Il n’est pas courant de ressentir autant de regrets après avoir éliminé en adversaire en Coupe du monde. Pourtant, ce 21 juin 1986 dans un Jalisco brûlé par le soleil du Mexique, les Bleus n’ont pas fait que se qualifier pour le dernier carré de la Coupe du monde : ils ont éjecté le grand Brésil et mis un terme aux carrières internationales de Zico, Socrates et Telê Santana.
Rossi et Bats, briseurs de rêve
L’homme au prénom cathodique et au patronyme de guitariste local (Carlos Santana est né à 200 kilomètres de Guadalajara, à Autlan de Navarro) est sans doute un des plus grands sélectionneurs brésiliens, mais il n’a rien gagné avec la Seleçao. C’est évidemment injuste tant avec lui les Auriverde des années 1980 ont fait chavirer les coeurs des amateurs de foot du monde entier, mais c’est ainsi : Paolo Rossi a planté trois banderilles, la dernière fatale, dans la fournaise du stade Sarria de Barcelone le 5 juillet 1982. Et Joël Bats était imbattable dans la cage des Bleus quatre ans plus tard.
Ancien milieu de Fluminense dans les années 50 (aux côtés du champion du monde Didi), il entraîne l’Atletico Mineiro, le Gremio de Porto Alegre et Palmeiras avant d’être nommé sélectionneur du Brésil en 1980 après l’échec (relatif) de Claudio Coutinho. Là, il construit une nouvelle équipe autour de Socrates, Junior et Eder, bat la RFA 4-1 au Mundialito de janvier 1981 en Uruguay, qualifie sans problème la Seleçao pour la Coupe du monde en Espagne (quatre victoires contre le Venezuela et la Bolivie dans un groupe à trois) et entame une tournée européenne.
Les Brésilochats en démonstration au Parc devant Pelé
En une semaine, en mai 1981, le Brésil l’emporte à Wembley 1-0, à Stuttgart contre la RFA 2-1 et entre les deux au Parc contre la France 3-1. C’est à cette occasion, et alors que Pelé reçoit une statuette le désignant sportif du siècle, qu’il croise pour la première fois la route des Bleus, lesquels, privés de Giresse, Battiston, Platini, Larios et Rocheteau, font ce qu’ils peuvent, mais sont dépassés en technique, en vitesse, en puissance et donc au score (1-3, buts de Zico, Reinaldo et Socrates). C’est le première défaite à domicile de l’équipe de France depuis six ans, et Jacques Thibert, subjugué par le spectacle, parle de « Brésilochats en caoutchouc, se promenant, accélérant, rebondissant, jouant à l’infini de toutes leurs surfaces de contact. »
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Quant arrive la Coupe du monde 1982, ce Brésil-là est forcément favori, même s’il manque de se faire piéger d’entrée par l’URSS (2-1), avant de dérouler sa magie face à l’Ecosse (4-1) et la Nouvelle-Zélande (4-0). Au second tour, le score claque encore contre l’Argentine de Maradona (3-1) mais l’aventure s’arrête brutalement face à une Italie ultra réaliste (2-3).
Préféré à Zagallo pour retourner au Mexique
Exit Santana, qui part deux ans à Al Ahly, en Arabie Saoudite. En juin 1985, le voilà de retour quand commencent les choses sérieuses, la qualification pour le Mundial mexicain, alors que Mario Zagallo (sélectionneur des champions du monde 1970) était pressenti pour le poste. Santana rajeunit les cadres avec Josimar, Julio Cesar, Alemao, Branco, Elzo et surtout Careca, qu’il n’avait pu aligner en 1982 pour cause de blessure. Edinho, Zico, Socrates, Junior et Falcao sont toujours là, et quand arrive le quart de finale contre l’équipe de France, ils viennent d’enchaîner quatre victoires, neuf buts marqués, aucun encaissé.
Cette deuxième confrontation est magnifique. On aurait tellement aimé la voir quatre ans plus tôt, en finale à Madrid, mais elle est là, et si le carré de stars Giresse-Platini-Socrates-Zico n’est plus ce qu’il était, ça fuse de partout, tel un feu d’artifice en plein jour baigné d’étincelles jaunes, vertes, bleues et rouges. Et comme, quel dommage, il fallait un vainqueur, le sort désigna la France malgré une domination incontestable du Brésil (vingt-quatre tirs, onze cadrés, deux poteaux, plus un autre aux tirs au but) et une malchance crasse des hommes de Telê Santana, comme le prouve ce coup de billard poteau-tête de Carlos-but sur le pénalty frappé par Bellone.
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Un doublé magnifique en club en 1992 et 1993 contre Cruyff et Sacchi
Sorti en quart de finale et écarté du dernier carré, comme quatre ans plus tôt, le Brésil vit un drame (7 morts, 2000 personnes aux urgences suite à la défaite) et Santana s’en va. Il ne reviendra pas. Mais ce qu’il a échoué à faire en sélection avec Socrates, il va y parvenir en club avec le Sao Paulo FC de Rai : Copa Libertadores en battant les Argentins du Newell’s Old Boys puis Coupe intercontinentale contre le FC Barcelone de Cruyff en 1992, Copa Libertadores contre les Chiliens d’Universidad Catolica puis Coupe intercontinentale face au Milan de Sacchi en 1993.
Son état de santé se dégrade depuis une attaque cardiaque en 1996 : il souffre de diabète, doit être amputé d’une partie de la jambe gauche et entre à l’hôpital Felicio Rocha de Belo Horizonte le 25 mars 2006. Les poumons, les reins et le foie sont atteints. Il décède le 21 avril, quelques semaines avant que l’équipe de France, une nouvelle fois, n’élimine le Brésil en quart de finale de Coupe du monde à Francfort. il avait 74 ans.