Série, fais-moi peur

Publié le 17 novembre 2010 - Bruno Colombari

Article initialement publié le 17 novembre 2004 sur le site des Cahiers du football.

On l’oublie souvent, mais les Bleus ont acquis depuis un peu plus de vingt ans une réelle solidité défensive. Le point faible de la sélection, qui aura coûté cher lors de la Coupe du monde en Espagne (douze buts encaissés en sept matches) est devenu son point fort, quels que soient les passages à vide traversés depuis.

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234 matches sans carton

Il faut en effet remonter au 31 août 1982 pour retrouver le dernier match où les Bleus se sont déchirés en défense, avec un 0-4 au Parc des Princes, sept semaines après la demi-finale historique de Séville. Quatrièmes en Espagne, les Bleus entamaient fort mal la préparation de l’Euro 84 qu’ils allaient jouer à domicile. Ce match catastrophe allait d’ailleurs mettre un terme à la (courte) carrière internationale de Jean-Luc Ettori, déjà plus que limite au Mundial. Une sorte de Guivarc’h avec des gants.

Deux cent trente-quatre matches plus tard, les Bleus n’ont jamais fait pire que trois buts encaissés dans la même rencontre, et encore, ça n’arrive pas tous les mois : sept fois en vingt-deux ans ! On se souvient des épisodes récents (2-3 contre les Pays-Bas en 2000 et la Russie en 99). On a déjà oublié les 3-3 contre la Norvège en 98 ou contre la Belgique en 92, ou le 1-3 contre le Danemark en 83 (première sélection de Bats). Plus mémorables : les 2-3 contre la Yougoslavie en 88 (premier match de Platini sélectionneur) et bien sûr contre Israël au Parc en 93, ces deux défaites pesant très lourd dans l’élimination des Bleus aux Coupes du monde 90 et 94.

L’ère du blindage

On peut donc dater assez précisément à octobre 1982 [1] le début de la période « défense renforcée » des Bleus. L’avènement de gardiens de but de niveau mondial (Bats, Barthez) ou international (Martini, Lama), le recentrage de Bossis puis de Battiston, l’éclosion d’Amoros, l’installation de Luis Fernandez au poste de récupérateur allaient contribuer à une solidité défensive qui n’était jusqu’alors pas le souci de Michel Hidalgo.

Même le gros passage à vide de l’automne 86 à l’été 89 (où les Bleus jouaient un peu comme contre les Féroé [2]) n’entamera pas ces nouvelles dispositions. L’arrivée des futurs champions du monde (Deschamps et Blanc en 89, Lizarazu en 92, Desailly en 93, Barthez en 94) a commencé par les lignes défensives, il ne faut pas l’oublier. Et le début de l’ère Jacquet est marqué par une solidité digne de la Brink’s (trente matches sans défaite, dont la moitié à mourir d’ennui [3]) et une audace offensive de premier ministre poitevin.

Du coup, voir un gardien tricolore aller chercher le ballon au fond des filets devient presque aussi fréquent qu’une réévaluation du SMIC horaire. On se souvient par exemple que lors d’un France-Écosse de mars 2002, la seule occasion adverse est venue à la trentième seconde de jeu, sur une passe en retrait de Lebœuf mal négociée par Barthez [4]. Autrement dit, il fallait faire tout le boulot soi-même.

Combien de temps cette série sans déroute défensive durera-t-elle ? Difficile à dire, d’autant que désormais, même les matches à deux buts encaissés se font rares (huit fois en cinquante-neuf matches depuis l’Euro 2000, trois fois en trente-trois matches [5] depuis la Coupe du monde 2002). Et si depuis le début de l’ère Domenech, la défense bleue a parfois frôlé la rupture face aux terribles Férovingiens ou aux redoutables Chypriotes, pour l’instant ça tient. Mais mieux vaut ne pas être superstitieux : pour ce fameux 0-4 concédé le 31 août 1982 à domicile, l’adversaire parlait Polonais...

[1France bat Hongrie 1-0 au Parc

[28 victoires, 11 nuls et 7 défaites, 27 buts marqués en 26 matches

[320 victoires, 10 nuls dont sept 0-0

[4ce dernier avait manqué le ballon qui était sorti à quelques centimètres du poteau

[5République Tchèque 0-2 en février 2003, Turquie 3-2 en juin 2003 et Croatie 2-2 en juin 2004

Mots-clés

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal