Je crains d’être un rabat-joie dans le monde onirique des amateurs de ballon rond et j’annonce tout de go : la Coupe du monde idéale n’existe pas. Ou plutôt, la Coupe du monde idéale serait de ne pas exister.
Parce que nous avons, et nos ancêtres avant nous, trop profité de ce que notre planète nous offrait, nous sommes désormais confrontés à un changement global qui ne permet plus d’envisager sereinement l’organisation d’une compétition d’un autre temps. Les transports nécessaires à l’acheminement des équipes, les conditions d’accueil des sélections qualifiées, de la presse et des supporters, les incertitudes d’un calendrier surchargé et menacé d’excès climatiques, rendent un tel tournoi absurde et inconvenant.
Sans parler des usages politiques qui en sont faits, depuis les commémorations du centenaire de la naissance de l’Uruguay à la mythologie Black, Blanc, Beur de 1998, et encore moins des droits humains insultés par l’attribution d’une édition à un pays minuscule qui ne sait que faire de la rente pétrolière (2022), à l’Argentine du dictateur Videla (1978) ou à la Russie enrichie par l’argent du gaz (2018). Mais d’ici à ce que la FIFA renonce à la poule aux œufs d’or, la planète aura bien eu le temps de brûler. Alors, qu’il soit permis d’imaginer la moins mauvaise des Coupes du monde possible.
Jouer à huit avec une sélection par confédération...
Il faut d’abord limiter les déplacements. Pour cela, il n’est guère d’autres possibilités que limiter le nombre de représentants par fédération. Oserait-on un tournoi avec une seule sélection nationale par confédération, ce qui ferait six équipes auxquelles viendraient s’ajouter de droit le champion en titre et le pays organisateur ? Et puisqu’un tel format ne permettrait pas de motiver suffisamment les adorateurs de tous les pays, oserait-on, en lieu et place des équipes nationales, imaginer un tournoi de sélections confédérales afin de motiver davantage les amoureux du football ?
... dans une seule ville comme aux JO...
Peut-être faudrait-il aussi retenir de l’expérience qatari un élément positif, sans doute le seul, celui de regrouper tous les stades de la compétition dans un territoire à la superficie limitée (ce qui n’empêchera pas la multiplication de liaisons aériennes reliant les enceintes de Doha aux hôtels des pays alentour pour amener les foules de supporters). L’héritage des Jeux Olympiques, attribués à une ville-mère n’est pas à écarter, quitte à ce que quelques rencontres se déroulent à l’écart de celle-ci, à distance raisonnable néanmoins et dans des stades accessibles en train. On pourrait très bien voir ainsi une Coupe du monde Casablanca 2030 ou Montevideo 2034.
... et avec des équipes mixtes !
Osons encore et allons plus loin. Nos sociétés ont changé. Ces tournois ont été inventés à l’époque où dominait le masculin. Ils ont été copiés pour permettre aux sélections féminines de se rencontrer. Puis sont arrivées, à petit pas, des femmes en noir pour arbitrer des matchs de Coupe du monde masculines. Et cela ne s’est pas mal passé. L’étape suivante de la footballisation de l’autre moitié de l’humanité pourrait bien être celle de la mixité. Dans ces sélections continentales, pourquoi ne verrions-nous pas enfin des équipes mixtes se former ? L’indigente exposition du football pratiqué par les femmes serait alors un lointain souvenir.
Et qu’on ne vienne pas rétorquer que l’apport athlétique serait alors inégal. Diego Maradona et son 1,65m, Lionel Messi et son 1,69m ou Iniesta et son 1,71m, ne sont pas Zinedine Zidane et Karim Benzema et leur 1,85m ou Cristiano Ronaldo et son 1,87m. Et alors ? De multiples formats, de multiples corps, de multiples talents pourraient faire de la Coupe du monde une véritable fête d’une humanité se désespérant encore d’un tacle abusif et se réjouissant toujours de la beauté d’une transversale.