Ceci est la version largement remaniée et actualisée d’un article paru intitalement sur le site des Cahiers du football le 22 mai 2006 [1] (soit 16 jours avant la double fracture tibia-péroné de Cissé à Saint-Etienne. Non, je ne suis pas international chinois, pourquoi cette question ?).
Dans l’histoire du football, certains numéros valent plus cher que d’autres. Le 10 de Pelé, Platini, Zico, Maradona ou Zidane consacre souvent le meneur de jeu, le joueur créatif à partir duquel s’élabore le jeu offensif. Le 9 est celui de l’avant-centre, du buteur comme Gerd Müller, Paolo Rossi, Jean-Pierre Papin ou encore Ronaldo. Mais curieusement, chez les Bleus, ce numéro 9 semble porter la poisse aux attaquants lors des phases finales, aussi bien en coupe du monde qu’en championnat d’Europe.
Jusqu’en 1986, le numéro 9 ne correspond pas à un véritable avant-centre. En 1954, Antoine Cuissard le porte, mais il est milieu. EN 1958, il est confié à un certain Casimir Hnatow (jamais sélectionné), mais c’est le 17, Just Fontaine, qui entre dans l’histoire. En 1966, il est porté par Didier Couecou, milieu de terrain. En 1978, c’est Dominique Bathenay qui en hérite (les numéros sont alors attribués par ligne et par ordre alphabétique). En 1982 et 1984, Bernard Genghini le récupère avant de le laisser à Luis Fernandez en 1986. Celui-ci en fait un excellent usage en milieu défensif, c’est même avec lui qu’il marque le tir au but décisif contre le Brésil à Guadalajara. Mais il faut croire qu’un marabout carioca a jeté un sort non pas sur le joueur, mais sur le maillot. Car depuis, en coupe du monde, ça se gâte. Regardez plutôt.
1998 : Stéphane qui ?
Pour la coupe du monde à la maison, le maillot maudit est attribué à un nouveau venu, Stéphane Guivarc’h. Titulaire contre l’Afrique du Sud en ouverture, il se blesse avant la demi-heure de jeu, revient en fin de partie contre le Danemark et le Paraguay, puis regagne sa place de titulaire lors des trois dernières rencontres. Buteur prolifique en championnat de France, le Breton manque toutes ses occasions, dont un festival en finale contre le Brésil. On ne le reverra plus qu’une fois en Bleu.
> Temps de jeu : 267 minutes en 6 matches
> Buts : 0
2002 : Cissé comme ça...
En Corée, personne ne se bouscule pour hériter de la tunique maléfique. Elle échoue donc sur les larges épaules de Djibril Cissé, la dernière (à tous les sens du terme) trouvaille de Roger Lemerre. Le meilleur buteur du championnat de France entrera trois fois en cours de match en Corée (à la place de Wiltord contre le Sénégal de Trezeguet contre l’Uruguay et de Dugarry contre le Danemark), mais ne marquera pas - tout comme Henry et Trezeguet d’ailleurs.
> Temps de jeu : 54 minutes en 3 matches
> Buts : 0
2006 : Govou, intermittent du spectacle
Pour la première fois cette année, le fameux numéro 9 a été attribué à un de ses anciens propriétaires : Djibril Cissé, qui se pose un peu là en tant que poissard : lors du dernier match de préparation contre la Chine à Saint-Etienne, il se fracture le tibia-péroné. Sidney Govou récupère le 9. Il joue quelques minutes lors des matches contre l’Espagne (à la place de Malouda), le Togo, le Brésil et le Portugal (à la place de Ribéry) sans se faire remarquer outre mesure. Mais il n’entre pas en finale contre l’Italie, Diarra ayant remplacé Vieira avant l’heure de jeu, Wiltord et Trezeguet entrant en prolongations. Govou jouera le France-Italie suivant, en septembre à Saint-Denis. Il marquera deux buts...
> Temps de jeu : 61 minutes en 4 matches
> Buts : 0
2010 : Cissé est toujours là
En Afrique du Sud, non, ce n’est pas Anelka qui porte le 9 (ça aurait bien complété le tableau), mais Djibril Cissé qui n’a vraiment peur de rien. Il ne lui arrive rien non plus, sinon qu’il joue très peu, une petite heure contre l’Afrique du Sud. Quand l’arbitre sort un rouge pour Gourcuff, il lève les bras, croit sans doute que c’est pour lui avant d’afficher une moue consternée.
> Temps de jeu : 55 minutes en 1 match
> Buts : 0
Le bilan sur les quatre dernières coupes du monde parle de lui-même : trois joueurs appelés, sept heures et demie de jeu cumulé (pour 20 matches) et zéro but marqué (sur 25).
Bon, d’accord, sur quatre coupes du monde, les numéro neuf n’ont pas eu de bol, c’est un fait. Maintenant, élargissons l’étude aux six derniers Euros depuis 1992.
1992 : Papin, deux buts pour rien
À partir de l’Euro 1992, le 9 revient aux attaquants. Jean-Pierre Papin, tout nouveau Ballon d’Or et qui empile les buts avec les Bleus, l’endosse lors de l’Euro en Suède. Il marque les deux buts français, mais quitte la compétition au premier tour. C’est sa dernière phase finale en équipe de France, et le début de la fin de sa carrière, avec un transfert au Milan AC où il s’enterrera.
> Temps de jeu : 270 minutes en 3 matches
> Buts : 2
1996 : Djorkaeff faute de mieux
Lors de l’Euro anglais, Youri Djorkaeff est un numéro 9 atypique, dans une attaque tristounette composée de Dugarry, Madar et Loko. Il marque un but contre l’Espagne, mais à l’image d’une équipe très défensive, il ne montre rien d’intéressant. Il se rabattra d’ailleurs sur le 6 pour les trois prochaines phases finales - le 6 qui est un 9 à l’envers.
> Temps de jeu : 510 minutes en 5 matches
> Buts : 1
2000 : Anelka particulier
En Belgique, le numéro porte-poisse est récupéré par l’un des plus grands espoirs du foot français, Nicolas Anelka, récent champion d’Europe avec le Real Madrid. Brillant lors des matches de préparation, le Parisien s’éteint peu à peu, perd sa place au profit de Dugarry et se fait voler la vedette en finale par Trezeguet. Pour Nicolas aussi, c’est le début d’une longue descente qui le privera des trois prochaines compétitions.
> Temps de jeu : 239 minutes en 5 matches
> Buts : 0
2004 : Saha, l’air de rien
En 2004, Cissé est suspendu suite à une expulsion avec les Espoirs. C’est encore une nouvelle recrue, le Mancunien Louis Saha, qui hérite du mauvais œil. Il semble plus en forme qu’un Thierry Henry maladroit et qu’un David Trezeguet immobile, mais Santini ne lui laisse que quelques poignées de minutes contre la Suisse et la Grèce. Trop peu pour faire mieux que donner des regrets.
> Temps de jeu : 33 minutes en 2 matches
> Buts : 0
2008 : Benzema, un peu jeune
En Suisse, c’est Karim Benzema qui hérite du neuf. Il joue deux matches comme titulaire (contre la Roumanie, remplacé par Nasri, et contre l’Italie en entier) mais ne marque pas et ne pèse pas dans le jeu au sein d’une équipe dont le collectif se délite. Il reste sur le banc contre les Pays-Bas mais Gomis ne fait pas mieux.
> Temps de jeu : 168 minutes en 2 matches
> Buts : 0
2012 : Giroud tourne
En Ukraine, c’est Olivier Giroud qui porte le 9. Il ne joue pas contre l’Angleterre, remplace Benzema en fin de match contre l’Ukraine, puis M’Vila face à la Suède et à l’Espagne pour tenter d’apporter des solutions offensives. Des temps de jeu trop anecdotiques pour renverser des rencontres déjà pliées.
> Temps de jeu : 21 minutes en 3 matches
> Buts : 0
Bilan : six joueurs utilisés, un cumul de 20h40 de jeu (en 25 matches) et trois buts marqués (mais aucun lors des quatre dernières éditions). C’est à peine mieux que pour la coupe du monde. A peine.
2014 : la fin de la malédiction ?
Olivier Giroud pourrait bien être celui qui brisera le mauvais sort. Il est déjà le premier à garder le numéro 9 lors de deux phases finales consécutives. Depuis 1992, seul Cissé avait porté le numéro maudit à deux reprises, mais c’était à huit ans d’intervalle. Le forfait de Ribéry ouvre la possibilité d’une association à deux pointes avec Benzema. S’il gagne ainsi une place de titulaire, et qu’il marque plus de deux fois, l’attaquant d’Arsenal fera mieux que ses huit prédécesseurs. Et prendra date pour garder le numéro 9 lors de l’Euro 2016.
Vos commentaires
# Le 14 février 2019 à 21:07, par Tran Quang Nhi En réponse à : La malédiction du numéro 9
Même si en 2018, il a fait une coupe du monde à la Guivarc’h, on peut quand même dire que Giroud a fait mieux que les autres, en 2014 en étant un joueur d’effectif, il marque un but en ouvrant le score contre la Suisse lors du 2ème matche, et en 2016 lors de l’euro en étant titulaire remplaçant Benzema, il marque 3 buts (dont le but d’ouverture de l’euro) & fait 2 assists qui permet à la France d’aller en finale de la compète