La Tchécoslovaquie est née au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les peuples tchèques et slovaques vivaient depuis de longues années sous le joug de l’empire austro-hongrois, lequel ne leur accordait aucune autonomie. On se souvient notamment que la monarchie danubienne s’était opposée à l’inscription de l’équipe de Bohême-Moravie à la FIFA, alors que la Hongrie et l’Autriche étaient autorisées à aligner chacune leur sélection nationale.
Naissance d’une nation
Le conflit de 14-18 fut l’occasion pour les peuples opprimés de manifester leur opposition. Les soldats slovaques et tchèques recrutés en masse firent preuve de mauvaise volonté et préférèrent se constituer prisonniers plutôt que de défendre une monarchie qui ne les avait jamais reconnu. Au lendemain des combats, alors que l’empire danubien n’était plus qu’un puzzle, la Tchécoslovaquie était créée, réunissant sous un même drapeau les territoires du peuple tchèque (la Bohême, la Moravie, la Silésie tchèque), du peuple slovaque (la Slovaquie) mais aussi de la Ruthénie subcarpathique (qui deviendra hongroise en 1938, puis soviétique en 1945, puis ukrainienne en 1991).
Comme pour rendre hommage à l’action déterminante des Tchécoslovaques pendant la guerre, la nation officiellement créée le 28 octobre 1918 fut invitée aux Jeux interalliés, une manifestation sportive organisés à Vincennes au début de l’été 1919 réunissant les militaires des pays “vainqueurs” du conflit. La Tchécoslovaquie participa notamment au tournoi de football et fut si brillante qu’elle empocha le titre, après avoir remporté la finale… contre la France.
Cette victoire (3-2) fut toutefois vivement commentée, car elle devait beaucoup à la blessure du gardien Pierre Chayriguès, qui avait dû quitter le terrain le bassin et l’épaule fracturés à la suite d’une charge de l’attaquant Antonín Janda. Les joueurs tchécoslovaques donnèrent ainsi l’image de joueurs brillants mais également très rugueux, pour ne pas dire brutaux.
A l’endroit d’Anvers
Les deux formations se retrouvent en demi-finale des Jeux olympiques d’Anvers un an, un mois et quelques jours plus tard. Alors que sa fédération n’est pas encore inscrite à la FIFA, l’équipe tchécoslovaque devient la favorite du tournoi olympique, après avoir écrasé la Yougoslavie (7-0) au premier tour, puis largement dominé la Norvège (4-0) en quarts de finale. La France, de son côté, a bénéficié du forfait de la Suisse pour accéder directement aux quarts de finale où elle s’impose (3-1) face à une équipe d’Italie qui avait dû disputer la veille son match du premier tour contre l’Égypte.
Toutefois, l’équipe tricolore n’avait pas démérité sa victoire. Contrairement à la farce de 1908, les joueurs français s’étaient parfaitement préparés à ce tournoi olympique. La délégation était arrivée en Belgique quinze jours avant son premier match et les joueurs s’entraînaient sous les ordres de l’ancien international anglais Fred Pentland.
Si elle déplore l’absence de son capitaine emblématique Lucien Gamblin, retenu pour raisons professionnelles, l’équipe de France a fait appel à René Petit, qui fait carrière en Espagne mais dont le service militaire effectué à Bordeaux lui a permis de prendre une licence au SBUC et d’être éligible pour porter le maillot bleu. Avec Petit, deux autres Tricolores ont fait leur apparition à l’occasion du match contre l’Italie, Léon Huot, le défenseur du CA Vitry, et Jean Boyer, l’attaquant du CASG.
Par ailleurs, l’équipe n’est pas fort expérimentée. Seul l’attaquant Raymond Dubly compte plus de dix sélections. Le capitaine Henri Bard n’en cumule que sept avant le début des Jeux et le gardien Albert Parsys n’en est qu’à trois. Quatre joueurs n’ont fait leurs débuts en bleu que dans les mois précédant le tournoi : Edouard Baumann, Jean Batmale, Jules Devaquez et Paul Nicolas.
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Le Miroir des Sports du 9 septembre 1920 (BNF, Gallica)
L’arbitre de touche expulsé
La demi-finale se déroule au stade olympique d’Anvers devant 12.000 spectateurs. Une pluie fine et pénétrante rend le terrain glissant et dès le début du match, Paul Nicolas glisse au moment où il arme une frappe qu’il aurait pu concrétiser en but. Nicolas est le seul joueur français qui avait disputé la finale des Jeux interalliés. Il retrouve pas moins de six adversaires rencontrés à Vincennes : le gardien Rudolf Klapka, le défenseur Antonín Hojer, le demi Karel « Káďa » Pešek et les attaquants Antonín Janda, Josef Sedláček et Jan Vaník.
Très vite, les Tchéco-Slovaques, avec le tiret comme aime l’écrire l’envoyé spécial de L’Auto, affichent leur supériorité sur le plan technique, mais également physique et tactique. Les attaquants français sont régulièrement pris dans la nasse de la défense tchécoslovaque, qui remonte ensuite le ballon de manière méthodique et appliquée. Et après 18 minutes de jeu, les centreuropéens concrétisent leur domination grâce à un but de leur attaquant Otakar Mazal, à moins qu’il s’agisse de Jan Vaník comme le suggère le journaliste de L’Auto.
Le match reste toutefois équilibré. Les Français démontrent qu’ils ont les moyens d’égaliser, mais la plupart de leurs actions sont arrêtées par le juge de ligne qui signale un hors-jeu. Il convient de signaler qu’à Anvers, les arbitres assistants sont les joueurs remplaçants. Ainsi Gaston Barreau tient le drapeau côté français alors que chez les Tchécoslovaques, c’est un certain Antonín Ratzenberger dit « Ráca » qui officie. Or le joueur du Slavia Prague signale beaucoup de hors-jeux, trop souvent au goût des Français, mais également à celui de l’arbitre néerlandais Job Mutters.
A l’heure de jeu, Ráca entre sur le terrain en courant et se précipite sur l’arbitre pour réclamer un corner. C’en est trop pour pour le referee néerlandais qui décide d’exclure son arbitre de touche. Il fait appel au Belge Henri Christophe pour remplacer l’indélicat. L’expérience du joueur arbitre de touche ne sera plus jamais renouvelée à l’avenir.
Un Hanot peu olympique
Bien que libérés d’un arbitrage trop défavorable, les Français ne parviennent pas à trouver l’ouverture. Pire, leurs adversaires prennent un ascendant décisif à vingt minutes de la fin, quand Albert Parsys est surpris par un coup franc lointain du défenseur Karel Steiner. Cinq minutes plus tard, le gardien français est chargé par Otakar Mazal qui marque son deuxième but et porte le score à 3-0. Le journaliste de L’Auto attribue le point à Sedláček alors que d’autres sources évoquent un but de Huot contre son camp. L’action devait donc être particulièrement confuse.
Jean Boyer réduit l’écart à la 79e minute d’une reprise de la tête. Ce but met fin à l’invincibilité de Rudolf Klapka, le gardien tchèque, qui avait conservé sa cage inviolée depuis le début du tournoi, mais il n’empêche pas la Tchécoslovaquie de l’emporter. Otakar Mazal inscrit même un quatrième but en toute fin de rencontre (4-1) que le journaliste de L’Auto, décidément en verve, attribue à Antonín Janda.
Il est souvent écrit que la France avait été invitée à disputer le match pour la troisième place contre les Pays-Bas, mais que le match n’a pu avoir lieu, les Tricolores étant rentrés à Paris sitôt terminée la rencontre contre les Tchécoslovaques. En réalité rien n’est moins sûr. Les Français n’avaient tout simplement pas été invité à ce tour de consolation. La deuxième et troisième place du tournoi se sont joués après la finale entre équipes battues par le vainqueur. Or, c’est la Belgique qui a remporté la finale.
Celle-ci fut d’ailleurs tronquée, les Tchécoslovaques ayant abandonné la partie peu avant la mi-temps à la suite de l’exclusion d’un de leur joueur, Karel Steiner, coupable d’un coup de pied au Belge Robert Coppée. Une affaire qui a définitivement terni l’image de la sélection tchécoslovaque, réputée brillante, mais brutale et quelque peu tricheuse.
Tchécoslovaquie bat France 4-1
Buts : Mazal (18’), Steiner (70’), Mazal (75’), Mazal (87’) pour la Tchécoslovaquie, Boyer (79’) pour la France.
TCHÉCOSLOVAQUIE : Klapka - Hojer, Steiner - Kolenatý, Pešek (cap), Seifert - Sedláček, Janda, Vaník, Mazal, Plaček.
FRANCE : Parsys - Huot, Baumann - Batmale, Petit, Hugues - Devaquez, Boyer, Nicolas, Bard (cap), Dubly.
Arbitre : Job Mutters (Pays-Bas), assisté de Gaston Barreau (Fra) et Antonín Ráca Ratzenberger (Tch.) lequel est remplacé par Henri Christophe (Belgique) à la 60’
12.000 spectateurs.
Joueur | Age | Poste | Sélections | Club |
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Albert Parsys | 30 ans | Gardien | 5/5 | Tourcoing FC |
Léon Huot | 22 ans | Défenseur | 2/4 | CA Vitry |
Edouard Baumann | 25 ans | Défenseur | 3/8 | RC Paris |
Jean Batmale | 25 ans | Demi | 3/6 | Club Français |
René Petit | 21 ans | Demi | 2/2 | Stade Bordelais |
François Hugues | 24 ans | Demi | 6/24 | Red Star |
Jules Devaquez | 21 ans | Attaquant | 6/41 | Olympique Paris |
Jean Boyer | 19 ans | Attaquant | 2/15 | CASG |
Paul Nicolas | 21 ans | Attaquant | 6/35 | Gallia Club |
Henri Bard (cap) | 28 ans | Attaquant | 9/18 | CA Paris |
Raymond Dubly | 27 ans | Attaquant | 13/31 | RC Roubaix |
Vos commentaires
# Le 16 avril à 23:11, par mendiz En réponse à : Histoires olympiques : 31 août 1920, le premier France-Tchécoslovaquie
can you tell me the full squad to france in olympics 1920 ?
Originally, goalkeeper Parsys was not selected, there was another goalkeeper with the last name Kuntz. Can you explain what happened to him, why did you not make an entry about the match against Italy ?
# Le 18 avril à 19:47, par Bruno Colombari En réponse à : Histoires olympiques : 31 août 1920, le premier France-Tchécoslovaquie
Bonjour. Sur la liste publiée par RSSSF, Parsys figure bien, mais il est dit que Charles Kuntz était sélectionné initialement puis remplacé par Parsys (info fournie par Richard Coudrais).
D’après Pierre Cazal :
« sur l’Auto du 27 août 1920, page 3, on trouve l’intégralité des listes des 22 de toutes les équipes participant au tournoi d’Anvers .
Kuntz figure dans cette liste, mais pas Parsys.
Ce qui veut dire que Kuntz a été sorti de la liste, le 28 ou le 29, parce que Parsys s’est pointé à Anvers alors que, vraisemblablement, on ne l’attendait plus...ou pas .
Parsys, qui avait 30 ans et avait déjà joué en sélection (peu) a dû paraître plus rassurant que les deux gardiens néophytes prévus, Kuntz et Lebidois... Le procédé était cavalier, mais les néophytes n’avaient que le droit de la fermer ; Kuntz, surnommé « le chat » en Alsace était certainement supérieur, et de beaucoup, à Parsys, gardien sans éclat.
Kuntz a 13 sélections en équipe d’Alsace. »