Le samedi 11 juin 1966 à Cannes, c’est la dernière journée du championnat et le FC Nantes, assuré de conserver son titre, déroule. L’hôte cannois est sur le point de rejoindre la deuxième division et subit la loi des Canaris en encaissant un sévère 6-1. Philippe Gondet, le meilleur buteur de la saison, inscrit quatre buts, mais en célébrant l’un d’eux, le gardien Daniel Éon bondit de joie et retombe mal : rupture du tendon d’Achille. Le gardien nantais voit se briser son rêve de s’envoler en Angleterre avec les Tricolores pour la World Cup.
Des Nantais à Moscou
Daniel Éon vient d’honorer, six jours plus tôt, sa première sélection. Après deux rencontres avec l’équipe de France B au printemps 1966, il est convoqué par Henri Guérin pour le dernier match des tricolores avant la World Cup. La rencontre se déroule à Moscou, au stade Lénine, devant 102.000 spectateurs. Daniel Éon fait partie des quatre Nantais qui composent cette équipe de France aux côtés du défenseur Robert Budzynski et des attaquants Bernard Blanchet et Philippe Gondet.
Ce sont ces deux derniers qui ouvrent le score et donnent une avance de deux buts après vingt minutes de jeu. Le Soviétique Metreveli parviendra à battre Daniel Éon quelques minutes plus tard et à ramener le score à 1-2 pour la mi-temps. En seconde période, Banichevski et Tchislenko ont raison du gardien nantais en moins de deux minutes mais le Valenciennois Bonnel égalise pour la France en fin de rencontre.
Malgré les trois buts encaissés, Daniel Éon a été brillant et se positionne pour la World Cup anglaise. France-Football, sous la plume de Jean-Philippe Réthacker, le décrit comme “sobre, avisé dans ses sorties et calme. Sûr dans ses interventions aériennes”. Il est convoqué pour le stage de l’équipe de France en Écosse, aux côtés du Lyonnais Marcel Aubour et du Strasbourgeois Johnny Schuth. On lui promet même une place de titulaire. Mais la blessure de Cannes met fin à son rêve. C’est Marcel Aubour qui gardera les buts tricolores en Angleterre, alors que Georges Carnus, du Stade Français, a été appelé en remplacement de l’infortuné Nantais.
Le gardien de Fontaine
Daniel Éon est immobilisé pendant six mois par sa blessure. Il retrouve les terrains en janvier 1967 avec le FC Nantes, puis il est appelé en équipe de France par le nouveau sélectionneur Just Fontaine. L’ancien buteur a une telle confiance envers le gardien nantais qu’il lui confie le brassard de capitaine. L’équipe de France doit rencontrer la Roumanie au Parc des Princes, mais elle dispute un mois plus tôt une rencontre amicale contre une sélection de Corse. Un match censé être un galop d’entraînement mais qui tourne à la déroute, Daniel Éon encaissant un but après seulement deux minutes. Le gardien nantais sera remplacé à la pause par Georges Carnus qui quant à lui encaissera le deuxième but.
Le match contre la Roumanie se passe à peine mieux. Après un quart d’heure de jeu, le gardien nantais est surpris par une frappe excentrée de Fratila et encaisse un but qu’on peut qualifier d’idiot. Il sera remplacé par Carnus à la mi-temps, mais celui-ci, comme devant la Corse, ne pourra empêcher la défaite (1-2).
Une nouvelle rencontre est prévue contre l’URSS en juin, avec un match de préparation disputé quinze jours plus tôt à Rouen contre le club de Hanovre, réputé pour pratiquer le béton. Un curieux match qui démarre plutôt bien : la France mène 2-0 à la pause, buts de Simon (4’) et Gondet (27’). Mais la deuxième période tourne à la catastrophe quand les Allemands reviennent au score. Le match se termine sur un score échevelé (3-3) qui ne rassure personne.
La peau de l’URSS
Le 3 juin 1967 au Parc des Princes, Daniel Éon retrouve l’URSS quasiment un an jour pour jour après sa première sélection. Le scénario du match est d’ailleurs similaire à celui de Moscou. Les Français font un début de match admirable et mènent 2-1 à la pause grâce à deux réalisations nantaises (Gondet, 11’ et Simon, 45’). Mais la deuxième mi-temps tourne à la Bérézina et les Soviétiques l’emportent 4-2. Le gardien nantais a fait preuve de fébrilité tout comme ses défenseurs. Le sélectionneur Just Fontaine sera démis de ses fonctions, et son gardien-capitaine jeté avec l’eau du bain. Daniel Éon n’aura connu que trois sélections en équipe de France, laissant Marcel Aubour et Georges Carnus se disputer le poste.
A vrai dire, Daniel Éon n’a jamais retrouvé son niveau d’avant-blessure. Même le FC Nantes ne renouvelle pas son contrat à la fin de la saison 1967/68, le contraignant à mettre un terme à sa carrière professionnelle alors qu’il n’a que 29 ans. On le retrouvera en amateur à Ancenis puis à Saint-Nazaire où il jouera encore de longues années. C’est avec plaisir qu’il verra son successeur Jean-Paul Bertrand-Demanes garder les buts de l’équipe de France lors du mondial argentin. Il donnera également quelques conseils à Mickaël Landreau, troisième gardien nantais appelé chez les Bleus. Daniel Éon est décédé le 15 mars 2021 à 81 ans.
Cinq matchs, trois sélections, zéro victoire
Sel | Match | Date | Lieu | Adversaire | Score | Tps Jeu | Notes |
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France B | 20/03/1966 | Bordeaux | Maroc | 2-2 | 90 | ||
France B | 20/04/1966 | Tournai | Belgique B | 1-1 | 90 | ||
1 | Amical | 05/06/1966 | Moscou | URSS | 3-3 | 90 | |
N/O | 28/02/1967 | Marseille | Sélection de Corse | 0-2 | 45> | ||
2 | Amical | 22/03/1967 | Paris | Roumanie | 1-2 | 45> | (cap) |
N/O | 17/05/1967 | Rouen | Hanovre 96 | 3-3 | 45> | ||
3 | Amical | 03/06/1967 | Paris | URSS | 2-4 | 90 | (cap) |