Quel sera le scénario de la demi-finale de Marseille jeudi ? A partir des neuf précédentes entre 1958 et 2006, on peut dégager trois tendances possibles. La quatrième, qui serait inédite, consisterait en une victoire sereine, sans suspense, au terme d’un match globalement maîtrisé. Pour l’instant, on n’a pas ça en magasin. A défaut, on vous propose une variante 2016 pour chaque scénario ci-dessous. Mais bien sûr, la réalité sera bien différente...
1. L’improbable remontada (Yougoslavie 1960, Portugal 1984, Croatie 1998)
6 juillet 1960, Paris, Parc des Princes. Pour la première édition du championnat d’Europe des Nations, l’équipe de France est dans le dernier carré et organise le mini-tournoi à quatre. Son adversaire en demi-finale est la Yougoslavie, vieille connaissance des Bleus. Sans Fontaine, Kopa et Piantoni, l’équipe de France est cueillie à froid par un but de Milan Galic (11e), mais réagit aussitôt par Jean Vincent (12e) et prend l’avantage avant la mi-temps (François Heutte, 43e). En deuxième période, Maryan Wisniewski donne deux buts d’avance aux Bleus (52e). Les Yougoslaves réagissent vite par Ante Zanetic (55e) mais François Heutte porte le score à 4-2 (62e). Arrive alors les trois minutes cataclysmiques du gardien Georges Lamia, directement impliqué dans les trois buts de Tomislav Knez (75e) et de Drazen Jerkovic (77e, 78e). 4-5.
23 juin 1984, Marseille, stade vélodrome. L’attaque des Bleus est en feu dans cet Euro à domicile, mais la défense a plié deux fois contre la Yougoslavie quatre jours plus tôt. Dans le Mistral qui balaie la pelouse, les Bleus jouent une heure de très haut niveau, et c’est un miracle si le score n’est que de 1-0 (Jean-François Domergue, 25e) quand approche le dernier quart d’heure. C’est alors que Jordao loge de la tête le ballon dans la lucarne de Bats et que les Portugais mettent le main sur le match. Ils prennent l’avantage en prolongations (Jordao, 98e) et Nene a même une balle de 1-3 que Bats sauve en duel. Poussés par un public en transes, les Bleus assiègent alors le but de Bento, égalisent sur un coup de billard (Domergue, 115e) et arrachent littéralement la victoire sur une percée rageuse de Tigana et un centre en retrait pour Platini qui prend son temps pour marquer son huitième but du tournoi (119e, 3-2).
8 juillet 1998, Saint-Denis, Stade de France. La Croatie a sorti l’Allemagne en quarts et n’est évidemment pas favorite au coup d’envoi contre une équipe de France qui monte en puissance. Pourtant, les Bleus sont dominés en première période, et à peine de retour des vestiaires, ils encaissent un but de Davor Suker (46e) servi par Aliocha Asanovic dans le dos d’une défense où Lilian Thuram est mal aligné. Les Croates n’ont pas le temps de savourer que Thuram monte, contre Boban, trouve Djorkaeff en une-deux et ajuste Ladic de près (47e). Ce but libère les Français et Liliant Thuram monte encore à la 70e, récupère un ballon à l’entrée de la surface et enroule une frappe du pied gauche au ras du poteau opposé. Laurent Blanc est exclu quatre minutes plus tard, et les Bleus, réduits à dix, tiennent bon (2-1).
La variante 2016 :
Quand Antoine Griezmann dribble Manuel Neuer dès la 3e minute, on se dit que ça ne pouvait pas mieux commencer pour les Bleus. Pourtant, Götze et Özil redonnent l’avantage à la Mannschaft avant la mi-temps (36e et 42e). Hugo Lloris est sauvé par sa barre sur une tête de Muller (53e) et Kroos met un pénalty au-dessus après une main d’Evra (72e), puis Moussa Sissoko emporte tout sur son passage et trouve la lucarne de Neuer (83e) avant qu’Olivier Giroud ne réussisse une bicyclette sur un service de Payet (88e). Victoire 3-2.
2. Des pénos sinon rien (RFA 1982, République tchèque 1996, Portugal 2006)
8 juillet 1982, Séville, stade Sanchez Pizjuan. La RFA, championne du monde en titre, est favorite face à des Bleus qui ont souffert contre l’Angleterre avant de bénéficier d’un second tour facile. Pierre Littbarskki ouvre le score (18e), mais Michel Platini égalise très vite (27e, sur pénalty). Dès lors, l’équipe de France a le match en main et se crée de nombreuses occasions, malgré la sortie de Bernard Genghini (50e) et la blessure de Patrick Battiston (60e). La prolongation est un soulagement pour la RFA alors que Manuel Amoros a trouvé la barre (89e). Puis, double coup de théâtre avec les buts de Marius Trésor (92e) et Alain Giresse (99e) qui plonge les Bleus dans l’euphorie. Karl-Heinz Rummenigge, qui vient de rentrer, jette un seau d’eau froide sur tout ça (102e) et Klaus Fischer profite des largesses défensives françaises pour égaliser (110e, 3-3). La RFA l’emporte aux tirs au but, les premiers de l’histoire de la coupe du monde (5-4), après un échec d’Ulrich Stielike compensé par ceux des gauchers Didier Six et Max Bossis [1].
26 juin 1996, Manchester, Old Trafford. Devant des tribunes à moitié vides et sous un soleil estival, l’équipe de France, rincée par un quart de finale irrespirable contre les Pays-Bas (0-0, 5-4 aux tirs au but), est affaiblie par l’absence de Didier Deschamps. Le match est fermé et sans intérêt, de même que les prolongations, malgré la nouvelle règle du but en or (0-0). Il faut donc se départager à nouveau aux tirs au but. Comme au tour précédent, Zidane, Djorkaeff, Lizarazu, Guérin et Blanc sont désignés et marquent. Mais Raynald Pedros, le sixième tireur, échoue alors que Bernard Lama ne fait pas de miracle (5-6).
5 juillet 2006, Munich, Allian Arena. Le Portugal de Luis Figo, Deco et Cristiano Ronaldo inquiète, mais après tout les Bleus viennent de sortir l’Espagne et le Brésil. Le match est fermé, d’autant que plusieurs français sont sous le coup d’une suspension pour la finale en cas de carton jaune. Thierry Henry va trop vite pour Ricardo Carvalho qui le crochète à la demi-heure de jeu. Zinedine Zidane transforme le pénalty comme six ans plus tôt, et même s’il reste une heure, les Bleus tiendront grâce notamment à son duo Vieira-Makelele, à la défense centrale Thuram-Gallas et à Fabien Barthez.
La variante 2016 :
Kroos ayant répondu à Pogba dans le temps réglementaire (1-1) et la prolongation n’ayant rien donné, tout se jouera donc aux tirs au but. Muller manque le sien, Matuidi aussi. Boateng trouve Lloris sur la trajectoire et c’est Adil Rami, dernier tireur, qui place une frappe surpuissante sous la barre de Neuer. La Goal Line Technology confirme que le ballon a franchi la ligne avant de frapper à nouveau la barre et de ressortir.
3. Une course avec handicap (Brésil 1958, RFA 1986, Portugal 2000)
24 juin 1958, Solna, Rasunda Stadion. C’est un match qui laissera d’énormes regrets à la génération Kopa, car personne ne sait comment il se serait fini si les Français avaient joué à onze toute la rencontre. Vava marque d’entrée (2e) pour le Brésil, mais Just Fontaine égalise aussitôt (9e) et les deux équipes font jeu égal jusqu’à la blessure de Robert Jonquet par Vava (26e). Didi donne l’avantage aux Brésiliens (39e) d’une frappe lointaine, et le handicap est trop fort pour les Bleus qui s’écroulent en deuxième mi-temps avec trois buts de Pelé (52e, 64e, 75e). Roger Piantoni sauvera l’honneur (82e, 2-5) [2].
25 juin 1986, Guadalajara, stade Jalisco. La revanche de Séville arrive trop tard pour les Bleus, toujours pas remis de l’immense France-Brésil quatre jours plus tôt au même endroit. Face à des Allemands pourtant prenables et qui mettent des coups d’entrée, Joël Bats fait une faute de main sur un coup-franc d’Andreas Brehme (9e). C’est le pire scénario possible. Alain Giresse est lessivé, Michel Platini s’énerve, Max Bossis tire au-dessus de la cage vide, tout tourne à l’envers. Rudi Völler enterre définitivement le carré magique français à la 89e sur un contre fatal (0-2).
28 juin 2000, Bruxelles, Stade du Roi-Baudouin. Champions du monde en titre, les Bleus partent favoris face au Portugal mais encaisse très vite un but par Nuno Gomes suite à une erreur de Deschamps (19e). Il faut attendre le début de la seconde période pour voir l’équipe de France revenir dans le match grâce à Henry (52e), mais plus rien n’est marqué jusqu’à la prolongation car Fabien Barthez a sauvé une tête à bout portant d’Abel Xavier. C’est le même défenseur qui sera sanctionné d’une faute de main dans la surface à la 115e minute. Zinedine Zidane transforme le pénalty qui est aussi un but en or et qui termine le match (2-1).
La variante 2016 :
Hummels et Varane ne sont pas là, mais c’est Höwedes qui vient couper la trajectoire d’un centre de Özil devant Rami à la 8e. Les Bleus courent après le score et se font contrer avant la pause par Draxler, lancé par Kroos (44e). Dimitri Payet trouve la lucarne sur un coup-franc à 20 mètres (65e), mais les Allemands confisquent le ballon et l’emportent (2-1).