Le résultat était-il prévisible ?
Face à la 48e sélection mondiale (et 24e européenne), normalement il ne devait pas y avoir photo. Ce qui n’est pas synonyme, en football, de promenade de santé, comme l’a montrée dimanche la défaite du Danemark au Kazakhstan, séparés par cent places au classement FIFA. Mais entre des Bleus boostés par leur brillante entame contre les Pays-Bas, et des Irlandais qui ont peiné à battre la Lettonie en amical (3-2), l’écart reste conséquent. On pouvait donc spéculer sans grand risque sur une victoire par deux ou trois buts d’écart, tout en gardant en mémoire le piteux 0-0 de Toulouse contre le Luxembourg en 2017, trois jours après… un 4-0 devant les Pays-Bas.
Il aura finalement fallu se contenter d’une victoire très étriquée au terme d’un match pas maîtrisé et qu’on oubliera bien vite, hormis deux fulgurances à chaque extrémité du terrain et de la deuxième mi-temps : une frappe puissante de Benjamin Pavard sous la barre de Bazunu, sorte d’hommage au but de Bathenay contre Liverpool en 1977 (du gauche, celui-là) et un arrêt à la Gordon Banks de Mike Maignan sur une tête de Nathan Collins.
Mais la route des qualifications passe quasiment toujours par ce genre de victoires minimalistes à l’extérieur (Bosnie 2021, Islande 2019, Bulgarie 2017, toutes par 1-0) où il faut parfois se pincer pour rester éveillé. L’essentiel, c’est bien les six points, et pour la manière, on verra une autre fois, peut-être en juin contre la Grèce.
L’équipe est-elle en progrès ?
Avec trois changements qui portaient sur les trois joueurs les moins en vue vendredi (Koundé, Tchouaméni et Coman), Didier Deschamps avait aligné à Dublin une composition cohérente et séduisante qui, sur le papier, semblait capable de ne faire qu’une bouchée de l’Irlande. Il n’en a rien été, la faute à une attaque éteinte et à un milieu incapable d’accélération, le tout handicapé par un déchet technique très surprenant. Encore une fois, l’équipe de France a peiné face à un bloc bas, étirant le jeu en largeur sans trouver d’intervalles entre les lignes, et avec une prise de risques trop faible et des positions de tirs bien rares.
Après l’ouverture du score de Benjamin Pavard en début de deuxième période, elle avait le temps de se mettre à l’abri et d’envisager une fin de match sereine, mais faute de vitesse et de précision devant, elle a fini par reculer et laisser les Irlandais y croire, ces derniers manquant de très peu l’égalisation sur une double occasion en toute fin de partie. Si elle n’est pas illogique, la victoire de Dublin est de celles qui posent plus de questions qu’elles n’amènent de réponses. Mais il reste quatorze mois avant l’Euro pour y travailler.
Quels sont les joueurs en vue ?
En plus de Maignan (qui enchaîne une troisième clean-sheet consécutive, même s’il n’avait joué qu’une mi-temps contre l’Autriche en septembre) et Pavard, qui a signé son retour en grâce par un but très précieux, on soulignera le bon match d’Eduardo Camavinga placé en sentinelle, et qui a fait parler sa technique et sa vélocité. Il serait dommage de l’utiliser en roue de secours comme arrière gauche alors qu’il peut beaucoup apporter au coeur du jeu. Si Paul Pogba revient bientôt, leur association pourrait être prometteuse. Derrière, Ibrahima Konaté a complètement éteint le prodige irlandais Evan Ferguson. Sa place en défense centrale ne se discute déjà plus, malgré une concurrence pléthorique dans l’axe droit.
Quels sont les joueurs en retrait ?
Dans un match comme celui-là, c’est une catégorie bien chargée. Les deux plus grandes déceptions, ce sont Randal Kolo Muani et Kylian Mbappé. Le premier a semblé assumer l’héritage d’Anthony Martial et d’Ousmane Dembélé, ces attaquants surdoués dont on attend des miracles quand ils touchent le ballon et qui ne finissent quasiment jamais proprement une action. Il a une incroyable balle de but sur une ouverture parfaite d’Upamecano à la 18e minute, mais oriente mal son ballon après avoir effacé Bazunu. Et que dire du non-match de Mbappé ! Collé à la ligne de touche, il n’a jamais eu d’espace pour s’exprimer, mais n’en a pas vraiment cherché non plus. Sans doute une de ses prestations les plus décevantes en sélection.
Derrière, Théo Hernandez a commis trop de fautes, car il a souvent été débordé. Il a de la chance que la concurrence soit inexistante à son poste, mais il vaudrait mieux pour lui qu’il ne reproduise pas souvent ce genre de match. Au milieu, ni Rabiot ni Griezmann n’ont fait de différences notables, et ont joué trop souvent arrêtés pour pouvoir accélérer le jeu et perforer dans l’axe.
Quelles sont les attentes pour le prochain match ?
Il va falloir patienter 81 jours avant de revoir les Bleus, et ce sera le 16 juin à Faro contre Gibraltar. C’est moins ce match-là, a priori plié d’avance, que le suivant, trois jours plus tard au Stade de France contre la Grèce, qui inquiète un peu. Non pas en raison du pedigree de l’adversaire, bien loin de son été triomphal de 2004, mais pour des raisons de calendrier. Le 19 juin, c’est très tard dans la saison, à une période où les pros sont en vacances depuis deux bonnes semaines. Conjuguez ça avec les souvenirs cuisants des mois de juin sans phase finale et il y a de quoi ne pas être sereins : défaites à domicile contre le Danemark et la Croatie en 2022, en Turquie en 2019, en Suède en 2017, en Albanie et contre la Belgique en 2015, en Uruguay et au Brésil en 2013… Ça fait beaucoup.
Mais la perspective d’ajouter six autres points aux six de mars et de creuser déjà un écart conséquent dans le groupe B, pendant que les Pays-Bas tenteront de glaner la Ligue des Nations (face à l’Espagne, l’Italie et la Croatie), devrait être un moteur suffisant pour motiver les Bleus. Ça, et bien sûr faire tourner les compteurs individuels avec deux matchs comme autant de perspectives de cartons.
Vos commentaires
# Le 28 mars 2023 à 12:35, par Sébastien En réponse à : [897] Irlande-France (0-1) : deux fulgurances dans la grisaille
Un match pas très abouti, certes, avec un manque de vitesse et d’intensité. Les joueurs les plus décevants ont été Hernandez, Mbappé, Kolo Muani et Griezmann. Il faut aussi mettre en valeur l’efficacité tactique du bloc défensif irlandais.
Tout n’est pas non plus à jeter et il y a quelques motifs de satisfaction. On n’a pas été mis en danger hormis les 10 dernières minutes (la sortie de Rabiot ayant, selon moi, déséquilibré l’équipe). La charnière centrale semble solide et prometteuse. Je me felicite du retour de Pavard, peut-être un peu moins bon que Koundé défensivement mais qui apporte plus devant. Il a peu été mis en danger sur ce match. Pour le poste de latéral gauche, si Lucas se remet de sa blessure, il peut reprendre la place à son frère. Maignan est rassurant et semble prêt à assurer la relève de Lloris. Enfin, le poste d’ailier droit n’a toujours pas trouvé de taulier, mais il faut encore laisser du temps à Kolo Muani.