Le match qualificatif pour la Ligue des Nations perdu contre la Croatie le 13 juin 2022 (0-1) n’est que la dix-huitième défaite des Bleus à domicile en 153 matches de compétition, mais la deuxième d’affilée à Saint-Denis après celle concédée face au Danemark dix jours plus tôt (1-2). Il y e a eu cinq en phase finale, celle face au Portugal en juillet 2016 en finale de l’Euro (0-1) venant après celles contre l’Uruguay en 1924 lors des Jeux olympiques de Paris (1-5), l’Italie en quart de finale de la coupe du monde 1938 (1-3), la Yougoslavie en demi-finale du premier championnat d’Europe des Nations en 1960 (4-5) suivie d’une autre trois jours plus tard contre la Tchécoslovaquie pour la troisième place (0-2).
Le bilan des Bleus à domicile et en compétition est très bon puisqu’ils ont remporté 110 matches (72% du total) pour 25 nuls et donc 18 défaites. Il est même meilleur que le bilan global à domicile (amicaux et matchs de compétition confondus), qui compte seulement 267 victoires en 459 rencontres (58%) et pas moins de 103 défaites (22%). La raison est facile à comprendre : la plus mauvaise période historique des Bleus est celle qui va de 1904 à 1942, et elle est composée quasi-exclusivement de matchs amicaux. Il faudra attendre les débuts du Championnat d’Europe des Nations, en 1960, pour que les rencontres de compétition deviennent fréquentes. Aujourd’hui la tendance s’est complètement inversée : il n’y a presque plus de matchs amicaux (deux ou trois par an, et pas tous les ans), et les Bleus sont bien plus forts en compétition.
L’Uruguay 1924 et l’Italie 1938, hors de portée
Revenons maintenant aux dix-huit défaites en compétition. Avant la deuxième guerre mondiale, il n’y en a eu que deux, celles contre l’Uruguay en 1924 et dont nous avons parlé ici [1] et celle en quart de finale 1938 contre l’Italie, championne du monde en titre. Rien d’illogique, les Bleus étant largement inférieurs à leur adversaire qui sera titré, avec la médaille d’or pour l’Uruguay en 1924 et le trophée Jules-Rimet pour l’Italie.
Le fameux trou noir des années soixante a apporté les quatre défaites suivantes à domicile, avec le fameux et rocambolesque doublé en 1960 [2], suivi d’un échec cuisant en quart de finale (qui se jouait au printemps avant le tournoi final à quatre en juin) le 25 avril 1964 à Colombes contre la Hongrie, l’affaire étant pliée au bout d’un quart d’heure par les coéquipiers de Florian Albert (1-3). Le sélectionneur Georges Verriest démissionnera trois mois plus tard. Le second, quatre ans plus tard, symbolise le fond du trou atteint par les Bleus en ouverture des qualification pour le Mondial mexicain : le 6 novembre 1968 à Strasbourg, la Norvège l’emporte 1-0 sur sa seule occasion de but. La défaite ouvrira une crise à la Fédération qui emportera le sélectionneur Louis Dugauguez en mars 1969.
Trois ans plus tard à Colombes, ce sont les Hongrois qui reviennent s’imposer (0-2) en contre, compromettant gravement les chances de qualification française pour les quarts de finale du championnat d’Europe 1972. Une défaite à Sofia en décembre règlera définitivement la question.
Avant la chute du Mur
Il faudra attendre quinze ans pour voir les Bleus s’incliner à domicile en compétition, en notant au passage que Michel Hidalgo ne l’aura jamais fait pendant ses huit années de mandat. Ce sera quelques mois après le Mundial mexicain, en octobre 1986 contre la grande équipe d’URSS de Belanov et Zavarov, en démonstration au Parc contre une défense Jeannol-Boli en perdition (0-2) [3]. La décennie Platini était terminée, ce que confirmera une nouvelle défaite un an plus tard contre une RDA pourtant pas impressionnante (0-1, but encaissé à la dernière minute), mais les Bleus étaient déjà éliminés de l’Euro 1988 depuis cinq mois.
Six ans après, c’est l’invraisemblable enchaînement des deux défaites consécutives contre Israël (2-3) et la Bulgarie (1-2) qui élimine l’équipe de Gérard Houllier pourtant idéalement placée pour aller aux Etats-Unis en 1994 [4] Les Bleus menaient pourtant 2-1 à sept minutes de la fin lors du premier match, et tenaient le nul à vingt secondes du coup de sifflet final dans le second. Là encore, le sélectionneur quittera son poste quelques semaines plus tard.
Quatre défaites en dix ans
L’équipe de France s’est inclinée six fois à domicile lors des quinze dernières années (depuis 2007) alors qu’elle ne l’avait plus fait pendant 14 ans, soit à peu de chose près la période Barthez-Zidane (1994-2006). Les trois premières ont été sans conséquence pour la qualification : en septembre 2007 contre l’Ecosse au Parc des Princes (0-1), trois ans plus tard face à la Biélorussie au Stade de France (0-1) et en mars 2013 contre l’Espagne à Saint-Denis (0-1). La suivante, évidemment, date du 10 juillet contre le Portugal, et là, elle vaut très cher puisqu’elle coûte un titre européen qui semblait acquis aux Bleus. Et les deux dernières, en juin 2022, on entraîné l’élimination de la Ligue des Nations (la France était la tenante du titre) dès la phase de poules. Mais ça avait beaucoup moins d’importance qu’un échec en Coupe du monde ou en Championnat d’Europe.
Moins de défaites quand ça compte
Grâce aux graphiques ci-dessous, on voit bien que les Bleus sont bien plus efficaces en compétition qu’en amical quand ils jouent à la maison, même s’il faut moduler cette statistique par le fait que la moitié de ces défaites amicales datent d’avant-guerre. Ils comptent un peu plus de sept victoires sur dix dans les matches à enjeu, contre tout juste la moitié dans les rencontres amicales.
Le tableau des 18 défaites en compétition
# | Genre | Date | Ville | Adversaire | score |
---|---|---|---|---|---|
886 | qLN | 13/06/2022 | Saint-Denis | Croatie | 0-1 |
883 | qLN | 03/06/2022 | Saint-Denis | Danemark | 1-2 |
810 | Euro | 10/07/2016 | Saint-Denis | Portugal | 0-1 |
765 | qCM | 26/03/2013 | Saint-Denis | Espagne | 0-1 |
731 | qEuro | 03/09/2010 | Saint-Denis | Biélorussie | 0-1 |
692 | qEuro | 12/09/2007 | Paris (Parc) | Ecosse | 0-1 |
578 | qEuro | 05/06/1999 | Saint-Denis | Russie | 2-3 |
516 | qCM | 17/11/1993 | Paris (Parc) | Bulgarie | 1-2 |
515 | qCM | 13/10/1993 | Paris (Parc) | Israël | 2-3 |
467 | qEuro | 18/11/1987 | Paris (Parc) | RDA | 0-1 |
460 | qEuro | 11/10/1986 | Paris (Parc) | URSS | 0-2 |
336 | qEuro | 09/10/1971 | Colombes | Hongrie | 0-2 |
318 | qCM | 06/11/1968 | Strasbourg | Norvège | 0-1 |
287 | qEuro | 25/04/1964 | Colombes | Hongrie | 1-3 |
261 | Euro | 09/07/1960 | Marseille | Tchécoslovaquie | 0-2 |
260 | Euro | 06/07/1960 | Paris (Parc) | Yougoslavie | 4-5 |
149 | CM | 12/06/1938 | Colombes | Italie | 1-3 |
61 | JO | 01/06/1924 | Colombes | Uruguay | 1-5 |