Alors que l’attribution de la Coupe du monde 2030 doit être annoncée en mai 2024 lors du prochain congrès à Bangkok, la FIFA a précipité les choses en négociant avec la Conmebol le retrait de la candidature conjointe sud-américaine, laissant la voie libre à l’Espagne, au Portugal et au Maroc. Mais, soyons fous, ce retrait a une contrepartie : les trois premiers matchs seront organisés en Uruguay, en Argentine et au Paraguay, dans le cadre du centenaire de la Coupe du monde.
Cette annonce burlesque, scandaleuse, inquiétante ou les trois à la fois, est tombée le 4 octobre. J’ai interrogé Jérôme Latta sur ce point, puisque j’étais en train de mettre en forme l’interview qu’il m’a consacré à l’occasion de la sortie de son livre, « Ce que le football est devenu ». Il m’a semblé utile d’élargir le débat à l’ensemble de la rédaction de Chroniques bleues, comme cela avait été d’ailleurs fait trois fois récemment (Vers une Coupe du monde tous les deux ans ?, La France 2022 comme le Brésil 1962 et l’Italie 1938 ?, ainsi que les sept articles sur la Coupe du monde idéale). Voici les réponses de Pierre Cazal, Richard Coudrais, Raphaël Perry, Matthieu Delahais, François da Rocha Carneiro, Frédéric Goetz et Hugo Colombari.
Après la première candidature triple (Etats-Unis, Mexique, Canada) pour 2026, la FIFA innove avec pas moins de 6 pays organisateurs retenus pour 2030, sur trois continents. Selon vous, est-ce le symptôme d’une course en avant dans la démesure, d’un choix électoraliste ou du retour à de vrais pays de football ?
Pierre Cazal : Je penche pour la démesure, dans la lignée de 2026. Toujours plus ! Mais c’est aussi forcément électoraliste, puisque ça satisfait beaucoup de pays. Le match d’ouverture à Montevideo pour célébrer le centenaire, OK ; mais pourquoi un match au Paraguay, qui n’a jamais joué le moindre rôle dans la Coupe du Monde ? Et voilà maintenant le Chili qui proteste ! Si ça continue, en 2038, il y aura un match dans 104 pays différents, pour les satisfaire tous, et puis en 2042 on portera à 200 le nombre de finalistes ! Il n’y a pas de limites à la démesure… avant la chute. A se diluer, la Coupe du monde y perdra son identité.
Richard Coudrais : « Rimet réveille-toi, ils sont devenus fous ! »
Raphaël Perry : Je penche davantage pour l’air du temps. Dans combien de pays s’est joué l’Euro 2021, reconnu comme un succès par ses organisateurs ? Onze avec des distances entre villes allant jusqu’à 4000 km (Bakou-Londres). Et si on sort de la bulle football, la récente Coupe du monde de basket s’est disputée dans trois archipels (Philippines, Japon et Indonésie). Et je passe sur les Euros de hand, volley et basket avec des premières phases jouées aux quatre coins du continent, les trois grands Tours cyclistes avec des départs en Irlande, Pays-Bas, Danemark ou Hongrie. A quand un départ de la Grande Boucle à la Réunion ou aux Antilles ? Mais je comprends que certains y voit une sorte de démesure quand on se réfère à l’édition “riquiqui” mais oh combien rentable de 2022, un choix électoraliste avec autant d’organisateurs, voire un clin d’œil pour l’Uruguay.
Richard Coudrais : C’est surtout le symptôme de la mégalomanie des dirigeants de la FIFA. “Rimet, réveille-toi, ils sont devenus fous” a-t-on envie d’hurler. Le président Infantino est mû par l’idée de “marquer l’histoire” tout en s’assurant de conserver son poste. Il ressemble en tous points à un chef d’État français contemporain. Les phases finales disputées sur plusieurs territoires vont à l’encontre de l’esprit originel de la Coupe du monde, où l’on privilégiait l’unité de lieu. C’est en 2002 qu’à eu lieu la première phase finale sur deux pays (Japon et Corée du Sud) et la FIFA avait moyennement apprécié l’expérience. Au lieu de travailler ensemble, les dirigeants de chaque côté cherchaient plutôt à savonner la planche des autres. Mais le propre de nos dirigeants (politiques et sportifs) est de ne jamais retenir les leçons de l’histoire.
Matthieu Delahais : C’est un mélange des trois. On va depuis le Qatar vers plus de démesure avec des stades sortis de nulle part et qui pour beaucoup ne serviront plus jamais, ce qui pose des questions aussi bien environnementales qu’économiques. C’est aussi un choix électoral avec l’idée (si on peut l’appeler comme ça) de satisfaire un maximum de pays. Ils seront en effet six à tenir le rôle de pays organisateur. On peut aussi parler d’un retour, non pas à de vrais pays de football puisque ces six nations ont une forte culture football, mais aux racines de la Coupe du monde. La première édition a eu lieu en Uruguay et la finale a opposé ce pays à son voisin argentin. Ceci dit, je pense que c’est avant tout un choix électoral et qu’il met en avant la course à la démesure visible depuis un certain temps. Donner un match à l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, ça ressemble un peu à faire l’aumône à des pays qui méritent pourtant beaucoup plus de considération que ce qu’ils ont eu.
François da Rocha Carneiro : C’est un peu des trois. On ne peut pas nier le caractère singulier des six pays dans la planète football et on verra d’un bon œil le fait que ce montage permette à des pays qui n’auraient pas pu ou alors très difficilement organiser cette compétition d’accueillir la Coupe du monde. Cela n’en est pas moins une solution de démesure et de folie. A l’heure du changement global qui ne permet plus d’user et abuser de notre planète et qui remet en cause l’idée même de compétitions mondiales de cette ampleur, on s’amuse à délocaliser des matchs à l’autre bout du monde, ce qui aura pour effet de démultiplier les effets négatifs. On peut craindre, derrière ce choix, évidemment des pratiques électoralistes et la trace d’enjeux de pouvoir de la part d’une fédération internationale qui ne semble pas être un parangon de vertu. La solution existait pourtant de permettre au trio sud-américain d’accueillir la Coupe du centenaire et de retenir le trio ibérico-marocain pour 2034. On jouait la proximité et la cohérence et installait alors l’idée de partage systématique de l’organisation internationale. Sans doute trop peu porteur en termes de voix et de finances.
Frédéric Goetz : En soi, si la FIFA s’était limitée à une Coupe du monde entre l’Espagne, le Portugal et le Maroc je n’aurais pas trouvé l’idée si mauvaise. Je ne suis pas spécialement pour la co-organisation mais celle-là me paraît moins aberrante que celle entre les trois pays d’ Amérique du Nord. Ce sont incontestablement trois nations de football et l’idée d’une compétition à cheval sur deux continents est assez séduisante, d’autant que dans le cas présent, elle se déroulerait sur une aire géographique “raisonnable”. Mais je ne peux m’empêcher de penser que la FIFA passe à côté d’une occasion grandiose de célébrer son histoire et le centenaire de sa compétition reine. Une Coupe du monde en Uruguay aurait été magnifique, quitte à mettre quelques matchs en Argentine et au Brésil, si l’événement avait été trop lourd à porter pour les seuls Uruguayens. Et ce ne sont pas ces trois pauvres matchs ajoutés à la va vite qui compenseront ce sentiment de gâchis. On a l’impression que la FIFA fait l’aumône à l’Amérique du Sud tout en créant au passage une aberration écologique.
Pierre Cazal : « Panem et circenses, disait-on à Rome »
Hugo Colombari : Fêter le centenaire en Uruguay me semble une bonne idée, même si le nombre démesuré de match oblige à élargir l’organisation aux voisins de la Celeste. Pourquoi ne pas en rester là ? Encore une fois la FIFA veut en faire trop, et même si comme le dit Raphaël c’est dans l’air du temps, je ne peux m’empêcher d’y voir surtout de la démesure et une irresponsabilité écologique et sportive pour les équipes qui feront 13h de vol en pleine phase finale (sans parler du décalage horaire). C’est dommage parce qu’avec juste trois matchs, ça gâche un peu à la fois l’anniversaire et la co-organisation Espagne-Portugal-Maroc, que je trouve, malgré des défauts, alléchante avec trois pays où le foot a une vraie emprise populaire et où on retrouve un semblant de cohérence géographique.
Les réactions n’ont pas manqué dès l’annonce du 4 octobre, notamment des associations environnementales dénonçant l’impact carbone d’une telle organisation. Pensez-vous que d’ici un peu plus de six ans, la pression deviendra de plus en plus forte sur ce type d’événements, ou au contraire que « the show must go on », comme l’an dernier au Qatar ?
Pierre Cazal : La compétition s’est déroulée sans anicroche au Qatar, toutes les protestations se sont éteintes avec le début des matchs, la magie opère… ou l’effet mouton de Panurge, car il fut de bon ton de se faire voir au Qatar, sous l’oeil des médias qui, ô surprise, ne se préoccupaient plus d’écologie ! Donc, je pense qu’effectivement, the show will go on, one more time. Panem et circenses, disait-on à Rome, aujourd’hui circenses et circenses.
Raphaël Perry : Je m’interroge : a-t-on entendu les associations environnementales au sujet de l’organisation dans trois pays asiatiques de la dernière Coupe du monde de basket ? Bizarre, non. Il est beaucoup plus simple de taper sur le foot, sport roi, d’évoquer les petites affaires et commissions avec la Russie et le gaz qatari, les dollars de l’Oncle Sam qui tente de développer sa MLS (2026). Aujourd’hui, qu’on l’approuve ou non, la FIFA est devenue un monstre étatique qui en impose.
François da Rocha Carneiro :« La FIFA semble aussi absurde que l’orchestre du Titanic »
Richard Coudrais : Dans l’état actuel des choses, imaginer que l’on organisera une Coupe du monde en 2030 est déjà une gageure. Je pense que l’humanité aura déjà d’autres préoccupations que le football. Les dirigeants actuels (politiques comme sportifs) sont dans le déni complet par rapport à la catastrophe qui arrive, la preuve : cette décision absurde de la FIFA de prévoir des voyages transatlantiques en pleine phase finale. La mégalomanie rend sourd et aveugle à la fois.
Matthieu Delahais : Je crains que ce soit « the show must go ». La situation écologique est de plus en plus critique. L’organisation des Jeux asiatiques d’hiver en Arabie Saoudite le montre bien. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut songer à organiser des épreuves de ski dans un pays désertique ? C’est une simple question de bon sens. Mais il est vraiment inquiétant de voir que des responsables d’association à l’échelle planétaire puissent prendre de telles décisions. Si ça continue, d’ici quelques années, on organisera une Coupe du monde en Antarctique dans des stades chauffés. Mais encore une fois, c’est l’argent qui pilote tout. Dans quelles années, quand toute la planète aura été détruite, ces mêmes dirigeants vont découvrir que l’argent ne se mange pas...
François da Rocha Carneiro : On peut être passionné de football sans être idiot et vouloir vivre sur une autre planète. Je me place résolument derrière le combat et la dénonciation des associations environnementales. La FIFA semble aussi absurde que l’orchestre du Titanic, si ce n’est qu’en plus elle est à l’origine du naufrage : ces compétitions gigantesques ne peuvent plus dignement exister, nous sommes au début de l’effondrement, comme l’a dit le secrétaire général de l’ONU. Néanmoins, c’est encore au football d’être accusé d’être le méchant dans l’histoire (et la FIFA n’aide pas à ce qu’il en soit autrement). Les autres sports ou les festivals peuvent-ils, sous prétexte qu’ils généreraient moins d’argent et moins de visibilité, être exempts des torts qu’on attribue au ballon rond ?
Frédéric Goetz : Entre les attributions contestables de Coupes du monde à la Russie et au Qatar et les éditions avec de plus en plus de sélections qui voyagent sur des distances de plus en plus longues, on peut dire que la FIFA assume totalement le fait que ni les droits de l’homme ni l’écologie ne sont au centre de ses préoccupations. Pourra-t-elle tenir longtemps cette ligne ?
Hugo Colombari : Je doute que les protestations environnementales changeront quoi que ce soit, d’ici-là le secteur de l’aéronautique se sera sûrement trouvé une jolie peinture verte pour masquer son empreinte écologique. Et vu que la FIFA n’a pas plié d’un pouce pour l’édition du Qatar, pourquoi le ferait-t-elle pour quelques vols transatlantiques ? Je pense que ce seront surtout les conditions climatiques au Maroc et en Andalousie en plein été qui vont poser problème, avec sûrement des températures qui dépasseront les 50 degrés…
Derrière cette annonce, il y en a eu une autre, sans doute plus importante mais moins commentée : l’édition 2034 se tiendra dans la zone Asie-Océanie, et l’Arabie Saoudite a immédiatement fait acte de candidature. Avec des moyens quasi-illimités, le royaume pourrait faire passer l’édition 2022 au Qatar pour une kermesse de village. Une telle perspective est-elle inéluctable selon vous, ou complètement irréaliste compte tenu des tensions climatiques et géopolitiques à venir ?
Pierre Cazal : Inéluctable, le fric corrompt tout. Déjà, il faut s’attendre à ce que les meilleurs joueurs de la planète imitent les Neymar, Ronaldo ou Benzema ; l’Arabie saoudite n’attirera plus seulement les vedettes fatiguées en fin de carrière. Le Qatar a montré qu’il était possible d’organiser à la satisfaction générale une Coupe du monde ; pourquoi pas l’Arabie saoudite ? Les pays du Golfe, seuls, sont à la fois capables et motivés pour financer de tels projets, sans doute parce qu’ils n’ont pas de comptes à rendre à leurs opinions publiques ni à leurs médias : de tels investissements sont incompatibles avec la démocratie.
Matthieu Delahais : « une Coupe du monde en Arabie Saoudite aurait un peu plus de sens »
Raphaël Perry : Avec cette gouvernance, on est parti pour assister à ce type de redites. Pour faire plaisir à un Prince ou un Émir qui se fabrique en quelques mois un championnat artificiel à coup de milliards et de stars, certains sont prêts à toutes les extravagances. Et pour avoir discuté avec des confrères journalistes présents au Qatar pour la première Coupe du monde automnale, nombreux ont apprécié l’expérience.
Richard Coudrais : La candidature de l’Arabie Saoudite me choque finalement moins que les phases finales transnationales (et transcontinentales) qui se joueront dans l’intervalle. L’Arabie Saoudite est un pays souverain qui a les moyens d’organiser un tournoi d’envergure sur son sol. Après reviennent les mêmes questions que pour le Qatar : l’empreinte écologique de l’événement, le respect des droits de l’homme, etc. des sujets qui ne semblent manifestement pas concerner ces messieurs de la FIFA. Après, quel sera l’état de la planète en 2034 ? La population sera-t-elle encore préoccupée par les choses du football ?
Matthieu Delahais : L’organisation d’une Coupe du monde en Arabie Saoudite aura déjà un peu plus de sens qu’au Qatar. L’Arabie Saoudite a une histoire avec le football, elle a déjà participé à la Coupe du monde, ses clubs brillent en Ligue des Champions d’Asie et bien avant que le Royaume ne se lance dans le mercato effectué cet été. Organiser une Coupe du monde en Arabie Saoudite soulèvera toutefois les mêmes questions qu’au Qatar : respect des droits de l’homme, questions écologiques, calendrier… Mais dans ce cas, les stades auront plus d’utilité dans le futur qu’au Qatar.
François da Rocha Carneiro : Douze ans entre deux Coupes dans la même zone. Un resserrement du temps, effet second (mais peut-être primordial dans la prise de décision) du choix pour 2030… Ainsi, les Sud-Américains, Européens et Africains ayant eu la Coupe chez eux en 2030, les Nord- et Centre-Américains l’ayant organisée en 2026, c’est au tour de … l’Asie-Océanie pour l’attribuer aisément aux rois du pétrole. Dans la logique de la FIFA (mais le CIO ne ferait pas autrement), on peut tout organiser du moment que l’argent coule à flot et que les images soient belles. Ils ne se cachent même plus !
Frédéric Goetz : C’est là que la FIFA est quand même forte. Après le Qatar, l’Amérique du Nord et la Coupe du monde sur trois continents, nous allons finir par nous dire que la Coupe du monde en Arabie Saoudite est finalement un retour à une forme de “normalité”. Ce serait une Coupe du monde dans un seul pays et, qui plus est, dans ce qui est malgré tout un véritable pays de football avec une histoire dans cette compétition comme l’a rappelé Matthieu. Ce serait donc évidemment une aberration sur bien des plans mais, étrangement, peut-être moins que les précédentes. C’est dire…
Revenons à 2030. Il y aura donc six sélections qualifiées d’office, soit près de la moitié du total des participants à l’édition de 1930. Ce qui multiplie évidemment la possibilité d’un vainqueur à domicile avec trois anciens champions du monde sur six, même s’il sera difficile de définir où habite vraiment ce tournoi. L’Espagne et l’Argentine seront-elles favorites ? Le Maroc ou le Portugal pourraient-ils créer la surprise ?
Pierre Cazal : Il n’y a plus de vainqueur de la Coupe du monde à domicile depuis 1998 ! L’Allemagne en 2006 et le Brésil en 2014 ont été écrasés par les responsabilités, comme l’Espagne en 1982. Il est plus facile à un outsider de créer la surprise : ce fut en 2022 le cas du Maroc, mais en 2030 il aura du poids sur les épaules. Difficile à sept ans de distance de savoir qui aura le vent en poupe ! L’Argentine n’aura plus Messi, il lui faudra trouver un successeur, et il y aura forcément un creux dans les performances. Remarque valable pour la France, au passage, car le cycle actuel sera terminé, même si Mbappé pourra sans doute terminer sa carrière en 2030.
Raphaël Perry : « qui connaissait Mbappé en 2015 ? »
Raphaël Perry : Sur les six sélections organisatrices et qualifiées d’office, cinq l’auraient sûrement été, au regard de l’histoire, vécu et potentiel via les qualifications. J’ai juste un doute pour le Paraguay. Avec trois favoris pour le titre suprême à l’heure H. Dans sept ans, sans Messi ni Cristiano Ronaldo, que vaudront l’Argentine et le Portugal ? Personne ne le sait. Qui connaissait Mbappé en 2015 qui a mené les Bleus au titre trois ans plus tard ? Comme l’a rappelé Pierre, ce n’est plus un avantage d’évoluer à domicile lors des matches à pression et gros enjeux. Les deux derniers Euros l’ont confirmé (défaites de la France et l’Angleterre) comme avant eux l’Allemagne et le Brésil pour la Coupe du monde.
Richard Coudrais : Déjà que je me plante en beauté quand on me demande un pronostic pour une Coupe du monde dans un mois, alors savoir qui va jouer la finale de 2030, ça va être compliqué pour moi ! Et puis je dois bien dire qu’en mon for intérieur, j’ai la conviction que cette Coupe du monde n’aura jamais lieu.
Matthieu Delahais : De part leur histoire, l’Argentine et l’Espagne seront des candidats potentiels au titre. Mais il est assez difficile de se projeter aussi loin. Personne n’est à l’abri d’un trou générationnel. Le Portugal, l’Uruguay et le Maroc pourraient aussi tirer leur épingle du jeu. Je pense toutefois que le Maroc, l’Espagne et le Portugal, qui vont accueillir le gros du tournoi, seront un peu plus pays organisateur que les trois nations sud-américaines.
François da Rocha Carneiro : Je ne suis pas un pronostiqueur, je suis historien et l’histoire nous montre que les surprises existent toujours. Les trois nations, et même cinq des six nations (je mets à part le Paraguay), pourront faire figure de favorites, mais qui sait où en seront les nations du football dans sept ans ? Des enfants de 9-10 ans seront peut-être les révélations de 2030. Avec les réussites de la formation à la française, on peut penser que certains d’entre eux seront franciliens, mais cela ne dit rien de la nationalité sportive de ces stars de demain.
Frédéric Goetz : Difficile de se hasarder sur le terrain des pronostics. Comme l’ont rappelé mes camarades, aucun pays n’a gagné la Coupe du monde à domicile depuis la France en 1998 mais d’un autre côté, l’Italie et l’Angleterre ont clairement été favorisées lors de l’Euro 2021 qui était la première grande compétition de football à se jouer dans plus de deux pays. Penser que l’Espagne, le Portugal et dans une moindre mesure le Maroc, seront avantagés n’est donc pas incongru. Une chose est sûre cependant : les équipes qui joueront les premiers matchs en Amérique du Sud seront clairement pénalisées.
Imaginons que la FIFA vous confie l’organisation de ce tournoi avec uniquement (si on peut dire) les contraintes déjà connues, à savoir les trois premiers matchs en Amérique du Sud, dont l’ouverture à Montevideo. Quels seraient vos choix ? Où se joueraient les demi-finales et la finale ? Quelle place pour le Maroc et le Portugal ?
Pierre Cazal : Déjà, je ne vois pas sur quel critère décider les matchs de Buenos-Aires et Asuncion, car cela avantage l’Argentine et le Paraguay, par rapport aux autres équipes de leurs groupes ! C’est injuste et les polémiques ne manqueront pas. Après, je vois évidemment une demi-finale à Casablanca et une à Lisbonne (mais si ça se trouve, le sort enverra le Maroc, s’il s’y qualifie à… Lisbonne et le Portugal à Casablanca, on rirait) et la finale à Madrid. Les distances entre Casablanca, Lisbonne et Madrid sont autrement plus courtes qu’entre Mexico, Los Angeles et Montréal, c’est beaucoup moins aberrant.
Raphaël Perry : Nous ne sommes pas à l’abri d’une évolution du nombre de matchs prévus sur le continent sud-américain. Pour l’instant, c’est trois, possible que ça discute en coulisses pour que ce soit 3 groupes de 4 équipes qui y jouent pour qu’il y ait un semblant d’équité dans chaque groupe. Pour les phases finales, Espagne et Portugal sont équipés, le Maroc le sera et les distances sont courtes entre ces trois pays. Comme l’Espagne a déjà accueilli l’épreuve en 1982, pourquoi ne pas avoir comme découpage :
Seizièmes de finale : 7 en Espagne, 5 au Portugal, 4 au Maroc.
Huitièmes : 4 en Espagne, 2 au Portugal, 2 au Maroc
Quarts : 2 au Portugal, 2 au Maroc
Demies : 2 en Espagne
Finale troisième place : Maroc
Finale : Portugal
Richard Coudrais : La FIFA ne me confiera jamais l’organisation d’une phase finale. Surtout après que je lui aurais annoncé que je réduirais le nombre d’équipes à seize et que tous les matchs seraient organisés dans un seul pays, en l’occurrence l’Uruguay. Et qu’en plus je distribuerais les bénéfices à la population locale.
Matthieu Delahais : Déjà, les équipes qui vont jouer un match en Amérique du Sud, puis les autres en Europe et au Maroc, seront forcément désavantagées. Je ne sais pas comment ça va se gérer. Pour le reste, je verrai bien la finale au Maroc. L’Espagne et le Portugal sont mieux équipés en infrastructures et je pense qu’ils accueilleront la majeure partie des rencontres. Si la finale a lieu à Casablanca, ça rééquilibrerait un peu la donne.
Frédéric Goetz : « plutôt terminer par un final four en Uruguay »
François da Rocha Carneiro : Parce qu’on sera l’année du centenaire d’une innovation majeure, j’aimerais beaucoup voir les demi-finales en Europe et la finale en Afrique. Et cela éviterait de privilégier les Catalans au détriment des Castillans (ou inversement), les Espagnols au détriment des Portugais (ou inversement)... Mais je ne suis pas l’organisateur de cette folie annoncée. Comme Richard, pour ma part, j’aurais voulu une compétition réduite organisée uniquement en Uruguay avec la finale dans le stade du Centenaire.
Frédéric Goetz : S’il fallait absolument remplir ce cahier des charges, à savoir une compétition entre Espagne, Portugal et Maroc et trois matchs en Amérique du Sud, je crois que j’aurais préféré inverser complètement la donne. J’aurais fait toute la phase de poules et la phase finale jusqu’aux quarts dans la péninsule ibérique et au Maroc avant de terminer par un final four en Uruguay. Ça aurait été tout aussi aberrant écologiquement mais au moins, ça aurait respecté l’Histoire. Mais si l’on doit conserver ce qui est prévu, je dirais demi-finales entre Espagne et Portugal et finale au Maroc.
Hugo Colombari : Pour les matchs en Amérique du Sud, la logique voudrait que les trois co-hôtes jouent leur entrée en lice à domicile. Pour la finale, je suis mitigé entre une finale à Casablanca, qui serait inédite mais dans un stade construit pour l’occasion, où à Madrid dans le nouveau Bernabéu. Dans tous les cas, je programmerai les demies dans les deux autres pays.