Kopa, Platini, Zidane : les trois meilleurs joueurs français de tous les temps ont évolué, plus ou moins, au même poste. Celui de meneur de jeu. C’est avec le premier que les Bleus, pour la première fois, ont approché d’une finale mondiale. C’est grâce au second qu’ils ont atteint à nouveau, et deux fois d’affilée, le dernier carré. Et c’est peu dire que le troisième y est pour beaucoup dans le titre de 1998 et la finale de 2006.
Il faut donc remonter loin, très loin dans le temps pour trouver trace d’une participation de l’équipe de France à une coupe du monde sans grand meneur de jeu. En 1966, précisément, quand les Bleus allèrent en Angleterre avec une équipe dépourvue de joueurs créatifs au milieu : les Nantais De Michèle et Jacky Simon, le Bordelais De Bourgoing ou le Stéphanois Herbin. Le résultat est vite vu : en jouant très défensifs, les Bleus butent contre le Mexique (tiens !), chutent contre l’Uruguay (tiens tiens !) et s’inclinent face à l’Angleterre. On est alors au cœur des années soixante, dans le trou noir de l’histoire de l’équipe de France.
Auparavant, les Bleus avaient fait très forte impression avec la génération précédente, celle de Raymond Kopa, Roger Piantoni et Just Fontaine, le trio magique qui dynamite les défenses adverses (7 buts contre le Paraguay, 2 contre la Yougoslavie et l’Ecosse, 4 contre l’Irlande du Nord, 2 contre le Brésil et 6 contre l’Allemagne). Jamais une telle combinaison de créativité au milieu et d’efficacité devant n’avait été trouvée.
Il faudra attendre vingt-quatre ans et le Mundial espagnol pour voir les Bleus, emmenés par un Platini ayant changé de statut à Saint-Etienne, confirmer leurs promesses au plus haut niveau. L’édition mexicaine, en 1986, arrivera trop tard, mais même avec un duo Platini-Giresse diminué, la France finit troisième.
La suite, on la connaît, avec un Zidane au sommet de son art en 2000, mais déjà suffisament fort pour faire basculer la finale 1998 et pour tirer les Bleus jusqu’à celle de 2006.
Conclusion : un meneur de classe mondiale est-elle une garantie absolue d’obtenir une place au moins de demi-finaliste ? Pas du tout. Ce serait oublier que Kopa était là en 1954 lors de la coupe du monde en Suisse, que Platini a joué sa première phase finale en Argentine en 1978 et que Zidane a participé au match contre le Danemark en Corée du Sud en 2002. Et les trois fois, les Bleus ont plié bagages au premier tour, ne faisant pas mieux qu’en 1930, 1934, 1938 et 1966 où les sélectionnés étaient de niveau moindre.
Mais en 1954, Kopa n’avait que 22 ans et ne comptait que 13 sélections. En 1978, Platini avait un an de plus et 15 sélections. Enfin, si Zidane sortait d’une grande saison avec le Real Madrid en 2002, il joua le match de trop (contre la Corée du Sud en amical) et, blessé, ne put participer aux rencontres contre le Sénégal et l’Uruguay.
En 2010 donc, pas de Kopa, ni de Platini et encore moins de Zidane. Le seul joueur ayant un profil similaire, Yoann Gourcuff, semble enccore un peu tendre à ce niveau, après une saison décevante en club et en sélection. De plus, le nouveau système de jeu en 4-3-3 le place plus bas sur le terrain, alors que les trois prédécesseurs jouaient juste derrière les attaquants. Ceci dit, prudence : au printemps 1998, Zidane était loin d’avoir éclaté en équipe de France. C’est la compétition qui lui a fait franchir plusieurs paliers très rapidement.
En tout cas, jamais dans l’histoire les Bleus n’ont atteint les demi-finales avec une équipe dont la force dépendait uniquement du collectif, comme ce fut le cas pour l’Argentine en 1978, l’Allemagne en 1990 ou l’Italie en 2006. Pour aller loin, l’équipe de France a besoin d’un joueur hors normes, capable de sublimer le reste de l’équipe en la mettant à son service. Gourcuff peut-il être ce joueur ? Réponse dans quelques jours.