Le centenaire d’Henry

Publié le 6 décembre 2010 - Bruno Colombari

Les carnets de l’archiviste sur le site des cahiers du football après France-Colombie. S’il a amené le seul but du match en s’asseyant dans l’herbe, Thierry Henry n’en est pas moins entré dans le club restreint des centenaires. Ce qui fait beaucoup de choses à raconter.

5 minutes de lecture

L’équipe type de Thierry Henry

Le onze préférentiel d’Henry, calculé en retenant les dix joueurs comptant le plus de sélections en commun avec lui, ressemble comme un frère jumeau à celui de Trezeguet. Il suffit juste d’enlever Pires et d’ajouter Gallas. Le partenaire privilégié d’Henry, ce n’est pas surprenant, est Thuram (79 matches en commun, dont 78 joués ensemble), devant Vieira (69 matches, 66 avec un temps de jeu partagé) et Zidane (59 matches, dont 57 sans se croiser). Wiltord perd sa troisième place quand on enlève des 65 sélections en commun les 12 où Henry et lui n’ont pas joué ensemble.

À quel âge devient-on centenaire ?

Pas avant trente ans en tout cas. Mais s’il n’a pas encore fêté son trente-et-unième anniversaire (ce sera le 17 août), Henry n’est pas le plus jeune à franchir ce cap.

Patrick Vieira n’avait que 30 ans, 4 mois et 23 jours le 15 novembre 2006 contre la Grèce. Mais cette précocité, pour l’instant, ne lui a pas porté chance puisqu’il n’a joué que cinq fois en 17 matches depuis. Contre la Colombie, Henry était un peu plus âgé : 30 ans, 9 mois et 16 jours. Soit presque un an de moins que Deschamps, centenaire lors de la demi-finale de l’Euro 2000 contre le Portugal, à 31 ans, 8 mois et 17 jours. Les trois premiers du classement sont aussi ceux qui ont franchi les cent sélections le plus tard : Thuram le 13 juin 2004 contre l’Angleterre à 32 ans, 5 mois et 12 jours, Zidane le 27 mai 2006 contre le Mexique à 33 ans, 11 mois et 4 jours et Desailly le 12 octobre 2002 contre la Slovénie à 34 ans, 1 mois et 5 jours.

15 heures avec Anelka

À treize minutes de la fin, mardi soir, Henry est sorti et Anelka est entré. Comme un symbole de deux trajectoires qui n’arrivent pas à se synchroniser depuis dix ans.

Alors qu’ils ont débuté tous deux en équipe de France à quelques mois d’intervalle (octobre 1997 pour Henry, avril 1998 pour Anelka) après avoir joué en Espoirs en 1997, Henry et Anelka vont longtemps se croiser en équipe de France – comme à Arsenal, d’ailleurs, où le premier arrive quand le second part. Hormis en 2000, où ils jouent 7 matches ensemble, les hauts de l’un coïncident avec les bas de l’autre. Jusqu’en 2007 tout au moins : ils se retrouvent à quatre reprises.

Il aura fallu attendre la 94e sélection de Henry et la 40e d’Anelka pour les voir jouer un match complet ensemble. C’était en septembre 2007 à Milan contre l’Italie. Au total, ils n’auront joué ensemble que 15 matches, soit 844 minutes, durant lesquels ils auront été titulaires respectivement à 13 et 12 reprises. Henry aura marqué six fois avec Anelka à ses côtés, et Anelka n’aura trouvé le chemin des filets que deux fois. Un bien maigre total, que l’irruption de Benzema et, à un degré moindre ,de Gomis risque de ne pas améliorer dans les prochaines semaines.

Le douzième homme

Il y a des numéros de maillot mythiques, comme le 10 de Pelé, Maradona, Platini ou Zidane, le 14 de Cruyff, le 9 de Müller, le 5 de Beckenbauer… Le 12 n’a pas tant d’histoire.

En phase finale de Coupe du monde, chez les Bleus, le 12 a d’ailleurs été porté par des joueurs au profil très différent. En 1958, c’est le défenseur Jean-Jacques Marcel qui l’endosse. Marseillais à l’époque, il jouera cinq matches du mondial suédois et finira sa carrière avec 44 sélections. En 1966 en Angleterre, le 12 revient à Djorkaeff. Pas Youri, qui n’est quand même pas si vieux, mais son père Jean, défenseur lui aussi. Il quitte Lyon pour l’OM et joue les trois matches de la World Cup. Il comptera 48 sélections. Douze ans plus tard, en Argentine, c’est le Bastiais Claude Papi qui s’y colle. Il ne jouera qu’une partie du match pour du beurre contre la Hongrie, sa troisième et dernière sélection. Il meurt le 28 janvier 1983.

Après avoir beaucoup circulé, le 12 se pose pour un moment sur les épaules d’Alain Giresse, qui le garde de 1982 à 1986. Il finira avec 47 sélections contre l’Allemagne à Guadalajara et entrera dans l’histoire avec le carré magique qu’il forme avec Fernandez, Tigana et Platini.
En 1992, pour l’Euro suédois, c’est Christophe Cocard qui s’y colle pour un intérim insignifiant (neuf minutes contre le Danemark et neuf sélections au total). Et en 1996, Bixente Lizarazu l’emprunte en Angleterre, le temps de chiper la place et plus tard le maillot (le 3) à Di Meco. La suite, on la connaît, 97 sélections, champion du monde et d’Europe.
C’est donc un héritage conséquent que récupère Thierry Henry en mai 1998 lorsque le numéro 12 lui est attribué. Il ne l’a plus quitté depuis, et celui qui le revêtira, en 2010 ou dans quelques mois, devra en être digne.

Dix grands moments d’Henry par Platini

Nous avons demandé à Michel P., ancien recordman de buts en équipe de France en préretraite à Nyon de commenter dix morceaux choisis de la carrière internationale de Thierry Henry, avec des vrais morceaux de melon dedans.

13 juin 1998 : France-Afrique du Sud à Marseille
« Son premier but en bleu. Il a mis le temps, non ? Moi, j’avais marqué pour ma première sélection. Et tu parles d’un but, en fait c’est l’autre, là, comment il s’appelle, Pierre Issa, qui s’emmêle les pinceaux sur la ligne. Je vais d’ailleurs voir si on peut pas le compter comme un csc, il faut que j’en parle à Blatter. »

3 juillet 1998 : France-Italie à Saint-Denis
« Comme il n’a pas été fichu de marquer pendant le match, il a droit à une session de rattrapage aux tirs au but. Forcément, là c’est plus facile. Comment ? Qu’est-ce que tu dis ? Certains en ont manqué en quart de finale de Coupe du monde ? Je ne vois pas de quoi tu parles mon p’tit gars. »

11 juin 2000 : France-Danemark à Bruges
« Pas mal, son cinquante mètres au sprint, j’ai toujours pensé qu’il aurait eu une chance au relais 4x100, ce type. Même si, comme je le dis toujours, au foot, c’est le ballon qu’il faut faire courir, pas les joueurs. »

2 juillet 2000 : Italie-France à Rotterdam
« Il l’a joué ce match ? Franchement, je ne m’en souviens même plus. Cannavaro et Nesta l’ont mis dans leur poche et on ne l’a plus jamais revu. Ces défenseurs italiens, c’est quelque chose ! Même s’ils avaient du mal avec moi. »

29 juin 2003 : France-Cameroun à Saint-Denis
« Ah, joli but du genou ! Ça m’a fait un peu penser à Gerd Müller ou à Paolo Rossi. Ça prouve au moins qu’il est meilleur de la rotule que de la tête. Et mettre un but en or à des Camerounais en deuil, franchement, ça manque de classe, tu trouves pas ? »

15 novembre 2003, Allemagne-France à Gelsenkirchen
« L’espèce de contrôle orienté qu’il met sur Wörns, oui, bon, sauf qu’il y avait main de l’Allemand. Après, forcément, il n’y a plus personne devant, sauf Oliver Kahn mais ça ne compte pas, et c’est Trezeguet qui finit le travail. »

7 septembre 2005, Eire-France à Dublin
« C’est là où ils avaient tous la main sur le cœur avant le match, quelle rigolade ! Jamais on n’aurait fait un truc pareil à mon époque, d’ailleurs je m’en foutais, je jouais les chaussettes baissées et le maillot par-dessus le short, alors... »

1er juillet 2006, France-Brésil à Francfort
« Un but à bout portant sur un centre de Zidane. T’as remarqué le super marquage de Roberto Carlos sur l’action, à dix mètres derrière ? Ça aide pas mal, quand même. Tigana l’aurait mis aussi bien, celui-là. »

9 juillet 2006, Italie-France à Berlin
« Quand je te dis que ce qui compte, c’est la vision du jeu. Au bout de deux minutes, au lieu de regarder les photographes pour qu’ils le prennent sous son meilleur profil, il aurait mieux fait de faire attention à Cannavaro. »

17 octobre 2007, France-Lituanie à Nantes
« Tu parles si il était content ce soir-là ! Battre mon record de buts contre la Lituanie, l’exploit ! À 0-0, j’aurais fait entrer Ben Arfa à la place d’Henry, pas Lassana Diarra, c’est quoi ce coaching ? Ceci dit, j’ai bien aimé quand Benzema l’a oublié sur une balle de 3-0. Un triplé à Nantes, il n’y a que moi pour faire ça. »

La France championne du monde des vétérans

Au 9 mai dernier, on comptait 153 joueurs à plus de cent sélections dans le monde. Si on se limite (arbitrairement) aux internationaux des sept pays champions du monde, le recordman est Lothar Matthaüs, qui compte 150 sélections (8e). Le Brésilien Cafu (142) va très bientôt être rejoint, et probablement dépassé, par Thuram (140). À noter aussi que Cannavaro et Desailly se partagent la 55e place avec 116 sélections. L’Italien aurait pu dépasser Marcel à l’Euro, mais le mauvais œil était sur lui.

La France compte six centenaires désormais, contre trois pour le Brésil (Cafu, Roberto Carlos et Taffarel), l’Italie (Maldini, Cannavaro et Zoff) et l’Argentine (Zanetti, Ayala et Simeone), quatre l’Allemagne (Matthaüs, Klinsmann, Kohler et Beckenbauer), cinq pour l’Angleterre (Beckham, Shilton, Bobby Moore, Bobby Charlton et Billy Wright entre 1946 et 1959) et aucun à l’Uruguay.

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Hommage à Pierre Cazal