Sacré Bleu : from Zidane to Mbappé, a football journey

Publié le 31 août 2020 - Bruno Colombari

Il n’est pas encore traduit en français, mais c’est déjà un livre important à avoir dans sa bibliothèque sportive, Sacré Bleu, de Matthew Spiro, alterne plans larges et plans serrés sur les vingt années qui séparent les deux titres mondiaux.

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On se souvient de la publicité de l’équimentier actuel de l’équipe de France sur la façade du Stade de France juste avant la Coupe du monde en Russie : « ’98 was a great year for french football. Kylian was born. » D’une certaine manière, Matthew Spiro, expert anglais du foot français pour BeIN Sports, a repris le principe pour son livre Sacré Bleu : from Zidane to Mbappé, a football journey (Biteback Publishing, Londres, 2020). D’un côté, le récit minutieux et documenté de la trajectoire de l’équipe de France d’une étoile (1998) à l’autre (2018), de l’autre, en montage alterné, l’irrésistible ascension de celui qui est appelé à devenir le prochain numéro 1 mondial.

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Vingt ans qui ont changé la société française

Mais autant la course vers les sommets de Mbappé, des synthétiques de Bondy à l’orage du stade Loujniki, a la force de l’évidence et semble même avoir été minutieusement programmée, autant ee voyage dont il est question dans le titre n’aura pas été un long fleuve tranquille, loin de là. Si les Bleus n’ont manqué aucune phase finale européenne ou mondiale entre 1998 et 2018, ils ont lourdement chuté au premier tour à trois reprises (2002, 2008 et 2010) et ont échoué trois autres fois en quart de finale (2004, 2012 et 2014). Entre temps, il y a eu l’éclaircie de 2006, et par la suite la remontée progressive vers les sommets en 2016.

Spiro se place en témoin extérieur et en observateur avisé de ce qui se passe au niveau du jeu comme autour ; à quel point la société française a bougé pendant ces vingt dernières années qui ont vu le Front National s’installer durablement dans le paysage jusqu’au second tour de la présidentielle, les quartiers populaires s’embraser à chaque bavure policière, l’effondrement des partis politiques dominants au profit d’un opportuniste qui a conquis l’Elysée.

Clairefontaine, un modèle pour les Anglais

Côté terrains, il documente avec précision les atouts (et les limites) du système de formation français, en interviewant notamment Gérard Houiller (directeur technique national de 1988 à 1998). Celui-ci ne manque pas de lui dire : « je dis toujours que le travail d’un sélectionneur est de préparer le match dans dix jours. Le travail d’un DTN est de préparer le match dans dix ans. Et comme par hasard, dix ans après notre arrivée, la France a gagné la Coupe du monde. » [1]

Clairefontaine, inaugurée en 1988, a servi de modèle à de nombreux pays, comme l’Angleterre (qui a ouvert le sien en 2012). « Les gens nous ont copié, souligne Houllier, bien sûr. Pas de problème. Le football a toujours fonctionné en cycles. Chacun regarde ce que font ses rivaux, et tente de prendre ce qu’il y a de meilleur et de l’adapter. Ça fait partie du jeu. » Spiro raconte d’ailleurs, pour illustrer ce propos, qu’après l’élimination de l’équipe de France au premier tour de la World Cup 1966, le staff technique était resté à Londres jusqu’à la finale. Et que ce qu’ils ont vu leur ont ouvert les yeux sur le retard du football français en terme d’impact physique, de puissance et de vitesse.


 

Si deux des personnages principaux du livre de Matthew Spiro sont le football français et sa jeune idole, Kylian Mbappé, le troisième est, comme l’indique le titre, Zinédine Zidane. Ses lignes pour décrire le sang-froid du numéro 10 des Bleus en demi-finale de l’Euro 2000 contre le Portugal sont étonnantes. « Au milieu de la folie, une personne restait totalement calme. Alors qu’il attendait, les mains sur les hanches, de pouvoir tirer le pénalty, il semblait inconscient du chaos qui régnait autour de lui. “c’est un de mes buts favoris, même si c’était un pénalty, dit Amy Lawrence. Je me souviens que durant les deux ou trois minutes avant qu’il soit tiré et marqué, je regardais seulement Zidane. C’était comme si je le voyais à travers un verre grossissant. Au milieu de ce maelström de chaos, avec des joueurs qui perdaient leurs nerfs, Zidane se tenait comme un maître zen. On aurait dit qu’il méditait. Le contraste entre la tornade qui faisait rage autour de lui et sa concentration était juste incroyable.” 

Témoins d’un moment fondateur

Cet extrait est un bon exemple de la technique narrative de Spiro : alterner plans larges temporels (deux décennies qui relient les deux titres mondiaux des Bleus) et brusques coups de zoom sur des instants suspendus. Comme, évidemment, l’accélération dévastatrice de Kylian Mbappé contre l’Argentine à la neuvième minute du match de Kazan. « Ces quelques secondes furent exaltantes. Pendant les années où j’ai suivi les Bleus, j’ai eu la chance d’être témoin de plusieurs moments extraordinaires : le final héroïque de Zidane contre l’Angleterre en 2004, Thierry Henry éliminant le Brésil en 2006 et ces scènes à Marseille quand Griezmann a assommé l’Allemagne en 2016 étaient inoubliables. Là, c’était différent. Comme les journalistes français autour de moi en tribune de presse sautant sur leur siège, je sentais que nous étions témoins d’un moment fondateur. Peut-être était-ce le début d’une nouvelle ère. »


 

Pour Matthew Spiro, il ne fait aucun doute que Mbappé « veut écrire son nom dans l’histoire du football. Il a déjà fait tomber des dizaines de records de précocité ; mais dans ses yeux, ce n’est que le début. Mbappé a l’intention de suivre les traces des légendes actuelles Messi et Ronaldo, et si possible, d’aller encore plus loin que le duo qui a récolté onze des douze Ballons d’Or entre 2008 et 2019. » Et de conclure : « c’est incontestablement une période passionnante pour les supporters de l’équipe de France. Les jours misérables et sombres de la grève des joueurs, des luttes intestines et du scandale de la sextape semblent désormais bien loin. » Rendez-vous en juillet 2021, à Wembley, contre l’Angleterre ?

[1La traduction est de moi.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal