Il ne l’avait sûrement pas vu comme ça, 2024, il y a onze mois. Didier Deschamps sortait d’une année 2023 réussie, avec une belle découverte en novembre (le tout jeune Warren Zaïre-Emery), un record de buts contre Gibraltar et la perspective d’un Euro prometteur. Bien sûr, il y avait eu une défaite en septembre en Allemagne qui faisait un peu tache dans le tableau, mais ce n’était qu’un amical sans importance.
Griezmann, une première absence en mars
Mais en mars, en pleine préparation des deux premières rencontres de l’année, tombait le forfait d’Antoine Griezmann, mettant un terme à 84 matchs consécutifs depuis août 2017. Un premier petit signe que rien n’allait se passer comme prévu. Comment faire sans Griezmann au milieu ? Le sélectionneur tente une association Tchouaméni-Rabiot-Zaïre Emery, mais ça ne marche pas, tout comme la charnière centrale Pavard-Upamecano ou l’attaque Dembélé-Thuram-Mbappé. La facilité avec laquelle la Mannschaft prend le contrôle du match (avec un but à la 7e seconde…) et ne le lâchera plus inquiète, à trois mois de l’Euro. « On n’y était pas, c’est évident, par rapport à ce que demande un match de haut niveau aujourd’hui et ce qu’ont proposé les Allemands. Quand on voit notre début de match avec ce but où on est à l’arrêt… »Et la victoire (3-2) face au Chili ne rassure pas côté défensif, avec encore un but encaissé trop vite (6e). Et un Mbappé à la tête ailleurs, assez peu concerné par la sélection.
Kanté, un retour inattendu qui en rappelle un autre
Le 16 mai, il tente un coup de poker, comme avant l’Euro 2020 avec Benzema, en appelant un ancien : N’Golo Kanté fait son retour en sélection après deux ans d’absence et un exil en Arabie Saoudite. Et il intègre à la liste des 25 un petit nouveau, l’attaquant du PSG Bradley Barcola. Au cours de sa conférence de presse, il glisse : « Qu’il y ait de moins de perturbations possibles avant, aussi. Moi, j’ai suffisamment de sérénité et de tranquillité, mais c’est plus pour les joueurs qui peuvent être impactés par ce qu’il se passe. Le haut niveau est impitoyable, je l’ai déjà dit. Dès que l’on fait ou que l’on donne un peu moins, cela peut basculer. »
Ce qui n’était pas prévu, évidemment, c’est la fracture du nez de Mbappé dès le premier match contre l’Autriche, au cours d’un match gagné sans maîtrise par les Bleus (1-0). Dès lors, la blessure du capitaine va propager cette incertitude que le sélectionneur redoutait tant. Sans lui contre les Pays-Bas (0-0), les Bleus dominent mais n’ont aucune efficacité offensive, et la rotation n’est pas possible au troisième match, comme en 2021. De plus, Deschamps choisit de mettre Griezmann sur le banc face à la Pologne, alors que Giroud n’en sort quasiment pas et que Marcus Thuram le rejoint. Entre les deux matchs, il déclare, à propos des téléspectateurs : « S’ils n’aiment pas ce qu’ils voient, ils peuvent changer de chaîne. C’est plus facile à la maison. Quand ils ont payé au stade, ils restent du début à la fin. »
A l’Euro, quand l’attaque fonctionne, c’est la défense qui lâche
Comme en 2018 ou en 2022, on espère des Bleus un autre visage une fois les matchs à élimination directe arrivés. Mais on ne le verra pas, car si la défense est immuable (et plutôt solide), l’animation offensive change et ne convainc toujours pas. Comme en 1996, lors d’un Euro où Deschamps était le capitaine des Bleus, les tours sont passés en version minimaliste, soulevant de plus en plus de critiques, malgré une qualification aux tirs au but (enfin) face au Portugal.
La sanction tombe contre l’Espagne en demi, mais juste après l’ouverture du score sur une action de jeu (pour la seule fois du tournoi). Autrement dit, quand l’attaque fonctionne, c’est la défense qui lâche et qui encaisse deux buts en quatre minutes. Griezmann et Giroud, encore remplaçants, entrent en deuxième mi-temps mais ça ne change rien. « La responsabilité est la mienne. Je ne reprocherai pas aux joueurs d’avoir donné ce qu’ils avaient. Ils n’étaient pas tous à 100 % pour cette compétition pour différentes raisons. »
Oxygéner le groupe, mais sans Griezmann
Confirmé dans son statut par le président de la FFF Philippe Diallo, qui rappelle que le contrat du sélectionneur va jusqu’à la Coupe du monde 2026, Deschamps revient en septembre avec la volonté « d’oxygéner le groupe ». Concrètement, ça se traduit par l’arrivée de trois olympiques, le défenseur Loïc Badé, le milieu Manu Koné et l’attaquant Michael Olise. Mais les Bleus, toujours convalescents, trébuchent d’entrée contre l’Italie (1-3) à l’issue d’une prestation vraiment faible, et à la fin du mois, Antoine Griezmann jette l’éponge. Des principaux cadres depuis 2014 (Lloris, Varane, Pogba, Griezmann, Giroud), il ne reste personne.
La surprise milanaise
C’est donc avec une équipe rajeunie, inexpérimentée et privée de son capitaine (forfait controversé en octobre, pas appelé en novembre) que Deschamps poursuit sa route et redresse la barre dans une ambiance pesante, avec un stade de France très peu garni face à Israël. Les malchanceux ont assisté au quatrième 0-0 de l’année. « Je ne me satisfais pas de ce qu’on a proposé car avec le nombre d’occasions que l’on a eu, on aurait dû gagner. » Mais, à la surprise générale, les Bleus l’emportent à Milan contre l’Italie (3-1) grâce à deux anciens, Rabiot et Digne, et terminent en tête de leur groupe. Au-delà, cette victoire réhausse un bilan somme toute décevant : « Je suis conscient de l’exigence, c’est la faute de mes joueurs depuis 10 ans, peut-être un peu la mienne aussi. On est là-haut, il faut y rester ! On ne peut pas gagner tous les matches. Oui, ça a été une année compliquée et gagner le dernier match ici en Italie fait plaisir. » Reste à remettre la machine en route en mars 2025. Pas une mince affaire.