Sélectionneurs des Bleus, les bonus (3/11) : Frederick Pentland

Publié le 27 novembre 2020 - Pierre Cazal

Pour les JO d’Anvers en 1920, la FFF recrute un entraîneur anglais, Frederick Pentland. Ce dernier va tenter de mettre un peu d’ordre dans la préparation de l’équipe de France, mais va se heurter à l’hostilité des joueurs, et ne sera pas soutenu par Gaston Barreau. Troisième bonus au livre « Sélectionneurs des Bleus ».

3 minutes de lecture

Jusqu’en 1964, les fonctions de sélectionneur et d’entraîneur étaient disjointes. L’équipe de France ne bénéficiait pas des services d’un entraîneur, cette fonction n’existant en France dans les clubs, sauf exception.

C’est seulement en 1920, à l’occasion des Jeux olympiques, que le comité de sélection se vit flanqué d’un entraîneur pour la durée du tournoi, sans l’avoir souhaité ; cette disposition se répéta en 1924 (avec Charles Griffiths) et 1928 (avec Peter Farmer), mais jamais pour les matches amicaux. Gaston Barreau, qui présidait le comité, affirmait péremptoirement : « On n’entraîne pas l’équipe de France » ; mais il n’eut pas le choix. C’est donc Frederick Pentland qui assura l’entraînement des Bleus à Anvers, en août 1920.

Son expérience, pas très heureuse, est racontée au chapitre 7 de « Sélectionneurs des Bleus », mais on peut l’illustrer d’une interview accordée à l’Auto, qui parut le 23 septembre 1920 : c’est de la dynamite !

L’Auto du 23 septembre 2020 (source Gallica).


François Hugues, demi-centre saboteur

On y découvre l’ampleur des difficultés auxquelles il se heurta pour venir à bout de l’indiscipline des joueurs et le peu de soutien qu’il reçut de Gaston Barreau. Ses démêlés avec le capitaine, Henri Bard, ont été narrés dans « Sélectionneurs des Bleus », je n’y reviens pas ; mais l’article de L’Auto révèle aussi l’étonnante insoumission de François Hugues, demi-centre titularisé d’abord par le comité de sélection. Pentland parvint à convaincre le comité de lui préférer René Petit, mais Hugues fut décalé au poste de demi-aile. Pentland n’hésite pas à déclarer qu’ « il sabota toute la partie, n’essayant même pas de faire du jeu » .

Quelle accusation ! Ainsi François Hugues, 24 sélections (de 1919 à 1927) se braqua à ce point contre l’entraîneur qu’il « sabota » la partie, voilà qui était ignoré jusqu’aujourd’hui, et ternit l’image de ce joueur. Pentland, à la fin de l’article, salue les « gentlemen et sportsmen » de l’équipe. Il cite même les noms, on a compris que pour les autres …

Ainsi Pentland, premier entraîneur des Tricolores, fut rejeté par une partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le « vestiaire », et en particulier par ses leaders, ce qui débouche immanquablement sur des contre-performances graves. On pense à Knysna …

L'équipe de France aux JO de 1920.
L’équipe de France aux JO de 1920.
Debout, de gauche à droite : Huot, Baumann, Batmale, Parsys, Barreau (sélectionneur), Petit, Hugues. Accroupis : Devaquez, Boyer, P.Nicolas, Bard, Dubly.

Mais qui était Frederick Pentland ?

Un authentique international anglais : pas de l’équipe amateur opposée aux Français depuis 1906. Mais celle formée de pros évoluant dans le Home Championship qui, à partir de 1884 opposait annuellement les quatre nations composant le Royaume-Uni de Grande Bretagne. Ailier droit, « speedy outside-right, dexterous ball player, with a tendency towards overelaboration », précise Douglas Lamming dans son irremplaçable « Who’s who » des internationaux anglais : rapide, bon technicien mais pas assez direct. Il avait joué pour Blackburn, Queen’s Park Rangers et Middlesborough et connu 5 sélections en 1909, dont 3 lors de la tournée en Autriche-Hongrie, 5 victoires ( Galles 2-0, Ecosse 2-0, Hongrie 4-2 puis 8-2, Autriche 2-0), aux côtés de joueurs mythiques comme le gardien Sam Hardy, l’arrière Jesse Pennington, les avants Harold Fleming et Vivian Woodward. Puis il était devenu manager à Halifax avant de partir en Allemagne.

El Bombin à Bilbao et à Madrid

Mal lui en prit, en 1914 : il fut interné pour la totalité de la guerre (avec des vedettes comme Steve Bloomer ou Alf Common) et à l’Armistice se dirigea vers Strasbourg, fraîchement redevenue française après 37 années sous le joug allemand. Il y entraîna l’AS Strasbourg et se fit remarquer, puisque la FFF le contacta pour lui proposer un contrat court avec les Bleus : a priori une occasion rêvée pour lui d’asseoir sa réputation, mais dans les faits un échec.

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Echec qui ne l’empêcha pas de rebondir, mais en Espagne : entre 1920 et 1935, il entraîna principalement l’Athletic Bilbao et l’Atletico Madrid, avec à la clé pas moins de 7 trophées (2 championnats, 5 coupes). Cerise sur le gâteau, « El Bombin », comme l’appelaient les Espagnols (à cause de son inamovible chapeau melon) assista le sélectionneur Jose Maria Mateos, en tant qu’entraîneur pour la venue de l’équipe d’Angleterre en mai 1929, avec une victoire (4-3) au bout, qui déclencha l’enthousiasme partout en Europe !

Pentland bénéficia donc en Espagne de la réputation que l’échec d’Anvers n’avait pu lui assurer en France, et c’est uniquement la guerre civile qui éclata en 1936 qui le poussa à retourner dans son pays natal où il n’entraîna plus que de petits clubs, comme Brentford ou Burrow, jusqu’en 1940.

Des quatre entraîneurs anglais qui assistèrent un temps l’équipe de France (car il faut ajouter à Griffiths et Farmer le fameux Sid Kimpton, qu’on appelait, on se demande bien pourquoi, George en France, et dont les démêlés, presqu’aussi navrants que ceux de Pentland, sont exposés au chapitre 8 de « Sélectionneurs des Bleus »), Frederick Beaconsfield Pentland fut certainement le plus prestigieux. Il est mort en 1962.

pour finir...

Cet article est un bonus du livre Sélectionneur des Bleus de Pierre Cazal paru en novembre 2020 chez Mareuil Editions. 286 pages, 19,90 euros.

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