En 2001 et 2003, la plus forte équipe de France de l’histoire, celle qui a enchaîné deux titres consécutifs, remporte coup sur coup deux Coupes des confédérations, celle organisée en Corée du Sud et au Japon et celle à domicile.
Et pourtant, à chaque fois ans le tournoi joué un an plus tard est un échec aussi cuisant qu’inattendu : élimination au premier tour sans le moindre but marqué à la Coupe du monde 2002 (celle de la deuxième étoile) et défaite en quart de finale contre la Grèce à l’Euro 2004 après avoir été dominé pendant une heure contre l’Angleterre et avoir encaissé deux buts en quatre minutes contre la Croatie.
Dans quelle mesure la participation aux Coupes des confédérations a-t-elle coûté cher aux Bleus en rallongeant la saison intermédiaire et en donnant peut-être un surcroît de confiance ?
Tout d’abord, il convient de noter le fait que les deux tournois présentent des différences : certes, ils ont représenté cinq matchs à disputer en douze jours (!), mais ils n’ont pas eu lieu à la même période : l’édition 2001 en Asie est collée à la fin de saison en Europe (du 30 mai au 10 juin) et empiète marginalement sur les grandes vacances, alors que celle de 2003 a lieu 19 jours plus tard, du 18 au 29 juin. En contrepartie, cette dernière se dispute à domicile pour la France, alors que la précédente avait engendré un long voyage aller-retour et un décalage horaire conséquent.
En 2001, Lemerre fait tourner la moitié du groupe
L’autre différence de taille tient à la composition du groupe France. En 2001, Roger Lemerre n’emmène que 11 des 22 champions d’Europe 2000 : le gardien Ulrich Ramé, les défenseurs Lizarazu, Desailly et Leboeuf, les milieux Vieira, Karembeu, Djorkaeff et Pirès et les attaquants Dugarry, Anelka et Wiltord. Et ils seront encore 11 retenus (sur 23) pour la Coupe du monde 2002. Les mêmes moins Karembeu, Anelka et Pirès, plus Coupet, Sagnol et Silvestre.
Autrement dit, la moitié du groupe de 2001 n’était pas à l’Euro 2000 et ne sera pas à la Coupe du monde 2002. Ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que cette douzaine de joueurs là étaient titulaires à la Coupe des confédérations. Bien au contraire, leur temps de jeu a été extrêmement limité, pour la plupart réduit à une brève (et calamiteuse) apparition lors du second match contre l’Australie (0-1).
Roger Lemerre s’est donc largement appuyé sur une ossature composée de champions du monde et d’Europe, qui ont donc bien enchaîné trois phases finales en deux ans. C’est le cas de Lizarazu, Desailly, Vieira, Djorkaeff, Dugarry et Wiltord. Leboeuf n’a joué qu’un match en 2000, Pirès et Karembeu n’ont pas été retenus en 2002 alors que Ramé n’a pas joué à l’Euro et à la Coupe du monde, où il était respectivement numéro 3 et numéro 2.
En 2003, Santini prépare l’Euro
Deux ans plus tard, et alors que les Bleus tentent d’oublier leur prestation catastrophique en Corée, Jacques Santini a tourné la page de l’ère Lemerre et prépare activement l’Euro 2004. Sur les 23 joueurs du fiasco de 2002, il n’en retient que 10 : les gardiens Barthez et Coupet, les défenseurs Thuram, Sagnol Desailly, Lizarazu et Silvestre, et les attaquants Cissé, Henry et Wiltord. Et donc, aucun milieu de terrain. Zidane, Vieira et Makélélé ne sont pas là, Leboeuf et Djorkaeff ont arrêté, Petit n’a pas été retenu, ni Micoud.
Il s’appuie cependant sur une ossature confirmée, avec une défense Desailly-Lizarazu-Thuram renforcée par Gallas et une attaque Henry-Wiltord-Cissé et Pirès au milieu pour épauler Dacourt et Pedretti. Dans les cages, il utilise les trois gardiens.
Il sera d’ailleurs satisfait de la manière et du résultat (5 victoires, 12 buts marqués) puisqu’un an plus tard pour l’Euro 2004 au Portugal il reconduira 18 joueurs, rappelant Zidane, Makélélé, Vieira, Trezeguet et lançant Saha à la place de Mexès, Dabo, Giuly, Kapo et Cissé.
Six joueurs ont donc enchaîné la Coupe du monde 2002, la Coupe des confédérations 2003 et l’Euro 2004 : Barthez, Desailly, Lizarazu, Henry et Wiltord.
Si bien entendu les échecs de 2002 et de 2004 résultent de la combinaison de plusieurs facteurs (dont notamment le manque de cohésion du collectif et le décrochage entre le groupe et le sélectionneur), il n’est pas absurde de penser que pour des joueurs-cadre, ces enchaînements de phases finales a pu se payer à la longue : Lizarazu, Desailly et Wiltord en ont joué cinq en quatre ans, c’est-à-dire que leur coupure estivale a été largement entamée lors de cinq étés consécutifs.
Une compétition porte-poisse vouée à disparaître
Vous n’êtes pas encore convaincu par la démonstration ? Voici qui pourrait vous faire changer d’avis. La Coupe des confédérations, qui s’est appelée Coupe du roi Fahd (d’Arabie Saoudite) lors de ses deux premières éditions, a toujours été fatale à son vainqueur l’année suivante depuis 1995 qu’elle se joue en année impaire.
1992 Argentine -> 1993 : vainqueur de la Copa América
1995 Danemark -> 1996 : premier tour Euro
1997 Brésil -> 1998 : finale Coupe du monde
1999 Mexique -> 2000 : quart de finale Gold Cup
2001 France -> 2002 : premier tour Coupe du monde
2003 France -> 2004 : quart de finale Euro
2005 Brésil -> 2006 : quart de finale Coupe du monde
2009 Brésil -> 2010 : quart de finale Coupe du monde
2013 Brésil -> 2014 : demi finale Coupe du monde
2017 Allemagne -> 2018 : premier tour Coupe du monde
De toutes façons, la Coupe des confédérations a peut-être vécu son dernier été en juin 2017 en Russie : la FIFA souhaite la remplacer, dès 2021, par une version XXL du Mondial des clubs (compétition actuellement annuelle se jouant en décembre). Encore faut-il que ce dernier ne vienne pas percuter la Ligue des Nations, qui devrait se disputer, en théorie, tous les deux ans en année impaire.
La Ligue des Nations ne pèsera pas sur le calendrier
Aussi contestable (et inutile) soit-elle, la Ligue des Nations mise en place par l’UEFA pour faire cracher les diffuseurs aura au moins une vertu par rapport à la Coupe des confédérations : elle n’aura pas de conséquences pour le calendrier international, même pour les quatre équipes qui se disputeront le trophée en juin 2019. Elles n’auront en effet que deux matchs à jouer (contre cinq) les 5/6 juin pour les demis, le 9 pour la finale, et sur des créneaux déjà retenus pour la phase qualificative de l’Euro 2020.
En clair : toutes les équipes participant à cette dernière seront placées dans des groupes de six, avec donc dix matchs à jouer de mars à novembre 2019, dont deux en juin (les 7-8 juin pour la journée 3, les 10/11 juin pour la journée 4). Les quatre équipes qui joueront le dernier carré de la Ligue des Nations, en juin 2019, seront placées dans des groupes de cinq, avec donc huit matchs à jouer de mars à novembre 2019 (mais pas en juin).
L’impact de la Ligue des Nations sera donc neutre en terme de calendrier, même si on peut objecter que jouer le dernier carré, et donc un titre, contre par exemple la Belgique, le Portugal et la Croatie ne sera pas la même chose que de disputer deux matchs contre la Hongrie et la Finlande, par exemple.