3 juillet 1998 : France-Italie

Publié le 3 juillet 2020 - Bruno Colombari

Encore une fois, l’équipe de France coince dans un match de phase finale à élimination directe. 0-0 à la fin du temps réglementaire, 0-0 au bout des prolongations. Comme en 1986 face au Brésil, ce quart de final mondial va se jouer aux tirs au but.

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Le contexte

Terminées les fantaisies avec quatre joueurs offensifs lors du premier tour et des huitièmes : Aimé Jacquet blinde son milieu en mode Euro 1996 avec trois récupérateurs (Deschamps, Petit et Karembeu) devant la ligne de défense classique (Barthez dans les cages, Thuram, Blanc, Desailly et Lizarazu) et avec deux meneurs excentrés et libres (Zidane et Djorkaeff) s’appuyant sur un avant-centre évoluant dos au but, à la Bernard Lacombe (Guivarc’h). Ça n’envoie pas du rêve, évidemment, mais c’est du solide, du ceinture et bretelles garanti sur factures. Le sélectionneur joue quand même gros : en cas d’échec, il lui sera beaucoup reproché, notamment d’être revenu à une formule qui avait échoué deux ans plus tôt, faute d’inspiration devant.

Côté italien, après un premier tour globalement maîtrisé (un nul 2-2 contre le Chili suivi de deux victoires contre le Cameroun, 3-0 et l’Autriche, 2-1) et un huitième verrouillé contre la Norvège (1-0). Cesare Maldini fait dans le classique avec un 4-4-2 impressionnant derrière (Pagliuca comme gardien, Bergomi, Maldini, Cannavaro, Costacurta) et devant (Del Piero, Vieri), un peu moins au milieu (Pessoto, D. Baggio, Di Biagio, Moriero). Roberto Baggio débute sur le banc.

C’est la quatrième fois que Français et Italiens se croisent en Coupe du monde. Les seconds l’ont emporté en en quart de finale en 1938 (3-1) et au premier tour en 1978 (2-1 toujours). Les premiers ont pris une première revanche en huitièmes de finale en 1986 (2-0).

Le match

C’est sûrement le premier match entre les deux équipes où celles-ci arborent des tenues monochromes : tout en bleu pour la Squadra Azzura, tout en blanc pour les Français. Ciel d’azur et nuages, comme au-dessus de Saint-Denis en ce début juillet. D’entrée, la partie d’échecs est en place, en charge aux latéraux (Thuram et Lizarazu) de déborder le long de la touche, Blanc et Desailly n’hésitant pas à apporter le surnombre dans l’axe. Zidane frappe le premier, largement au-dessus (3e).

Le jeu est très haché par de petites fautes, mais en jouant vite, les Français se créent une double occasion : Djorkaeff lance Zidane dans la surface d’une louche, et après un amour de contrôle adhésif, Zizou croise sa frappe sortie par Pagliuca. Sur le corner qui suit, Petit tente un retourné debout que Pagliuca sort à nouveau (5e). A peine le temps de souffler, que Deschamps trouve Guivarch’ un peu excentré, mais Pagliuca se couche bien sur la balle. De l’autre côté, une percée de Moriero profite d’une perte d’appuis de Lizarazu et Vieri percute Thuram au second poteau, mais sa tête smashée n’est pas cadré (9e). On se dit que ça commence très fort et qu’il y a sans doute moyen de trouver la faille. On se berce d’illusions.

Dallas dégaine les biscottes
Le quart d’heure suivant est plus stérile. Les espaces se ferment, les duels sont féroces et la possession française ne débouche pas sur des occasions, hormis une tentative confuse plein axe où Djorkaeff est dépossédé du ballon par Karembeu qui le perd en route alors qu’il allait se présenter face à Pagliuca (24e). Del Piero puis Bergomi sont avertis coup sur coup par l’arbitre Hugh Dallas (et son univers impitoyable). Ces cartons jaunes réveillent les Italiens qui réagissent coup sur coup par Vieri (voir ci-dessous) dans le dernier quart d’heure de la première mi-temps. Petit puis Barthez sont touchés coup sur coup, sans conséquences.

Les Italiens jouent plus haut et font désormais jeu égal au milieu de terrain, ce qui n’est pas rassurant. On se dirige vers une fin de première période stressante quand après un énième numéro de Thuram sur Del Piero, un une-deux Deschamps-Djorkaeff place le Snake en position idéale dans la surface. Mais son tir croisé et trop écrasé sort largement alors que Pagliuca était battu (45+2). Mi-temps.

Voir le match complet sur Footballia.net, avec les commentaires de Thierry Gilardi et Charles Bietry

Henry-Trezeguet, place aux jeunes !
Alors que Zidane frappe mal un coup franc, on commence à se dire que sa prestation est insuffisante. Pas évident de revenir après deux semaines sans jouer, surtout face à un adversaire de cette trempe. Le Zizou 98 sera-t-il meilleur que celui de l’Euro 96 ? En attendant, Guivarc’h place un coup de tête au-dessus suite à un corner de Djorkaeff (51e). Et prend un jaune pour un solide coup de coude au visage de Cannavaro. Zidane sort alors le grand jeu, enfin, sur la gauche de la surface, servi par Djorkaeff. Son centre en retrait est repris n’importe comment par Karembeu, remplacé dans foulée par Henry alors que Trezeguet supplée Guivarc’h. Il ne faut qu’une poignée de secondes à Zidane pour trouver Henry à l’entrée de la surface. Sa frappe enroulée du gauche frôle la lucarne de Pagliuca (67e). Les Bleus évoluent plutôt en 4-2-3-1 avec Henry à droite et Djorkaeff à gauche, Deschamps et Petit se partageant le travail de récupération.

Cesare Maldini réplique aussitôt en sortant un Del Piero transparent par Roberto Baggio, Ballon d’Or 1993. A 31 ans, Baggio est sur la pente descendante et n’est plus titulaire pour sa troisième Coupe du monde. Mais c’est toujours un excellent joueur, et il entre pour faire basculer le match. Il sera à quelques centimètres d’y parvenir.

Dernières cartouches italiennes
En attendant, dans le Stade de France l’ambiance est montée de deux crans. et sur un excellent corner de Petit, encore un, Blanc croise trop sa tête, bien aidé par une charge dans le dos de Maldini (71e). La pression sur le but italien est étouffante. Mais sur un coup franc excentré de Baggio, Di Biagio dévie de la tête. Le ballon longe la cage de Barthez battu et sort. Un but encaissé à huit minutes de la fin, vous imaginez la suite ? C’est encore du côté gauche, celui de Roberto Baggio, que part la dernière occasion italienne. Le centre de l’attaquant est contré dans la surface, revient sur Pessoto dont le tir tendu est capté par Barthez (90+2e).


 

Pour la quatrième fois d’affilée depuis le quart de finale de l’Euro 1996, l’équipe de France termine le temps réglementaire d’un match à élimination directe sur le score de 0-0. Les deux premières se sont terminées aux tirs au but, la troisième au but en or. Car désormais, le premier qui marque a gagné. Autant dire qu’il ne faut pas trop se découvrir et essayer de pousser les actions jusqu’au bout. C’est Lizarazu qui se crée la première demi occasion au terme d’une percée rageuse plein axe relayée par un appui sur Trezeguet, mais il bute sur Cannavaro dans la surface. C’est encore lui qui pousse côté gauche, crochète vers l’intérieur et frappe, du droit malheureusement (101e).

Roberto Baggio à deux doigts du KO
C’est alors qu’arrive la balle de match, et elle est italienne. Côté droit, Albertini lance Baggio dans la surface entre Blanc et Desailly. L’Italien frappe sans contrôle alors que Barthez perd ses appuis en reculant et se retrouve sur les fesses. Le ballon longe la cage et vient mourir à quelques centimètres du poteau (103e). Un ange est passé.

Dans les dix dernières minutes de la prolongation, les Bleus subissent. Il n’y a plus de construction, plus beaucoup de lucidité et quasiment plus de jus. C’est au courage que l’équipe de France va chercher la séance de tirs au but car c’est à peu près tout ce qu’elle peut faire. Et pourtant Henry obtient un corner à la 11e et qui va le tirer ? C’est Petit bien sûr. A la 119e, Henry lance Djorkaeff dans la surface. Mais l’Intériste n’a plus le coup de rein nécessaire pour faire la différence, et vient buter sur Pagliuca. C’est la dernière occasion française.

A la roulette russe
Aux tirs au but, alors que Djorkaeff s’est désisté à la surprise générale (il dira plus tard que Pagliuca connaissait trop bien sa manière de tirer. Soit), c’est Zidane qui commence. Il le tire près du poteau gauche, comme toujours. 1-0. Roberto Baggio ne se défile pas, lui, alors qu’il a raté le dernier tir au but de la finale 1994 contre le Brésil. Impérial, 1-1. Lizarazu, un habitué de l’exercice, s’avance, mais sa frappe pas assez appuyée est captée facilement par Pagliuca. Albertini peut faire la différence, mais Barthez sort un arrêt décisif. Toujours 1-1 donc. Trezeguet, imperméable à la pression, ajuste Pagliuca façon Zidane. 2-1. Costacurta ne tremble pas et fusille Barthez. 2-2.

Au tour de Henry. Le meilleur buteur français du tournoi, 20 ans et 10 mois, prend une course d’élan très courte et trouve le petit filet. 3-2. Christian Vieri va-t-il échouer contre Barthez ? Non, lucarne. 3-3. Blanc est lui aussi habitué des séances de tirs au but. Il lui en faut plus que ça pour l’impressionner, à 33 ans. 4-3. Alors que Henry se cache derrière le maillot de Trezeguet, Di Biagio pose son ballon, prend un pas d’élan et fracasse la transversale de Barthez. C’est fini. Mais que ce fut dur !

Le Bleu du match : Emmanuel Petit

A la 3e minute, il frappe un corner au premier poteau, repoussé par la défense et qui revient sur Zidane. Deux minutes plus tard, sur un autre corner tiré par Djorkaeff et dévié par Karembeu, son retourné astucieux manque de peu lober un Pagliuca vigilant. Quand il n’a pas le ballon, il presse le porteur adverse et le pousse à la faute grâce à une présence physique impressionnante. Ses corners sont puissants et précis, et il récupère tous les ballons qui traînent dans son secteur. Il se sacrifie pour contrer un tir de Di Biagio et Blanc lui retombe dessus, nécessitant d’appeler la civière pour le soigner à l’extérieur du terrain (33e). Son bel élan de la première demi-heure est coupé.

On le retrouve pourtant en deuxième période, encore plus présent après la sortie de Karembeu qui l’oblige à couvrir une surface plus importante, et toujours aussi précis sur les corners qui se multiplient sous la pression française. A la 74e, il arme une frappe terrible qui percute violemment Cannavaro. En prolongations, il est à bout de forces, mais se bat encore sur tous les ballons et se place juste devant la défense, en position basse où il joue l’interception. A la 110e, il tente une combinaison sur coup France et sa louche trouve Desailly. Son tout dernier corner ne donnera rien, mais il vient quand même le tirer. Et sportivement, il met le ballon en touche alors que Di Biagio est au sol dans la surface. Classe.

L’adversaire à surveiller : Christian Vieri

Le bison italien, terreur des défenses lors du premier tour, est le principal danger pour la défense française : il a inscrit cinq buts lors des quatre premiers matchs du tournoi et semble bien parti dans la quête du titre de meilleur buteur. Il se montre dangereux dès la 9e sur une tête au second poteau où il est chargé par Thuram, mais c’est Desailly qui est habituellement aux petits soins pour lui dans un duel très musclé. Et alors qu’on ne le voit plus beaucoup, il s’appuie sur Del Piero pour allumer Barthez d’un tir rectiligne du gauche à 20 mètres (33e). Il est encore à l’affut sur une déviation de Moriero dans la surface, mais Barthez intervient (34e). Encore un duel à la 58e quand sur une balle en profondeur, le gardien français sort de sa surface pour dégager en drop devant lui. Trois minutes plus tard, sur une chandelle hasardeuse de Lizarazu, Barthez vient cueillir le ballon sur la tête de l’avant-centre italien. Mais à la 71e, pas suffisamment concentré, il dégage un ballon anodin sur Vieri qui ne peut le contrôler. A dix minutes de la fin, alors qu’il est signalé hors-jeu, Vieri tire par frustration et Barthez capte le ballon. A la 107e, il place une tête sans conviction au milieu de la surface. Il finira bien par tromper le gardien français lors de la séance des tirs au but, mais il sera trop tard.

La petite phrase

Emmanuel Petit, à propos du choix tactique d’aligner un 4-3-2-1 : « Deux milieux défensifs seulement, cela implique une grosse dépense physique. A trois, on se couvre mutuellement. C’est plus facile et même carrément nécessaire. »

La fin de l’histoire

C’est vraiment la fin de l’histoire pour Beppe Bergomi, 34 ans, qui joue son 81e et dernier match avec la Squadra. Le même Bergomi qui avait été champion du monde à 18 ans en 1982 et qui avait croisé la route des Bleus en 1986 à Mexico. Quand à Alessandro Del Piero, il sera l’un des deux Italiens (avec Cannavaro) présents sur le terrain lors des trois France-Italie de 1998, 2000 et 2006 (côté français ce sera le cas de Barthez, Thuram, Zidane, Henry et Trezeguet).

Car il y aura bien sûr un cinquième France-Italie en Coupe du monde, huit ans plus tard à Berlin. Et lui aussi se terminera aux tirs au but, dont l’un fatal repoussé par la transversale, et tiré par Trezeguet. Mais ce dernier avait donné le titre européen aux Bleus en 2000 à Rotterdam, et contre qui ?

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Hommage à Pierre Cazal