Le premier règlement édicté en 1964 stipule que si un joueur a participé à un match international officiel, quelque-soit la catégorie d’âge, il ne peut défendre les couleurs d’un autre pays. Cinq Tricolores ayant défendu les couleurs de la France ont opté pour une autre sélection avant la mise en place de ce règlement. Il s’agit de :
– Félix Romano (une sélection et un but avec la France en 1913, puis cinq avec l’Italie entre 1921 et 1924)
– Abderrahman Mahjoub (sept sélections avec la France entre 1953 et 1955, puis quatre avec le Maroc entre 1961 et 1962)
– Rachid Mekhloufi (4 sélections avec la France entre 1956 et 1957, puis neuf et trois buts avec l’Algérie entre 1963 et 1968)
– Mustapha Zitouni (quatre sélections avec les Bleus entre 1957 et 1958, puis sept avec l’Algérie entre 1963 et 1964)
– Khennane Mahi (deux sélections avec les Bleus en 1961, puis trois et un but avec l’Algérie entre 1963 et 1964)
On pourrait ajouter à cette première liste Saïd Brahimi, qui a joué deux rencontres et marquer un but en équipe de France en 1957, puis a rejoint l’équipe du Front de Libération Nationale avec qui il a disputé une quarantaine de matchs en 1958 et 1959. L’équipe du FLN n’est toutefois pas reconnue officiellement par la FIFA. Ces matchs ne comptent donc pas comme des sélections.
Le règlement est modifié en 2003, permettant à un joueur de changer une fois de nationalité sportive, à condition qu’il n’ait disputé aucune rencontre officielle (hors matchs amicaux) en équipe A avec un autre pays.
Des Bleus vers le Cameroun, la République centrafricaine et l’Algérie
Deux anciens internationaux français ont profité de ces nouvelles règles. Le premier est Paul-Georges Ntep. Après avoir fait ses classes avec les équipes de France de jeunes (25 matchs et 11 buts des u18 aux espoirs entre 2010 et 2014), il participe à deux rencontres amicales de l’équipe A en juin 2015 face à la Belgique (3-4), où il délivre une passe décisive pour Nabil Fékir, puis contre l’Albanie (0-1). Il n’est plus appelé par la suite et décide de changer de nationalité sportive trois ans plus tard.
« C’était un choix par rapport à ma famille et aussi par rapport à ma situation. Le Cameroun, c’est une longue histoire. Ils m’avaient contacté bien avant l’équipe de France. Ça ne s’était pas fait parce que je trouvais que c’était beaucoup trop instable à cette époque-là. Après, je me suis engagé avec les Espoirs français. J’ai ensuite été appelé en Équipe de France. Pour moi, c’était la concrétisation de mon parcours avec les jeunes donc c’était la suite logique. Malheureusement, j’ai connu des pépins physiques qui m’ont éloigné petit à petit des Bleus. J’ai discuté avec le nouveau sélectionneur de ses attentes et des attentes du peuple camerounais. J’ai trouvé que c’était le bon moment pour accepter [1]. » Il joue quatre fois pour le Cameroun pour un but marqué.
Le deuxième est Geoffrey Kondogbia. Son parcours est similaire à celui de Ntep. Il grandit avec les équipes de France de jeunes (57 sélections et 10 buts des u16 aux espoirs entre 2008 et 2014) puis porte le maillot des A (5 sélections entre 2013 et 2016) uniquement au cours de rencontres amicales avant de disparaître des petits papiers du sélectionneur. Il décide alors en 2018 de défendre les couleurs de son pays d’origine, la République centrafricaine.
Le milieu de terrain explique que ce sont ces proches qui l’avaient poussé à porter le maillot bleu, alors que lui se sentait plus proche de ses racines : « Ce que les gens ne savent pas, c’est que j’ai toujours voulu jouer pour la République centrafricaine. Mon rêve, c’était de jouer pour la Centrafrique. Ce qui n’était pas le cas de mes proches, de mes amis et de membres de ma famille. Ils n’étaient pas d’accord. Je pense que c’était par rapport à ma carrière et à ce que l’équipe de France pouvait apporter. J’ai fait abstraction de mon souhait. J’ai essayé de jouer le jeu en me disant que « oui, c’est un plus au niveau de la carrière footballistique ». Mais, moi, j’ai toujours voulu jouer pour la République centrafricaine. Ce qui m’a, on va dire, « sauvé », c’est la déception de mes proches. Ceux qui étaient contre ma venue en équipe de RCA ont vu que je n’étais plus appelé en équipe de France. Ils m’ont, entre guillemets, laissé partir. Voilà la raison générale. Mais je veux préciser que ça n’a rien à voir avec ce que je ressens. Je me sens Français et Centrafricain. J’ai juste pensé dès mon plus jeune âge que mon aide serait plus profitable à la République centrafricaine qu’à la France [2]. »
Le parcours de Houssem Aouar est aussi très proche de ces deux joueurs. Après avoir toutes ses classes avec les équipes de France de jeunes (18 matchs et 4 buts avec les u17 et les espoirs entre 2014 et 2021), il joue un match amical avec les A en 2020 (Ukraine, 7-1). L’ancien milieu lyonnais explique toutefois avoir eu du mal à choisir entre la France et l’Algérie, et surtout à assumer ce choix. « Une fois mon choix (fait) de rejoindre l’équipe de France, j’ai ressenti tout simplement un regret. Ce n’est pas un choix contre la France, loin de là. J’ai été formé ici, je suis Français aussi, et j’ai beaucoup appris ici [3]. »
Raymond Domenech, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France (2004-2010) vice-champion du monde en 2006, qui aime souvent donner son avis, n’a pour sa part pas hésiter à critiquer fortement cette décision. « Je trouve que c’est humiliant pour l’Algérie de dire que, parce qu’il ne peut plus jouer en équipe de France, « tiens, je vais aller en Algérie ». S’il fait ça au moment où il est au top niveau et que c’est lui qui décide qui il choisit réellement, oui. Mais là il diminue l’idée qu’on peut avoir de cette équipe d’Algérie en disant « je ne suis pas bon pour l’équipe de France, alors je parle de mon cœur et j’y vais ». Ça m’agace par rapport à l’Algérie. » [4]. Aouar défend maintenant les couleurs algériennes depuis près d’un an. Il compte neuf sélections pour deux buts et a participé à la dernière coupe d’Afrique des Nations.
Un nouveau départ vers la Côte d’Ivoire ?
Le prochain qui pourrait porter les couleurs d’une autre sélection est Tiémoué Bakayoko (27 matchs des u16 aux Espoirs, entre 2010 et 2016, une sélection en A en 2018). En février 2024, il explique porter un regard mitigé sur son passage chez les Bleus, au point de se demander s’il ne rejoindrait pas les Eléphants, récents champions d’Afrique.
« L’équipe de France ? C’est mitigé… Je ne suis pas tout à fait international, car je n’ai qu’une sélection. À Chelsea, j’ai été déçu de ne pas y retourner. La France est championne du monde et il y a un regret de ne pas l’avoir été. J’y ai cru, mais il y a tellement de joueurs de qualité, en France. Tu attends, tu bosses et tu acceptes. Quand je suis appelé, je suis plus proche de la Côte d’Ivoire, même si les Bleus restent le rêve ultime. Quand on a une double nationalité, vous ne vous rendez pas compte comment c’est hyper difficile de choisir. Entre le moment où Didier Deschamps m’a appelé et celui où j’ai dit oui, je n’ai pas mangé durant deux jours, j’avais la boule au ventre. D’une certaine manière, si je devais maintenant jouer pour la Côte d’Ivoire, j’aurais l’impression de me désavouer. Mais j’ai un peu évolué, je ne dis pas non, je ne dis pas oui. » [5]
Quelques mois plus tôt, en novembre 2023, le joueur disait pourtant assumer son choix de défendre les couleurs françaises. « J’espère qu’ils ne reviendront pas (parlant de la Côte d’Ivoire). Je veux que cet épisode soit clos… En fait, je suis fatigué de ce débat. J’ai choisi et je reste sur ce choix. Je ne suis pas une girouette, il faut arrêter. J’ai joué au Stade de France avec les A. Il n’y a pas de raison que j’opte pour une autre sélection. Avec tout le respect que j’ai pour la Côte d’Ivoire, c’est avec la France que je veux poursuivre ma carrière internationale. » [6]
Platini et le Moyen-Orient
Un autre joueur a porté également le maillot de non pas un pays, mais de trois autres alors qu’il n’en avait même pas la nationalité. Ce joueur est sans doute le plus grand de l’histoire des Bleus. Il s’agit de Michel Platini. En 1988, tout juste intronisé sélectionneur des Bleus, Platini se déplace au Moyen-Orient, à la fois pour faire la promotion de sa marque Platini-10 et d’Adidas dont il est le représentant, mais aussi pour, pourquoi pas, envisager une tournée des Bleus dans cette région. La tournée en question aura lieu en janvier 1990.
Le tout jeune retraite commence par disputer une rencontre non officielle opposant la Jordanie à Oman. Il évolue une mi-temps dans chaque équipe. Quelques jours plus tard, le 27 novembre 1988, il joue les 21 premières minutes du match Koweït-URSS (0-2), match de préparation à la coupe d’Asie des Nations pour le petit émirat. La FIFA reconnait officiellement ce match et Platini compte donc une cape avec le Koweït à son actif. C’est sans doute le seul le footballeur au monde à compter une sélection pour un pays dont il n’a pas la nationalité. [7]
Vos commentaires
# Le 5 mars à 11:19, par Olivierinho En réponse à : Le choix du maillot (1/4) : ceux qui ont quitté les Bleus
Bonjour, merci pour cet article !
Quelques petites coquilles :-)
Il y a un souci avec la note de bas de page concernant Hassem Aouar, dont le paragraphe a disparu du texte.
En outre, au début du sous-titre, il est précisé « »eux anciens internationaux français ont profité de ces nouvelles règles". Or il y en a bien trois :-) (ntep, kondogbia et donc aouar)
Il manque aussi un « doute » ou « aucun doute »dans le paragraphe sur Platini « Ce joueur est sans le plus grand de l’histoire des Bleus. »