La Coupe du monde 2022 n’a pas encore commencé et déjà elle provoque de légitimes débats (quoiqu’un peu tardifs) sur de nombreuses dimensions : les conditions sociales calamiteuses dans lesquelles les chantiers ont été menés, le peu d’intérêt du régime en place pour la démocratie et l’expression des minorités (mais ce n’est pas la première fois), le calendrier absurde qui vient percuter la saison des clubs, le manque total de références footballistiques du pays d’accueil, le coût exorbitant de l’hébergement pour les supporters... La liste est longue.
Tout cela donne furieusement envie d’autre chose, et pour détourner un slogan altermondialiste bien connu, une autre Coupe du monde est possible. Les règles de celles-ci ne sont en effet pas gravées dans le marbre. Le format de l’épreuve, à 16 de 1930 à 1978, est passé à 24 de 1982 à 1994, puis à 32 depuis 1998 et bientôt à 48, dans une fuite en avant irresponsable. Le nombre de matchs a démesurément enflé (18 matchs en 1930, 64 depuis 1998, 80 en 2026). Et il a récemment été question de jouer l’épreuve tous les deux ans.
Alors, à quoi ressemblerait une Coupe du monde idéale ? L’imagination n’ayant pas de limite, et ne coûtant pas cher, j’ai demandé aux membres de la rédaction de me décrire la leur, avec un semblant de fil conducteur : l’auteur définit le nombre de participants ainsi que les clés de répartition de ces derniers, le format du tournoi (tours, nombre de matchs, durée, horaires, dates), les critères de choix du pays organisateur et la périodicité.
C’est parti.
Combien de participants ?
La FIFA compte 211 associations membres. 32 qualifiés représentent donc 15% du total. Ça me semble garantir la diversité des participants, le renouvellement d’une édition à l’autre et donc l’originalité de chaque tournoi. C’est à mon sens le nombre idéal, facile à décliner, plus ouvert que celui à 16, trop élitiste, et plus cohérent que celui à 24.
Clé de répartition
Les quatre demi-finalistes de l’édition précédente sont qualifiés d’office, donc forcément le tenant du titre. Les 28 autres, dont le pays organisateur, sont répartis équitablement en quatre zones continentales (Afrique, Asie/Océanie, Europe, Amériques), à raison de 7 qualifiés par zone.
Bien sûr, on pourrait dire que cette répartition pénalise fortement l’Europe qui compte actuellement 13 à 14 places. Mais à ses 7 places s’en ajouteront entre deux et quatre issues des demi-finales précédentes, soit de 9 à 11 au total. Et la Coupe du monde ne doit pas ressembler à un Euro-bis après le premier tour.
Comment déterminer ces 7 qualifiés ? On pourrait imaginer une phase qualificative en deux temps. Le premier concernerait les nations européennes les moins bien classées, par exemple en dessous du dixième rang, qui se rencontreraient en matchs aller-retour pour arriver à 4 équipes. Ces quatre-là retrouveraient les dix mieux classées (compte tenu de celles déjà qualifiées car ayant participé aux demi-finales de l’édition précédente) pour sept barrages aller-retour qui désigneraient les qualifiés de la zone Europe.
Idem pour les pays d’Amérique du Sud et de la Concacaf, qui perdraient une place (7 au lieu de 8), mais il y a souvent un pays sud-américain en demi-finale mondiale (aucun en 2018 et en 2006, deux en 2014, 2010, 2002, 1998 et 1994), ce qui ramène à 8. On peut même avancer qu’en unifiant les qualifications sur le continent américain dans son ensemble, les pays d’Amérique du Sud pourraient récupérer une place supplémentaire (entre 4 et 5 actuellement).
Les grands vainqueurs de cette nouvelle répartition seraient les Africains et les Asiatiques/Océaniens (7 places contre 5). Même si ces deux continents ne totalisent qu’une seule demi-finale mondiale (Corée du Sud 2002) et de rares quarts de finale (Ghana 2010, Cameroun 1990, Sénégal 2002, Corée du Nord 1966), ils méritent d’être mieux représentés.
Quel format de tournoi ?
Uniquement des matchs à élimination directe, pas de phase de poule.
Huit têtes de série : les quatre demi-finalistes précédents + les quatre équipes les mieux classées au classement FIFA. Ces têtes de série sont répartis dans un tableau qui ne les fera pas se rencontrer avant les quarts de finale (comme un tableau de tennis).
Ces huit têtes de série rencontrent au premier tour les huit équipes les moins bien classées (de 25 à 32). Les équipes classées de 9 à 16 rencontrent celles classées de 17 à 24. Prolongations et tirs au but.
Calendrier
Seizièmes de finale sur 6 jours (J1 : ouverture avec le tenant du titre, J2 à J5 : 3 matchs par jour à 15h, 18h et 21h)
Huitièmes de finale sur 4 jours (J6 à J9 : 2 matchs par jour à 18h et 21h)
Quarts de finale sur 4 jours (J10 à J13 : un match par jour à 21h)
Demi-finales sur 2 jours (J15 et J16 : un match par jour à 21h)
Finale (J20 à 18h). Pas de troisième place
Total des matchs : 31 en 20 jours
C’est un format de coupe comme il a existé en 1934 et 1938 où tous les matchs étaient à élimination directe. A l’inverse de ceux de 1950 (aucun), de 1974 et 1978 (deux, les deux finales) ou de 1982 (quatre). Ce qui veut dire que la moitié des participants quittent le tournoi avant la fin de la première semaine et avec un seul match joué. Mais cette formule favorise l’équipe la plus faible, qui peut créer plus facilement la surprise sur un match couperet que sur trois matchs de poule. Le risque est bien sûr de sanctuariser une élite de 4 ou 5 nations qui se retrouveraient en demi-finale à chaque édition, mais pour y parvenir, elles doivent passer par quatre matchs couperet. La présence dans le dernier carré de la Croatie en 1998 et 2018, des Pays-Bas en 1998, 2010 et 2014, de la Corée du Sud et de la Turquie en 2002 montre qu’une équipe qui n’a jamais été championne du monde peut atteindre les demi-finales.
L’intérêt de cette formule est aussi de réduire considérablement le nombre de matchs (31 contre 64) et de gagner dix jours sur la durée du tournoi (20 contre 30). Les deux finalistes ne joueront que cinq fois, contre sept actuellement pour les quatre demi-finalistes. La suppression du match pour la troisième place ne manquera à personne.
Quels critères pour désigner le pays organisateur ?
Le pays organisateur doit avoir déjà participé à trois Coupes du monde au moins. il est désigné par un vote ouvert de l’ensemble des représentants des associations membres. Toute la transparence doit être faite sur la procédure d’attribution, contrôlée par un organisme indépendant de la FIFA.
Le pays candidat doit s’engager à respecter des critères environnementaux, économiques et sociaux définis par l’ONU à partir de la désignation (huit ans avant la compétition). Un pays suppléant sera désigné en même temps. Seront privilégiés les pays ayant déjà des infrastructures existantes. Au maximum, deux pays organisateurs pourront être associés. Le distance entre les stades les plus éloignés ne dépassera pas 1000 kilomètres.
Nombre de stades nécessaires : 8 (4 autour de 40.000 pour les seizièmes et huitièmes, 4 grands de 50 à 80.000 à partir des quarts).
L’idée est d’éviter les candidatures douteuses comme celles de la Russie 2018 ou du Qatar 2022, ou surdimensionnées comme celle de 2026 (Etats-Unis, Canada, Mexique). Il peut sembler utopique de soumettre un cahier des charges strict aux pays candidats, mais ces contraintes existent déjà. Simplement, elles ne portent que sur le volet économique et des infrastructures, avec des dérogations fiscales et des zones d’exclusivité commerciale.
Une Coupe du monde tous les combien, et à quel moment de l’année ?
La Coupe du monde a lieu tous les 4 ans en année paire en alternance avec les Jeux olympiques, comme c’est le cas depuis 1930. Saisonnalité : septembre.
Le rythme quadriannuel est le bon, inutile d’en changer. L’organisation en fin de saison entraîne des états de forme très variables, avec un handicap pour les sélections dont les internationaux jouent dans les principaux clubs européens, soumis à un nombre de matchs déraisonnable. L’idée serait de déplacer le tournoi en début de saison, au mois de septembre, avec donc tout le mois d’août pour se préparer. Cette période pourrait être mise à profit par les clubs pour jouer des tours de leur coupe nationale, par exemple. Les championnats débuteraient donc une année sur quatre début octobre, jusqu’à fin juin.
On peut opposer à ce calendrier le fait que septembre n’est pas une bonne période pour suivre les matchs en journée, mais à ce compte-là, juin non plus. Les mois de juillet ou août seraient plus appropriés (du moins pour les spectateurs de l’hémisphère nord), mais poseraient de gros problèmes de canicule et seraient placés encore plus tard dans la saison internationale.