Pourquoi une Coupe du monde est différente d’un Euro ? Plus universelle avec les équipes sud-américaines, africaines et asiatiques, chargée de plus d’histoire aussi, celle de Leonidas, Pelé, Zico et Ronaldo, celle de Andrade, Cea et Suarez, celle de Kempes, Maradona et Messi, celle de Nkono et Milla, de Madjer et Dahleb, de Higuita et James, celle des vainqueurs flamboyants et des perdants magnifiques.
Là où on bat les invincibles, où on invente un carré magique
Même du côté des sélections européennes, ce n’est pas pareil. A l’Euro, l’Italie n’a jamais brillé aussi fort qu’en 1970 avec Riva et Rivera, qu’en 1982 avec Zoff, Scirea et Rossi ou qu’en 2006 avec Buffon et Cannavaro. C’est là que les Bleus ont inventé leur carré magique en 1982 sur la pelouse de Vicente Calderon, que les Allemands ont battu les Hongrois invincibles en 1954 avant de tomber eux-mêmes face aux Anglais en 1966, c’est là que les Espagnols ont conquis le premier titre mondial hors de l’Europe en 2010.
Une journée sombre et froide comme Bloemfontein, ou lumineuse et euphorique comme Guadalajara
Une Coupe du monde qui commence, c’est un peu comme l’aube d’un nouveau jour. Tout est encore possible, le pire comme le meilleur. Votre journée pourra être sombre et froide comme un Mexique-France à Bloemfontein ou lumineuse et euphorique comme un France-Brésil à Guadalajara. Elle peut aussi être morose et pénible comme un Suisse-France à Stuttgart, irréelle et magique comme un France-RFA à Séville ou définitivement poissarde comme un Danemark-France à Incheon.
Une onzième édition, et toujours aucune finale à la hauteur
Personnellement, ce sera (déjà) la onzième Coupe du monde que je vais vivre depuis celle de 1978. Si aucune depuis n’a sans doute égalé celle de 1970, j’espère simplement ne pas revoir une compétition comme celles de 1990 et de 2010. La Coupe du monde idéale serait celle riche en buts et en surprises du premier tour 2014, celle intense lors des huitièmes et quarts de finale de 1998 et des demi-finales aussi vibrantes que celle de 1982. Pour les finales, par contre, aucune n’a été vraiment à la hauteur, même si celle de 1986 (Argentine-RFA) a manié le suspense jusqu’au bout. Espérons que celle de cette année sera meilleure que les deux dernières, fermées à double tour.
Les Bleus entre fulgurances offensives et trous d’air collectifs
Concernant les Bleus, rarement sans doute dans l’histoire une équipe n’aura suscité tant d’interrogations. Avec son statut de vice-championne d’Europe qui la place parmi les favoris sans toutefois l’être tout à fait, ses fulgurances offensives et ses trous d’air collectifs, bien malin qui peut dire jusqu’où son destin l’emmènera. On lui souhaitera surtout de monter en puissance progressivement, afin de ne pas finir le tournoi par une fausse note et une panne sèche lors du dernier match, le plus important. Et surtout, quoi qu’il arrive, de quitter la Russie sans regrets.
La dernière vraie Coupe du monde ?
La compétition imaginée par Jules Rimet n’a pas à être idéalisée : de tous temps elle a eu son côté sombre, de la sélection allemande et ses joueurs chargés comme des mules en finale 1954 contre la Hongrie aux attentats impunis sur Pelé en 1966 et Maradona en 1982 en passant par le très suspect 6-0 qui qualifiait l’Argentine face au Pérou en 1978 ou le match de la honte (RFA-Autriche) en 1982. Elle a même servi les desseins de grands amis de la paix, de la justice et des droits humains comme Benito Mussolini en 1934, Jorge Videla en 1978 et bien sûr Vladimir Poutine cette année.
Les prochaines éditions ne s’annoncent pas très bien. Le Qatar en 2022 mettra en scène de la capacité d’un pays à acheter (à tous les sens du terme) une compétition et en faire un événement hors-sol. Quant à l’édition 2026 organisée pour la première fois par trois pays (dont les dirigeants sont à couteaux tirés), elle verra le passage à 48 participants, illustration parfaite de la fable de la grenouille et du bœuf, et dont le premier tour avec des groupes de trois ouvre la porte à tous les arrangements [1]. A moins que d’ici-là, la FIFA ne change radicalement d’orientation et se mette enfin au service du football plutôt que se faire du gras sur lui. On peut toujours rêver.