L’équipe de France de football a souvent joué dans des stades labellisés olympiques, c’est-à-dire ceux qui ont abrité un jour la célébration des Jeux chers au baron de Coubertin. Ainsi les Tricolores ont-ils foulé les pelouse de ces stades prestigieux, soit dans le cadre des Jeux eux-mêmes (Londres en 1908 et le stade de White City, Anvers en 1920, Colombes en 1924 et Amsterdam en 1928), soit quand ils y ont été invités, bien après les Olympiades en question. On se souvient du stade olympique de Berlin, théâtre de la finale de la Coupe du monde 2006, mais également des stades d’Helsinki, Tokyo, Barcelone (Montjuic), Sarajevo (le Stadion Koševo)... et bien sûr Mexico.
De Beamon à Maradona, de Colette Besson à Michel Platini
Ainsi l’Estadio Olimpico Universitario où Platini et Stopyra donnèrent aux Bleus une belle victoire (2-0) contre les tenants du titre italiens reste-t-il avant tout le stade des Jeux Olympiques de 1968. Des Jeux qu’on dit mythiques (bien que le terme soit un peu galvaudé). Mexico 68 est dans l’histoire olympique l’équivalent de Mexico 1970 dans celle du ballon rond. Un événement resté dans les mémoires pour sa dimension sportive, émotionnelle, politique, au cœur d’une année bouillonnante marquée par des mouvements de révolte un peu partout sur la planète.
Lorsqu’ils sont venus en reconnaissance du terrain avant la rencontre contre l’Italie, nos Tricolores ont-ils cherché l’emplacement du sautoir où Bob Beamon réalisa son incroyable saut de 8,90 m, un record du monde qui tenait encore (il ne sera battu qu’en 1991) ? Ont-ils foulé la célèbre piste en tartan qui rendait les courses plus rapides ? Se sont-ils amusé à franchir la ligne d’arrivée en se prenant pour Jim Hines, Tommy Smith, Lee Evans ou la Française Colette Besson ? Ont-ils cherché à quel endroit Dick Fosbury a tenté son saut révolutionnaire ? D’où Al Oerter a lancé son quatrième disque d’or ? Ont-il imaginé l’emplacement du podium où Tommy Smith et John Carlos ont brandit leur poing ganté de noir ?
Un destin olympique
A son origine, le stade n’avait pas encore de vocation olympique, mais plutôt universitaire. Il est construit en 1952 dans le campus de l’UNAM (Universidad Nacional Autónoma de México, université nationale autonome du Mexique), dans la municipalité de Coyoacán, dans le sud de Mexico. Doté de 63 000 places et situé à 2 200 mètres d’altitude, il est alors le plus grand stade du Mexique (le stade Aztèque ne sera construit qu’à partir de 1962).
L’Estadio Universitario, c’est son nom, est principalement utilisé pour les rencontres de football américain, quelques réunions d’athlétisme et surtout les matchs de football (soccer) du Club Universidad Nacional, créé en 1954 et couramment rebaptisé Los Pumas ou UNAM (club que l’équipe de France a d‘ailleurs rencontré à Tlaxcala le 28 mai 1986 pendant sa préparation pour le Mundial 1986).
Les Mexicains racontent que le stade a été conçu avec de la roche volcanique. Sur l’un des murs à l’extérieur, on y trouve une étonnante fresque murale réalisée par l’artiste Diego Rivera où sont représentés selon lui “l’Université, la famille mexicaine, la paix et la jeunesse sportive” ainsi que l’annonce le titre de l’oeuvre. Il est fascinant d’observer cette œuvre pour y discerner le rôle de chaque personnage : Des parents, un enfant, une colombe, un serpent à plumes, un aigle dont les ailes déployées se transforment en tribunes, au-dessus desquels deux sportifs semblent allumer une flamme olympique… Il était prévu que l’artiste orne d’autres murs du stade, mais il est mort en 1957 et n’a pu aller au terme de son projet.
En 1963, lorsque Mexico obtient l’organisation des Jeux de la XIXe olympiade, il choisit donc le plus grand stade du pays comme siège de l’événement et l’agrandit pour l’occasion, portant sa capacité à 83 700 places. Outre les cérémonies d’ouverture et de clôture de la quinzaine olympique, l’Estadio Universitario devenu Olimpico accueille les épreuves d’athlétisme, dont un grand nombre marqueront l’histoire du sport. Quant au tournoi de football (seulement masculin à l’époque), il se joue à Puebla, León, Guadalajara et au stade Azteca, ouvert en 1966.
La tragédie du tunnel 29
En 1985, le stade olympique est le théâtre d’un drame à l’occasion de la finale retour du championnat mexicain opposant les Pumas au Club América. Alors que les tribunes sont combles, un grand nombre de personnes à l’extérieur forcent le passage pour entrer. Dans un des tunnels conduisant vers les gradins (le tunnel numéro 29), la cohue est telle que huit personnes y perdent la vie écrasées par la foule. Parmi elles, cinq jeunes de 12 à 18 ans. La tragédie s’est déroulée le 26 mai 1985, trois jours avant le Heysel.
Maradona, Platini et Kim Jong-boo
Alors qu’il n’avait pas été retenu pour la Coupe du monde 1970, le stade olympique universitaire accueille bien quelques rencontres du Mundial 1986. Il aura même le privilège d’être le premier à vivre les exploits mexicains de Diego Armando Maradona. L’Argentine y joue en effet son premier match contre la Corée du Sud (3-1) puis le troisième face à la Bulgarie (2-0). Entre-temps, Bulgares et Coréens se sont affrontés sous une pluie diluvienne et sur un terrain détrempé sur lequel la sélection asiatique a obtenu le premier point de son histoire en Coupe du monde (1-1) grâce à un but de Kim Jong-boo.
Le huitième de finale France-Italie du 17 juin 1986 est le quatrième et dernier match du Mundial 1986 disputé au stade olympique. L’enceinte a accueilli et accueillera encore de grandes épreuves d’athlétisme et de football. Mais n’en déplaise à Platini et à Maradona, ce stade évoquera surtout, pour l’éternité, les inoubliables héros des Jeux de 1968.
Les 13 Français du stade olympique
Joël Bats, Manuel Amoros, William Ayache, Patrick Battiston, Maxime Bossis, Luis Fernandez (remplacé par Thierry Tusseau 73’), Michel Platini (remplacé par Jean-Marc Ferreri 85’), Alain Giresse, Jean Tigana, Dominique Rocheteau et Yannick Stopyra.