Didier Deschamps, saison 11

Publié le 22 juin 2023 - Bruno Colombari

La Coupe du monde au Qatar est passée, Noël Le Graët est parti, Lloris, Varane et Benzema ont quitté les Bleus et Didier Deschamps est toujours là. L’opération rajeunissement s’est accélérée, avec toutefois quelques constantes.

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La notion de saison sportive, tout à fait cohérente pour les clubs, l’est beaucoup moins pour les sélections nationales, et encore moins depuis que les phases qualificatives se jouent de mars à novembre (2019, après l’introduction de la Ligue des Nations). Le calendrier récent, chamboulé par le report de l’Euro d’une année à cause de la pandémie de covid, puis par la Coupe du monde en fin d’automne au Qatar, a achevé cette mutation. D’autant que le carré final de la deuxième Ligue des Nations, en 2021, s’est tenu à l’automne plutôt qu’en juin.

Un échec toujours pas digéré en 2016

On sait que les phases finales mondiales sont souvent l’occasion d’un changement de sélectionneur : 1966 (Guérin), 1998 (Jacquet), 2002 (Lemerre), et 2010 (Domenech) l’ont prouvé. C’est un bon moment pour partir sur un succès (ou une finale perdue de justesse) ou un échec cuisant. Mais Didier Deschamps sélectionneur a participé à trois fois plus de Coupes du monde que Didier Deschamps joueur. Et il en veut encore, persuadé que la génération montante qui entoure Mbappé (les Maignan, Konaté, Upamecano, Camavinga, Tchouaméni, Kolo Muani et Nkunku) dispose d’un potentiel énorme, sans même parler du groupe des Espoirs, presqu’aussi prometteur. Et surtout, il n’a pas digéré son seul échec, la finale perdue contre le Portugal à l’Euro 2016, à domicile qui plus est.

Fort d’une Coupe du monde bien meilleure qu’espérée compte tenu des défaillances initiales (Pogba, Kanté, Benzema), il a ainsi pu renégocier une prolongation de contrat à ses conditions, avec Noël Le Graët qui ne voulait pourtant qu’une échéance à 2024, mais qui lui a accordé deux ans de plus. C’était le bon moment pour ça, car à quelques semaines près, la donne aurait certainement été différente.

Le voici maintenant sur les traces de Joachim Löw (Allemagne, 2006-2021), lequel a été champion du monde au terme de sa huitième saison et n’a rien fait de mieux par la suite qu’une demi-finale perdue contre la France, ou d’Oscar Tavarez (Uruguay, 2006-2021 aussi). Il est au niveau d’Enzo Bearzot (Italie, 1975-1986) et, s’il va au terme de son contrat en 2026, il égalera la longévité d’Helmut Schön (RFA, 1964-1978). Mais bien sûr un Euro 2024 manqué dans les mêmes proportions que le dernier lui sera sans doute fatal, alors que si les Bleus le remportent, Didier Deschamps sera tenté d’aller au bout et de réaliser le doublé en 2026.


 

Sur le fil d’une finale improbable

Après dix minutes de jeu contre l’Australie, le 22 novembre, bien malin qui aurait misé sur une présence des Bleus en finale. Menés 0-1 et ayant perdu Lucas Hernandez sur blessure, les hommes de Didier Deschamps commençaient le tournoi à l’envers, et sans Karim Benzema reparti en France après le réveil de sa blessure à l’entraînement. Moins d’un mois plus tard, au terme d’un match à nouveau parti sur des bases inquiétantes contre l’Argentine (0-2 à la mi-temps, Giroud et Dembélé sortis à la 41e), il s’est fallu d’un rien pour que les Bleus renversent la table et entrent définitivement dans l’histoire au côté du grand Brésil de 1970, en se créant deux énormes occasions dans le temps additionnel de la prolongation alors que le score était de 3-3.

Cet échec rageant, mais dans une proportion moindre que celui contre le Portugal en 2016, ajouté aux départs de cadres comme Benzema, Varane, Lloris et Mandanda aurait pu inaugurer une période de flottement semblable à celles post-Platini en 1986-87 et post Zidane en 2006-07. Mais le changement s’est fait aux deux extrémités du terrain : Mike Maignan a pris la place laissée vacante par Lloris, et Kylian Mbappé a hérité du brassard de capitaine. Et Griezmann a décidé de continuer, malgré sa déception d’avoir été évincé.

En remportant ses quatre premiers matchs de l’année 2023, brillamment face aux Pays-Bas, plus laborieusement devant l’Irlande, Gibraltar et la Grèce, l’équipe de France s’est vite remise sur les rails. Les rencontres de l’automne diront si cette tendance est durable, et si la manière discutable aperçue en juin est seulement conjoncturelle ou révélatrice d’un manque de liant dans le jeu.

Une saison de qualité côté chiffres

Avec dix victoires en treize matchs, 2022-2023 se situe à la onzième place au classement des saisons, avec le bémol de deux défaites certes sans enjeu (Danemark 0-2 en septembre, Tunisie 0-1 fin novembre) mais qui font un peu tache dans le bilan, les adversaires ne faisant quand même pas partie des terreurs mondiales. Ce qu’il a manqué, en fait, c’est un peu de réussite contre l’Argentine, qui aurait transformé un 3-3 perdu aux tirs au but en une onzième victoire et surtout un troisième titre mondial.

27 buts marqués, 10 encaissés, rien d’exceptionnel dans les deux cas. A nombre de matchs équivalents (13), les Bleus avaient fait mieux la saison précédente (29 buts marqués, 11 encaissés), mais 2003-2004 avait été autrement meilleure (40 buts marqués, 8 encaissés) avec seulement un match en plus. Ce qui a coûté cher aux Bleus, c’est leur fragilité défensive en première partie de saison, avec 10 buts encaissés en seulement 9 matchs, alors qu’ils ont enchaîné quatre clean-sheets depuis.

Huit nouveaux, aucun titulaire

Alors que le début de la saison 2022-23 partait sur les mêmes bases, peu rassurantes, de la fin de la précédente, le sélectionneur a dû faire face à une vague de forfaits qui rendait impossible l’idée même d’une préparation sérieuse à sa troisième Coupe du monde en tant que sélectionneur. D’une part faute de matchs amicaux (même si, d’une certaine manière, ceux de septembre contre l’Autriche et le Danemark en tenaient lieu), d’autre part faute de certitudes sur une bonne moitié de sa liste pour le Qatar. Furent lancés à l’automne Adrien Truffert et Benoît Badashile, qu’on n’a pas revus depuis, mais aussi Randal Kolo Muani et Youssouf Fofana, qui se sont fait une place sinon parmi les titulaires, au moins dans les 23. Et on a même vu Axel Disasi, jamais convoqué précédemment, embarqué de dernière minute au Qatar.

Se sont ajoutés après la Coupe du monde Khéphren Thuram, Brice Samba et Wesley Fofana, mais si les deux derniers ont été titulaires en juin, le premier n’a fait qu’une apparition en mars, huit petites minutes en bout de match contre les Pays-Bas.

Autrement dit, des huit nouveaux de cette saison, aucun n’a gagné sa place dans le onze de départ. Randal Kolo Muani semblait, il y a encore quelques mois, avoir le profil d’une révélation inattendue, mais il n’a pas encore confirmé. Se faire une place dans une ligne offensive où Giroud est toujours là, où Dembélé est revenu et où Coman apporte beaucoup, ne sera pas une mince affaire, surtout si Christopher Nkunku et Marcus Thuram finissent par hausser leur niveau de jeu en sélection.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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