Deschamps en prolongations

Publié le 12 février 2015 - Bruno Colombari

PNG - 21.7 kioObjectif Moscou 2018. A seize mois de l’Euro, Didier Deschamps a obtenu de Noël Le Graët une prolongation de contrat jusqu’à la prochaine coupe du monde. Une stratégie qui se défend, à condition d’éviter tout crash prématuré l’année prochaine.

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On s’y attendait un peu, à vrai dire : l’ex-capitaine des champions du monde et d’Europe a vu son contrat de sélectionneur prolongé jusqu’en 2018. Les précédents Lemerre et Domenech n’ont visiblement servi à rien : le premier, champion d’Europe en 2000, avait été prolongé de deux ans avant la coupe du monde 2002, puis débarqué sans ménagement après le fiasco coréen. Le second avait rempilé pour quatre ans en 2006 et maintenu en poste après l’Euro en Suisse.

Loin de nous l’idée de comparer la situation de Deschamps à celle de ses prédécesseurs, mais qui peut dire de ce qui ressortira de l’Euro l’an prochain. En cas de scénario noir, par exemple une élimination au premier tour ou en huitièmes ou un pétage de plombs d’un ou plusieurs joueurs, quelle marge de manœuvre la fédération aura-t-elle ? Selon l’Equipe du 12 février, le salaire du sélectionneur a été réévalué — il est vrai que le malheureux n’émargeait qu’à 100 000 euros mensuels, hors primes, trois fois moins que ce qu’il touchait à l’OM. 

Autrement dit, une rupture de contrat risquerait de coûter cher à la FFF. On peut penser aussi que Deschamps pourrait démissionner en cas de mauvais résultats, comme il avait envisagé de le faire avant le barrage contre l’Ukraine fin 2013. Et comme il l’avait fait en club avec Monaco en 2005, la Juventus en 2007 et l’OM en 2012.

 


 

Pourquoi ça pourrait être une bonne idée

Renforcer le rôle du sélectionneur en place en le prolongeant est aussi un message envoyé aux joueurs : Deschamps est là dans la durée, autrement dit il n’est pas conseillé de se le mettre à dos. A contrario, on se souvient que les annonces prématurées des départs de Jacques Santini avant l’Euro 2004 ou de Laurent Blanc en cas d’échec en 2012 avaient probablement fragilisé le coach. Et en tout cas ouvert les spéculations sur les éventuels successeurs.

Aujourd’hui, des éventuels successeurs, il n’y en a pas. Arsène Wenger n’est pas intéressé, Jean Tigana est hors du coup après deux très mauvaises expériences à Bordeaux et à Shanghai et Zinedine Zidane en est encore à se faire les dents sur la réserve du Real Madrid. Ce dernier est le seul prétendant déclaré, mais les trois ans qui viennent ne seront pas de trop pour faire ses preuves. Sur le papier, un passage de relais entre La Dèche et Zizou vingt ans après le sacre de 1998 aurait assurément de la gueule, mais les choses sont parfois plus compliquées.

Enfin, Deschamps est à la tête d’une équipe de toute évidence en devenir, avec Pogba et Varane qui vont fêter bientôt leurs 22 ans et Griezmann qui en comptera 24 juste avant le prochain France-Brésil. Lui laisser le temps pour amener ces joueurs au plus au niveau est parfaitement légitime.

Quelques petits bémols...

Dans l’ambiance Oui-Oui qui prévaut en ce moment — grand amour entre le président de la Fédération et le sélectionneur, préparation sans nuage d’un Euro à domicile — il est utile de mettre quelques bémols.

Tout d’abord, au niveau des résultats, ceux de Deschamps ne sont pas exceptionnels, loin de là. Sortis deuxièmes derrière l’Espagne en qualification, ce qui n’a rien de déshonorant, ils ont complètement raté le match aller en Ukraine avant de renverser la vapeur au retour. Et au Brésil, Si les deux premières rencontres ont été bien gérées, on peut émettre quelques doutes sur la nécessité de faire jouer Benzema contre l’Equateur, et surtout de ne pas utiliser Sissoko et Giroud en quarts face à l’Allemagne.

Pour ce dernier match, le coaching du sélectionneur — Koscielny à la place d’un Sakho diminué physiquement, Rémy remplaçant Cabaye et Valbuena sortant au profit de Giroud à cinq minutes de la fin — n’a pas été d’une clarté absolue, c’est le moins que l’on puisse dire. Et le sentiment d’impuissance face à un adversaire supérieur n’a pas été très différent de celui éprouvé face à l’Espagne deux ans plus tôt à l’Euro.

La mise à l’écart de Jérémy Ménez et de Samir Nasri, conjuguée au retrait de Franck Ribéry, a permis d’apaiser le vestiaire sans pour autant éteindre quelques conflits larvés, notamment entre Giroud et Benzema. Tant que tout ira bien ils resteront anecdotiques, mais rien ne dit qu’ils ne ressortiront pas un jour ou l’autre à l’occasion d’une défaite.

Et s’il y arrive ?

Le bilan de Deschamps en tant que sélectionneur n’a rien d’extraordinaire pour l’instant. Il compte proportionnellement bien plus de défaites que ses cinq prédécesseurs (depuis Aimé Jacquet), et son pourcentage de victoires est à peine supérieur à celui de Raymond Domenech. Pourtant, s’il va jusqu’au bout de son contrat et que les Bleus arrivent en finale à l’Euro et dans le dernier carré en Russie, il pourrait battre le record de matches dirigés par un sélectionneur français. Et, accessoirement, devenir le troisième homme à avoir été champion du monde comme joueur puis comme sélectionneur [1]

Deschamps en est à 33 matches sur le banc. Si on ajoute les dix de 2015, on arrive à 43. En 2016, en comptant sept matches à l’Euro, on devrait atteindre les 60. En 2017, il devrait y en avoir une dizaine, donc 70 au total. Et en 2018, quatre matches amicaux plus sept matches de coupe du monde, nous voilà à 81, soit deux de plus que le total de Domenech, et six de plus que celui d’Hidalgo. C’est tout ce qu’on lui souhaite.

[1Après Mario Zagallo en 1970 et Franz Beckenbauer en 1990.

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