Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli.

Quand Jacques Prévert écrit ces lignes, mises en musique par Joseph Kosma et chantées par Yves Montand en 1950, Michel Platini n’était même pas né. C’est pourtant lui qui rendra populaire la feuille morte chez les footeux, cette folha seca importée du Brésil : une technique de frappe de coup-franc où la balle, après avoir contourné le mur adverse, retombe hors de portée du gardien plutôt que se perdre dans les tribunes.

Quand Platini faisait le mur

Deux de ces coups-francs sont entrés dans la postérité pour avoir été marqués lors de matches décisifs qui ouvraient aux Bleus les portes d’une Coupe du monde. En novembre 1981 contre les Pays-Bas, et quatre ans plus tard contre la Yougoslavie, le 38ème but de Platini en équipe de France, et son dernier sur coup-franc.

Pour compléter le tableau, on se doit d’ajouter le deuxième but inscrit en novembre 1977 contre la Bulgarie, sur une action de jeu cette fois.

1977, 1981, 1985 : on tient là les grands moments de l’histoire de l’équipe de France en novembre, auxquels il faut ajouter évidemment la qualification de 2013 en barrage contre l’Ukraine, qui a lancé la génération Deschamps championne du monde cinq ans plus tard, et le quadruplé de Mbappé contre le Kazakhstan en 2021.

Seulement cinq avant la deuxième guerre

Les matches en novembre apparaissent tôt dans l’histoire des Bleus, même si on n’en compte que cinq avant la deuxième guerre mondiale. Avec une particularité, la fréquence des rencontres disputées le 11 novembre, puisqu’on en compte 16 sur 101. Le premier remonte à 1924 (contre la Belgique, qui sera souvent convoquée à cette occasion) et c’est dans les années cinquante-soixante que la tradition s’impose avec dix matches joués pour l’Armistice entre 1952 et 1966. Aucun de ceux-ci n’a opposé la France à l’Allemagne.

Avec plus de la moitié de victoires, le mois de novembre est plutôt favorable aux Bleus, même si depuis le 21è siècle, sur les 24 dernières années donc, l’équipe de France y a été souvent accrochée avec 5 défaites (Ukraine 2013, Angleterre 2015, Pays-Bas 2018, Finlande 2020 et Tunisie 2022) et 13 nuls pour 24 victoires tout de même.

A l’opposé, pendant les années soixante il ne valait mieux pas mettre un international français dehors lors du onzième mois de l’année : quatre défaites (Bulgarie, Hongrie, Belgique et Norvège) contre trois victoires (dont deux contre le Luxembourg, ça aide) et un nul (face à la Suisse). mais il est vrai qu’à cette époque, la météo des Bleus était maussade toute l’année.

Au rayon des mauvais souvenirs, on rangera bien entendu le France-Bulgarie 1993 (1-2) mais aussi un Allemagne-France calamiteux en novembre 1980 à Hanovre, où la RFA de Kaltz, Briegel et Hrubesch avait sévèrement corrigé une équipe de France en transition (1-4). Les défaites en début de parcours qualificatif contre la Norvège en novembre 1968 à Strasbourg (0-1) et l’Irlande à Dublin quatre ans plus tard allaient quant à elles ruiner les chances de qualification pour les Mondiaux mexicain et allemand.

En 2009, les Bleus allaient éliminer l’Irlande justement en barrage retour, mais c’était une victoire (ou plutôt un nul, après une victoire à Dublin) à la Pyrrhus : la désormais légendaire main de Thierry Henry amenant le but qualificatif de William Gallas en prolongations plongera l’équipe de France dans une dynamique négative qui explosera huit mois plus tard à Knysna.

Pour la première fois de son histoire, novembre a accueilli un premier tour de Coupe du monde en 2022. Avec deux victoires décisives pour la qualification et une défaite (sans conséquence) contre la Tunisie. C’était un an après un quadruplé de Kylian Mbappé contre le Kazakhstan (8-0 en 2021) et un an avant la victoire record face à Gibraltar à Nice (14-0 en 2023).

Si l’on regarde maintenant plus en détail les matches amicaux, le bilan est moins bon : presque autant de nuls (17) que de victoires (23), même si les défaites ne sont pas fréquentes (11). Les Anglais ont déjà battu les Bleus à Londres en novembre. C’était en 1957 et ça c’était terminé par un 0-4. A l’inverse, cinq victoires ont été acquises à l’extérieur en novembre : contre le Portugal à Lisbonne en 1947 (4-2), contre la Belgique à Bruxelles en 1970, contre les Pays-Bas à Rotterdam en 1982, contre la Turquie à Istambul en 2000 (4-0) et, le meilleur pour la fin, contre l’Allemagne à Gelsenkirchen en 2003. Ce soir-là, dans le superbe Arena Aufschalke, les Bleus réussissent un des plus beaux matches de leur histoire, avec un trio infernal Zidane-Henry-Trezeguet qui va mettre au supplice Oliver Kahn (3-0).

Les débutants et les finissants en novembre

Ils sont 91 à avoir fait leurs débuts lors de l’avant-dernier mois de l’année, en plein coeur de la saison de football. Parmi eux, Warren Zaïre-Emery (2023), Mattéo Guendouzi (2021), Benjamin Pavard (2017), Kingsley Coman (2015), Olivier Giroud et Laurent Koscielny (2011), Hugo Lloris (2008), Florent Malouda (2004), Willy Sagnol (2000), Bixente Lizarazu et Christian Karembeu (1992), Luis Fernandez (1982) ou Roger Piantoni (1952).

Les sortants sont 81, comme Steve Mandanda (2022), Patrice Evra (2016), Eric Abidal (2013), Sylvain Wiltord (2006), Stéphane Guivarc’h (1999), Joël Bats (1989), Jean Tigana (1988) ou Raymond Kopa (1962).

Oh ! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois, je n’ai pas oublié...

Les 101 matchs de l’équipe de France joués en novembre