjà à deux matches couperet à l’automne, à Dublin et en Suisse, où se jouera probablement l’une des deux premières places du groupe. Voilà qui rappellera à la génération pré-Mitterrand les glorieux Bulgarie-France ou Eire-France des années 70. À condition, bien sûr, de ne pas griller des cartouches en mars en Israël et contre les Helvètes. Parions que depuis qu’il a planté quatre buts à Barthez l’an dernier avec Rennes, Alexander Frei doit en avoir les crampons qui le démangent...
Pour des matches amicaux qui ressemblent à quelque chose
On regrettera toutefois la frilosité des matches amicaux, au sens figuré bien sûr, même s’il vaudra mieux bien se couvrir le 9 février contre la Suède à Saint-Denis. Les Bleus, qui n’ont pas joué l’Argentine depuis 1986 (!), gagneraient à rencontrer des équipes de haut niveau pour s’aguerrir et préparer au mieux la prochaine coupe du monde. L’Italie, l’Espagne ou le Portugal seraient probablement de meilleurs tests que la Bosnie ou la Pologne. Sans parler des revanches que nous doivent, en vrac, le Sénégal, le Danemark, la République tchèque ou la Grèce, nos derniers tombeurs.
Mais la Fédération n’en prend pas le chemin, malgré un alléchant Angleterre-France dans le nouveau Wembley (au printemps 2006). Surtout, on évoque déjà un match politico-diplomatique en Chine en novembre. Comme si la tournée mondiale 2000-2001 (Afrique du Sud, Extrême-Orient, Chili et Australie) n’avait pas servi de leçon... C’est l’oncle Arsène qui va être content.
Pour finir, on espère toujours un match d’adieux pour les Zidane, Thuram, Desailly et Lizarazu, d’autant que trois d’entre eux sont encore en activité et pourraient sans problème jouer une heure. À moins que l’on craigne qu’ils fassent de l’ombre aux petits nouveaux ?
Quant au stade de France, la désaffection d’un public parfois qualifié de Footix et la litanie de mauvais matches en 2004 (quatre fois 0-0 et une victoire à l’arraché dans les dernières secondes contre l’Ukraine) ne le disqualifient-elles pas pour les rencontres à venir ? N’y a-t-il pas moyen de s’asseoir sur le diktat du consortium (cinq matches par an à Saint-Denis) et d’organiser des matches à Lens, Nantes, Bordeaux ou Lyon ?