Quand les Bleus étaient aux Jeux olympiques

Publié le 29 juillet 2021 - Bruno Colombari

Déjà éliminée des JO Tokyo, l’équipe de France attendra 2024 et le prochain tournoi olympique pour lequel elle a joué 34 matchs entre 1900 et 2021, en 12 participations. Six rencontres seulement sont reconnues comme des sélections A par la FFF et la FIFA. Voici leur histoire.

6 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en août 2016.

Dans la hiérarchie des trophées au football, les Jeux olympiques viennent loin derrière la Coupe du monde et le championnat d’Europe (ou la Copa América), à la hauteur de la coupe des Confédérations. Pourtant, dans les années vingt du siècle dernier, les JO étaient l’occasion de désigner la meilleure sélection du monde, comme en attestent les médailles d’or raflées par l’Uruguay en 1924 (à Paris) et 1928 (à Amsterdam). Ces éditions-là, avec celles de 1908 (à Londres) et 1920 (à Bruxelles) sont les seuls points de jonction entre l’olympisme et l’équipe de France A.

Le Club Français en démonstration en 1900

Pourtant, une sélection française avait participé aux deuxièmes olympiades de l’ère moderne, celles de 1900 à Paris. Mais les deux matches qu’elle a disputé ne sont pas reconnus par la FIFA (qui n’existait pas encore), car ce n’était pas une équipe nationale proprement dit, mais le Club Français, opposé aux Anglais d’Upton Park et aux Belges des Universités de Bruxelles. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un tournoi mais de matches de démonstration. Les Français perdent contre Upton Park 0-4 et battent Bruxelles 6-2. Ils finissent deuxièmes. Dans leur effectif, on retrouve plusieurs futurs internationaux A comme Pierre Allemane, Georges Garnier ou Fernand Cannelle. Une médaille d’argent sera attribuée rétrospectivement par le CIO.

Deux raclées inaugurales en 1908

C’est donc en 1908 à Londres que la France joue ses premiers matches de compétition. Elle va même y présenter deux équipes alignée par l’USFSA (le réglement en autorisait jusqu’à quatre par pays). En quarts de finale, l’équipe de France A gagne par forfait contre la Bohème, tandis que l’équipe B se fait étriller par le Danemark (0-9). En demi-finale, les Danois doublent presque la note contre l’équipe de France A, qui subit la plus grosse défaite de son histoire (1-17), avec dix buts signés par l’attaquant Sophus Nielsen. L’Histoire retiendra qu’Emile Sartorius, attaquant du RC Roubaix, sera le premier buteur français en compétition.

Il faudra attendre 1920 et les premiers JO d’après-guerre, à Bruxelles, pour revoir une équipe de France jouer autre chose qu’un match amical. La préparation avait été cette fois conséquente, et l’Italie fut battue (3-1 à Anvers, buts de Jean Boyer, Paul Nicolas et Henri Bard). Mais la demi-finale contre la Tchécoslovaquie arrêta l’aventure (1-4 à Anvers, but de Jean Boyer). Un tournoi de repêchage désigna la médaille de bronze, mais la France n’y participa pas.

L’Uruguay était trop fort

En 1924, pour les deuxièmes JO de Paris, l’équipe de France commence au petit trot contre la Lettonie (7-0 à Saint-Ouen, triplé d’Edouard Crut, doublés de Paul Nicolas et Jean Boyer). Face à l’Uruguay en quart de finale, c’était évidemment autre chose : la meilleure équipe du monde ne fit qu’une bouchée de Bleus habillés de rouge (1-5 à Colombes, but de Paul Nicolas).

Quatre ans plus tard, à Anvers, le tournoi fut encore plus bref : défaite honorable dès les huitièmes de finale (3-4) contre une Italie qui n’était pas encore celle qu’elle deviendrait pour son doublé mondial en 1934-38. Les Français commencent pourtant fort (2-0 après 17 minutes, doublé de Juste Bouzes mais se font remonter avant la pause (2-3). Les deux buts marqués à l’heure de jeu ne changeront rien.

A Londres contre des Indiens aux pieds nus

C’est à Londres en 1948 que l’équipe de France retrouvera le tournoi olympique, mais avec une formation amateur qui croise la route de la sélection d’Inde, dont les joueurs évoluent pieds nus (2-1 à Ilford, buts de René Courbin et René Persillon). Puis elle s’incline en quart de finale contre la Grande-Bretagne à Londres (0-1). Dans ce groupe, on retrouve deux futurs internationaux A : André Strappe et Lazare Gianessi.

En 1952 à Helsinki, le séjour des Bleus sera des plus brefs puisqu’ils ne franchiront pas le cap du tour préliminaire, battus par la Pologne (1-2, but de Michel Leblond, futur international). Ils ne feront guère mieux huit ans plus tard à Rome. Après une victoire contre le Pérou à Florence (2-1, buts, de André Giamarchi et Yvon Quédec), ils ne font qu’un nul contre l’Inde à Grosseto (1-1, but de Gérard Coinçon) avant de se faire découper par la Hongrie de Florian Albert à Rome (0-7). Marcel Artelesa est le seul international A de l’effectif.

Un premier séjour à Mexico

En 1968 à Mexico, tout commence plutôt bien avec deux victoires contre la Colombie à Puebla (3-1, buts de Gérard Hallet, Daniel Horlaville et Daniel Perrigaud) et face au Mexique au stade Aztèque (4-1, doublé de Kanyan et but de Charles Tamboueon), la défaite contre la Colombie à Puebla (1-2, but de Tamboueon) n’ayant pas d’importance. Mais le quart de finale contre le Japon sera fatal aux Bleus à Mexico (1-3, but de Tamboueon). Les quatre internationaux A du groupe sont Jean-Michel Grava, Daniel Horlaville, Dario Grava et Yves Triantafilos.

Platini fait des siennes à Montréal

En 1976 à Montréal, l’équipe de France olympique arrive avec sa nouvelle pépite lorraine, Michel Platini. C’est dire si côté tricolore on y croit, d’autant que l’effectif de Gaby Robert compte de nombreux jeunes joueurs prometteurs comme Patrick Battiston, Loïc Amisse, Olivier Rouyer, Francis Meynieu, Bruno Baronchelli ou Eric Pécout qui seront tous appelés en A. Après une ouverture facile contre le Mexique à Ottawa (4-1, buts de Schaer, Baronchelli, Rubio et Amisse) et le Guatemala à Sherbrooke (4-1, doublé de Platini et buts d’Amisse et Schaer) et un nul contre Israël à Montréal (1-1, but de Platini), la déconvenue est terrible. En quarts de finale, les Bleuets s’effondrent contre la RDA (0-4), en concédant deux pénalties en huit minutes.

Battre Dunga en finale, déjà...

En 1984, pour la première fois des pros peuvent participer, à condition qu’ils n’aient pas participé à un match de coupe du monde (qualifications ou phase finale). Henri Michel est chargé de mener cette équipe olympique à Los Angeles, avec un groupe composé d’actuels et futurs Bleus (William Ayache, Michel Bibard, Albert Rust, Dominique Bijotat, François Brisson, Philippe Jeannol, Jean-Claude Lemoult, Jean-Philippe Rohr, Didier Sénac, Jean-Christophe Thouvenel, José Touré, Philippe Garande et Daniel Xuereb). Hormis William Ayache et dans une moindre mesure José Touré, aucun ne fit une grande carrière en bleu. Cette année-là, l’équipe olympique est accrochée par le Qatar et le Chili à Annapolis (2-2 et 1-1) et bat la Norvège à Boston (2-1). Puis elle part sur la côte ouest à Pasadena, où elle écarte l’Egypte en quarts (2-0), est poussée à la prolongations par une redoutable équipe yougoslave (4-2) et s’impose face au Brésil où évolue Dunga (2-0).


 

Prolongations fatales contre le Portugal

En 1996 à Atlanta, les Bleus sont dirigés par Raymond Domenech et comptent dans leurs rangs trois futurs champions du monde (Patrick Vieira, Robert Pires, Vincent Candela) et un champion d’Europe (Sylvain Wiltord), mais aussi Claude Makelele, Vikash Dhorasoo, Martin Djetou, Olivier Dacourt, Florian Maurice et Tony Vairelles. Ils sortent de leur poule en battant à Miami l’Australie (2-0, buts de Pires et Maurice) et l’Arabie Saoudite (2-1, buts de Maurice et Sibierski), et concèdent entre temps un nul face à l’Espagne à Orlando (1-1, but de Legwinski). Mais ils s’inclinent en quart de finale contre le Portugal, toujours à Miami, après prolongations (1-2, but de Maurice). C’est à ce jour la dernière apparition du football masculin français aux JO. Depuis, les filles ont pris la relève.

Le crash de Tokyo 2021

Qualifiés en 2019 pour les JO qui devaient se tenir l’année suivante à Tokyo, les Espoirs de Sylvain Ripoll n’ont pas été au bout de leur peine : le tournoi olympique a été reporté d’un an en raison de la pandémie de Covid-19. Et quand le sélectionneur a dû élaborer sa liste, en juin 2021, il s’est heurté à l’hostilité des clubs (français ou étrangers), peu motivés, c’est rien de le dire, à l’idée de libérer des joueurs pour des dates non reconnues par la FIFA. Donc sans aucune obligation de mettre les joueurs à disposition des sélections nationales.

C’est au final une équipe pour le moins hétéroclite qui a été élaborée, avec trois joueurs de plus de 23 ans pour encadrer les 16 jeunes : le champion du monde Florian Thauvin, le vice-champion d’Europe André-Pierre Gignac (tous deux du club mexicain de Monterrey) et le Montpelliérain Téji Savanier. Sylvain Ripoll a renoncé à appeler les 22 joueurs auxquels il avait pourtant droit.

Comme il fallait s’y attendre, tout est allé de travers après une préparation très courte, un seul match amical et des joueurs qui ne se connaissaient pas : surclassés par le Mexique d’entrée (1-4), les Olympiques se sauvaient de justesse contre l’Afrique du Sud (4-3, après avoir été menés trois fois) grâce à un triplé d’André-Pierre Gignac. Mais ce n’était que partie remise, puisque le Japon leur passait un 0-4 sec trois jours plus tard.

En attendant 2024...

Il y a quand même une bonne nouvelle : les prochains JO en 2024 étant organisés par Paris, l’équipe de France de football sera qualifiée d’office. Espérons que d’ici-là, un accord sera trouvé entre les clubs et la Fédération. Et que trois des champions du monde 2018 pourront y participer pour encadrer les meilleurs espoirs. Kylian Mbappé et Antoine Griezmann, qui auront respectivement 25 et 33 ans, ont déjà fait acte de candidature.

Tous les matchs

Les deux rencontres de 1900 ne sont pas répertoriées, puisqu’elles n’ont pas été disputées par une équipe nationale.

datelieuadversairescore
 28/07/2021  Yokohama  Japon  0-4
 25/07/2021  Saitama  Afrique du Sud  4-3
 22/07/2021  Tokyo  Mexique  1-4
27/07/1996 Miami Portugal 1-2
24/07/1996 Miami Ar. Saoudite 2-1
22/07/1996 Orlando Espagne 1-1
20/07/1996 Miami Australie 2-0
11/08/1984 Pasadena Brésil 2-0
08/08/1984 Pasadena Yougoslavie 4-2
05/08/1984 Pasadena Egypte 2-0
02/08/1984 Annapolis Chili 1-1
31/07/1984 Boston Norvège 2-1
29/07/1984 Annapolis Qatar 2-2
25/07/1976  Ottawa  RDA 0-4
23/07/1976 Montréal Israël 1-1
21/07/1976 Sherbrooke Guatemala 4-1
19/07/1976 Ottawa Mexique 4-1
20/10/1968 Mexico Japon 1-3
17/10/1968 Puebla Colombie 1-2
15/10/1968 Mexico Mexique 4-1
13/10/1968 Puebla Guinée 3-1
01/09/1960 Rome Hongrie 0-7
29/08/1960 Grosseto Inde 1-1
26/08/1960 Florence Pérou 2-1
15/07/1952 Helsinki Pologne 1-2
05/08/1948 Londres Angleterre 0-1
31/07/1948 Ilford Inde 2-1
 29/05/1928 Amsterdam Italie 3-4
 01/06/1924 Colombes  Uruguay 1-5
 27/05/1924 Saint-Ouen Lettonie 7-0
 31/08/1920 Anvers  Tchécoslovaquie 1-4
 29/08/1920 Anvers Italie 3-1
 22/10/1908 Londres  Danemark 1-17
 19/10/1908 Londres  Danemark 0-9

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal