Pour en finir avec 2008

Publié le 20 novembre 2010 - Bruno Colombari

Article initialement publié le 20 novembre 2008 sur le site des Cahiers du football.

Les meilleures choses ont une fin, les autres aussi. La Céleste et Savidan ont mis fin à l’annus horribilis 2008, la pire depuis des lustres.... sauf pour Benzema.

5 minutes de lecture

La Céleste, à la lueur des étoiles mortes

L’Uruguay, entre les deux guerres, a été le centre du monde du football. Concentré de l’Argentine et du Brésil, il comptait tout simplement les meilleurs joueurs du monde. Mais si elle a remporté la première et la quatrième Coupe du monde, en 1930 et en 1950, c’est à Paris, en 1924 lors des Jeux olympiques que la Céleste a vraiment fait parler d’elle. En quart de finale, à Colombes devant 45.000 personnes, les Uruguayens ne font qu’une bouchée de l’équipe de France (5-1). Le milieu noir Andrade (surnommé La Maravilha Negra) et les attaquants Scarone (El Gardel del Futbol) et Cea (El Vasco) font ce qu’ils veulent. Ils battent la Suisse en finale (3-0) et sont logiquement favoris du tournoi suivant, à Amsterdam.

Après un combat de rue contre l’Allemagne (trois expulsés), ils affronteront en finale leur voisin argentin, qu’ils auront beaucoup de mal à battre malgré la présence de leur attaquant Castro, surnommé El Manco depuis qu’il avait perdu une main (1-1, et 2-1 en match d’appui). Voilà d’où viennent les deux premières étoiles des quatre qui ornent le maillot uruguayen…

Même s’il semble abusif de la part des Uruguayens de s’attribuer quatre titres mondiaux en y intégrant deux titres olympiques (la Hongrie en compte trois, l’Argentine et l’URSS deux), il faut considérer que dans les années vingt, le tournoi olympique est la seule occasion pour les sélections nationales de s’affronter en compétition – même si celui-ci exclut de fait les professionnels anglais, autrichiens, hongrois ou tchécoslovaques. Quelques jours avant les JO de 1928 a été décidé la création d’une Coupe du monde qui aura lieu tous les quatre ans à partir de 1930. Et c’est à Barcelone, en 1929, que l’Uruguay en obtient l’organisation, qui tombera l’année du centenaire de son indépendance.

On la connaît la suite : victoire finale contre l’Argentine, encore, à Montevideo en 1930 (4-2 après avoir été mené 1-2 à la mi-temps) et doublé en 1950 face à un Brésil archifavori qui avait atomisé la Suède (7-1) et l’Espagne (6-1), et qui n’avait besoin que d’un nul pour devenir champion du monde. L’Uruguay l’emporte 2-1 (buts de Don Juan Schiaffino et Alcides Ghiggia) après avoir été encore mené et fait taire les 173 000 spectateurs d’un Maracaña encore en travaux.

Benzema, à toute vitesse

S’il n’est que 132e au nombre de sélections pour les internationaux français, Benzema est en tout cas l’un des plus précoces. L’attaquant lyonnais a débuté en Bleu à 19 ans et 3 mois le 28 mars 2007 contre l’Autriche. Vingt mois plus tard, il compte déjà 19 sélections et n’a manqué que cinq rencontres. Il fêtera ses 21 ans le 19 décembre prochain.

133 joueurs comptent au moins 19 sélections en équipe de France. Mais aucun d’entre eux ne les a obtenues avant ses 21 ans. Le mieux classé après Benzema est Nicolas Anelka, qui a revêtu sa 19e cape le 2 septembre 2000 contre l’Angleterre (598), à 21 ans et 5 mois. Anelka avait débuté chez les Bleus le 22 avril 1998 à 19 ans et 1 mois contre la Suède (559). Autrement dit, il a joué 19 fois sur 50 (38%) et aurait pu faire beaucoup mieux que Benzema. Il lui faudra attendre près de huit ans pour atteindre les 50 sélections.

Après Anelka, les plus jeunes à 19 sélections sont Manuel Amoros (22 ans et 1 mois), David Trezeguet (22 ans et 8 mois), Bruno Bellone (même âge) et Thierry Henry (22 ans et 10 mois). La moyenne de participations de Benzema est très élevée (79% des matches joués depuis ses débuts), entre celles de Zidane (73%) et de Desailly (86%). À ce rythme, Benzema pourrait être, avec Franck Ribéry, le prochain centenaire en bleu.

Si l’on regarde en détail le parcours des six joueurs à plus de cent sélections, il est frappant de constater que les trois premiers (Thuram, Desailly et Zidane) ont commencé après 21 ans. À cet âge, Deschamps avait quatre sélections, Vieira cinq et Henry a fêté sa neuvième contre la Croatie le 9 juillet 1998. Mais le tout nouveau champion du monde va manquer 14 matches d’affilée entre septembre 98 et mars 2000. À sa 19e sélection, il n’a participé qu’à 46% des matches joués depuis ses débuts, le total le plus faible de tous les centenaires. Sans ce trou dans sa carrière en bleu, Henry aurait déjà dépassé Desailly.

Après les tranchées, l’armistice

L’avant-dernier mois de l’année est-il propice aux purges amicales ? Voyons un peu ce que donnent les dix dernières saisons. En 2007, France-Maroc avait offert du spectacle mais pas de victoire (2-2). En 2006 contre la Grèce, pas grand-chose à voir (1-0). Même chose l’année d’avant contre l’Allemagne (0-0), et ne parlons pas du France-Pologne de novembre 2004 (0-0). Il faut en fait remonter à 2003 pour voir un très bon match après la Toussaint, mais c’était à l’extérieur, à Gelsenkirchen contre l’Allemagne (3-0) avec un festival d’Henry et un doublé de Trezeguet (lire « La Ruhr de la fortune »). L’année d’avant avait offert un agréable spectacle contre la Yougoslavie (3-0) avec notamment un doublé d’Eric Carrière pour sa dixième et dernière sélection (lire « Les Bleus en finissent avec 2002 »).

On passe rapidement sur un faible Australie-France à Melbourne en 2001 (1-1) et on se souvient avec nostalgie d’un brillant Turquie-France (0-4), où le duo Zidane-Micoud avait fait des étincelles pendant une heure. Enfin, en novembre 1999, la Croatie avait été corrigée (3-0) avec des buts de Vairelles, Maurice et Pires (deux intrus se cachent dans cette liste, sauriez-vous les retrouver ?).

Bilan final, dix matches amicaux, cinq victoires, cinq nuls (dont trois 0-0). À noter qu’un seul match de compétition a été joué en novembre depuis dix ans : il s’agit d’Ukraine-France l’an dernier, et encore, les Bleus étaient déjà qualifiés. 2009 nous offrira-t-il un barrage en aller-retour ?

2008, une année à oublier

L’année 2008 se termine, et pour la plupart des supporters des Bleus, c’est un soulagement. Avec 6 victoires, 4 nuls et 4 défaites, c’est la pire année depuis… Combien de temps ? Avec ses 43% de victoires, 2008 est la plus mauvaise des vingt dernières années. Au nombre de défaites, il faut remonter à 1992 (5 défaites en 11 matches) pour voir pire. Les Bleus ont perdu autant de matches cette année qu’entre 1994 et 1999 (sur 68 rencontres).

Au total, 2008 se situe à la 41e place du classement du centenaire, entre 1988 (4 victoires en 9 matches) et 1989 (3 victoires en 7 matches, et élimination du Mondiale 90). Pas vraiment des références. 2008 ne fait pas partie de ces 36 années où les Bleus ont gagné au moins la moitié de leurs matches.

Top 8 historique

Si l’on s’en tient aux matches de compétition, le résultat de 2008 est carrément catastrophique. Avec une seule victoire et trois défaites en six matches, cette année se situe parmi les huit plus mauvaises années de l’histoire, du moins celles où les Bleus n’ont pas joué que des matches amicaux. Trois défaites en compétition la même année, ça ne s’était produit que deux fois : en 1966 (Uruguay et Angleterre en Coupe du monde, Belgique en qualifications de l’Euro 68) et en 1981 (Pays-Bas, Belgique et Irlande en qualifications du Mundial 1982). Enfin, si l’on compare cette année aux 18 incluant une phase finale, 2008 est la plus mauvaise (pour les matches de compétition).

Comme si ça ne suffisait pas, 2008 se fait aussi remarquer par son étonnant total de buts encaissés : 16 en 14 matches, dont 15 en sept matches consécutifs. Il faut remonter à 1992 pour trouver un aussi mauvais total et à 1982 pour voir pire (19). Côté attaque, ce n’est guère mieux : avec 16 buts marqués, 2008 est la plus stérile des dix dernières années, loin derrière les 40 buts de 2003 (record historique) et le très gros score de 2000 (39, ancien record de 1958 égalé).

Etat-civil 2008


Ils nous ont quittés

Grégory Coupet, Claude Makelele, David Trezeguet, Lilian Thuram.

Ils n’ont fait que passer
Hatem Ben Arfa, Patrick Vieira, Philippe Mexès, Djibril Cissé, Julien Escudé, Mathieu Flamini, Sébastien Frey.

Ils nous ont rejoints
Bafetimbi Gomis, Stève Mandanda, Yoann Gourcuff, Gaël Clichy, Jimmy Briand, Rod Fanni, Florent Sinama-Pongolle, Hugo Lloris, Steve Savidan.

Hugo Lloris est le 73e gardien de l’équipe de France, et surtout le troisième nouveau depuis un an et les débuts de Sébastien Frey. Il est intéressant d’ailleurs de noter que depuis six mois et les débuts de Mandanda, les trois postes de gardien ont été renouvelés, le trio Coupet-Landreau-Frey (tous trois encore en activité, les deux derniers ayant moins de trente ans) étant supplanté par Mandanda, Lloris et Pelé.

Avant Frey, il aura fallu plus de sept ans pour voir apparaître un nouveau gardien chez les Bleus (Landreau ayant débuté en juin 2001 en Corée). Steve Savidan est pour sa part le 834e international français, lui qui jouait en national il y a encore trois ans et demi.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Hommage à Pierre Cazal