Pas de double-double en 2020 à cause du report de l’Euro, mais Didier Deschamps n’a pas perdu de temps : il a dépassé Michel Hidalgo en longévité et a qualifié les Bleus pour le carré final de la Ligue des Nations. L’IFFHS Fédération internationale d’histoire du football et de statistiques) l’a nommé meilleur sélectionneur de l’année 2020, deux ans après l’avoir fait pour 2018.
Pas mal pour une année coupée en deux, sans aucun match pendant les huit premiers mois, puis avec un enchaînement infernal de huit rencontres en 73 jours, dans des stades vides (hormis celui de Zagreb) et avec des cascades de forfaits pour cause de positivité au Covid-19.
De cette série de tuiles, le pragmatisme du sélectionneur en a fait des opportunités : tester des joueurs, avec six nouveaux Bleus et deux ex relancés, et essayer des systèmes, avec trois schémas tactiques différents. C’est bien vu, et on ne pourra pas dire que 2020 aura été une année perdue.
Septembre : le 3-5-2 et un copier-coller face à la Croatie
Il avait fini l’année 2019 en Albanie sur cet inattendu schéma tactique avec trois défenseurs centraux, deux latéraux placés haut dans les couloirs, deux relayeurs, un meneur de jeu et deux pointes. Quand les matchs reprennent enfin après dix mois de disette, Deschamps prolonge l’expérience en Suède et contre la Croatie. Avec le risque (mesuré) d’un échec qui plomberait les chances de qualifications des Bleus pour le carré final de la Ligue des Nations.
A Solna, la recette marche derrière au détriment de l’efficacité offensive, avec une victoire minimaliste sur une action individuelle de Mbappé (1-0). Trois jours plus tard contre la Croatie, c’est le contraire : ça flotte en défense mais ça pétille devant, pour un déroulé quasi-identique à celui de Moscou : première mi-temps dominée par les Croates mais avec 2-1 au score (grâce à un CSC), deuxième période un peu meilleure et surtout très efficace avec un pénalty qu’on qualifiera de généreux. Même système donc mais pas les mêmes joueurs (Mendy et Sissoko plutôt que Digne et Dubois, Hernandez et Lenglet plutôt que Varane et Kimpembe derrière) et moins de sécurité dans le jeu. Résultat mitigé, donc.
Après France-Croatie :
« Cela nécessite de la répétition pour avoir des automatismes. L’état d’esprit est là, les intentions aussi. Comme tous les systèmes, il y a des avantages-inconvénients. Cela nous servira avec le staff, on va pouvoir analyser ces deux matches. Je considère que c’est le moment pour effectuer des essais. C’est normal de rencontrer des difficultés. Je préfère les avoir maintenant plutôt que durant la compétition en juin prochain. »
Octobre : le 4-4-2 losange et un blanc contre le Portugal
Au deuxième rassemblement, celui d’octobre, changement de braquet : on met de côté le 3-5-2 et on teste le 4-4-2, avec un milieu en losange, c’est-à-dire une sentinelle, deux relayeurs excentrés et un meneur de jeu placé derrière deux attaquants. Difficile de tirer des conclusions après le match contre l’Ukraine (7-1) tant l’adversaire est diminué par une pluie de forfaits. Face au Portugal, l’expérimentation tourne court devant, avec un jeu trop lent et trop prévisible et une dernière passe trop imprécise. Trois jours plus tard à Zagreb, le début de match est convaincant, avec une ouverture du score précoce et quelques occasions franches, puis, après une égalisation croate logique, un bloc très bas (comme en Russie) et une victoire au final très heureuse sur une attaque rapide en trois touches de balle (Pogba, Digne, Mbappé).
Après France-Portugal :
« Je ne ressens pas de frustration, le score me paraît logique. C’était un match solide, très tactique, où les défenses ont pris le pas même s’il y avait des joueurs de qualité offensivement des deux côtés. Il y a eu peu d’occasions. On est d’ailleurs à peu près à égalité au niveau des statistiques. Il y a eu peu de décalages. Ce n’était pas un mauvais match. On a eu davantage de maîtrise en seconde période. On a eu peu de situations, car ils ont bien défendu et les mouvements n’étaient pas suffisants ou les passes n’arrivaient pas. Je m’attendais à ce type de match face à une équipe du Portugal qui a de la qualité et est compacte. On a bien défendu aussi. Il n’y pas eu d’étincelle sur le plan offensif. »
Novembre : retour au classicisme
Et si finalement cette équipe (sept des onze titulaires à Lisbonne l’étaient aussi à Moscou en 2018) était formatée pour évoluer en 4-2-3-1, ou en 4-4-2 asymétrique ? Avec Coman à droite à la place de Mbappé, Martial devant au poste de Giroud, Rabiot à gauche dans le rôle de Matuidi, c’est la recette éprouvée en 2018 qui est reconduite lors du retour contre le Portugal et qui marche parfaitement, donnant aux Bleus leur match référence post-mondial. Le même dispositif est conservé contre la Suède, avec trois changements (Sissoko, Thuram et Giroud pour Coman, Kanté et Martial) et une nouvelle victoire malgré un scénario différent : plus d’efficacité devant, moins derrière. La défaite face à la Finlande avec une équipe-bis n’est pas plus significative que la large victoire contre l’Ukraine : ces deux matchs amicaux étaient en trop, Deschamps s’en est servi pour faire tourner son effectif.
A ce propos, l’appel à six nouveaux joueurs qui n’auraient probablement pas participé à l’Euro si ce dernier avait eu lieu à l’été 2020 montre bien que le sélectionneur a profité de ce calendrier chamboulé pour tester non seulement des dispositifs mais aussi des hommes. Et si le résultat de ces tests est pour le moins mitigé pour quatre d’entre eux (Upamecano et Aouar décevants, Maignan ne bousculant pas la hiérarchie des gardiens, Aguilar venant en quatrième choix à droite), il est probant pour deux autres, Camavinga et Thuram. Mais c’est surtout en relançant Rabiot que Deschamps a surpris tout le monde (y compris l’intéressé, d’ailleurs) en tentant un coup et en le réussissant, ce qui était loin d’étre gagné.
Après France-Suède :
« Les systèmes de jeu ne m’ont pas déplu. Avec le 4-4-2 ce soir ou au Portugal, on était sur du classique. On avait des repères car on le maîtrise, c’est le système le plus rationnel mais c’est important d’avoir d’autres options que je pourrai utiliser plus tard en cours de compétition, par exemple. Tout dépendra aussi de l’adversaire, cela peut nous permettre de nous adapter. »