Le Grand-Duché du Luxembourg a découvert le football en même temps que la Belgique et les Pays-Bas, à la fin du XIXe siècle, mais ne l’a pas développé aussi rapidement que ses voisins. Il faut dire que le pays ne compte que 260.000 habitants (chiffres de 1910) et que son sol dépasse à peine les 2.500 km².
Première du Luxembourg
Malgré tout, la fédération luxembourgeoise a été créée en 1908. Elle rejoint la FIFA en 1910 et monte son équipe nationale ce 29 octobre 1911, où elle reçoit l’équipe de France. C’est un événement pour les Luxembourgeois et ils sont plus de 4.000 spectateurs à avoir pris place dans le petit stade du Racing Club, futur stade Achille-Hammerel situé dans le quartier de Bonnevoie-Nord / Verlorenkost. Le journaliste de L’Auto dénombre quelques Français provenant de la Moselle voisine de même que des spectateurs belges probablement venus d’Arlon.
L’équipe de France n’est pas fâchée d’être opposée à une formation potentiellement plus faible. Car il s’agit de mettre fin à une terrible série de quinze rencontres sans la moindre victoire. L’époque est on ne peut plus troublée et l’équipe de France subit malgré elle les soubresauts de la bataille que se livrent les fédérations. Depuis la fin des Jeux olympiques de 1908 à Londres, le CFI, comité français interfédéral, est devenu aux yeux de la FIFA la fédération de référence après que l’USFSA ait cru bon de démissionner.
Mais le CFI a beau avoir remplacé la quasi-totalité des joueurs, l’équipe de France ne gagne plus. Les défaites s’enchaînent sur des scores sans ambiguïté et même un 2-2 concédé face à l’Italie à Saint-Ouen rassure peu les observateurs.
Première Marseillaise pour les Tricolores
Pour la rencontre à Luxembourg, l’équipe de France doit faire face à plusieurs forfaits, ce qui la contraint à sélectionner cinq nouveaux : Pierre Chayriguès, jeune gardien du Red Star (19 ans), Maurice Bigué, défenseur du CA Paris (25 ans), Paul Romano, défenseur de l’Étoile des Deux Lacs (28 ans), Henri Viallemonteil, attaquant du CA PAris (19 ans) et l’attaquant Félix Vial qui, à 17 ans, 2 mois et 15 jours, devient le plus jeune joueur de l’histoire de l’équipe de France. Celui-ci est appelé alors qu’il n’a disputé qu’un seul match de championnat avec le CA Vitry.
Les joueurs de l’équipe de France entrent sur la pelouse sur l’air de la Marseillaise jouée par une fanfare, celle de l’harmonie de la Faïencerie de Septfontaines. Il semble bien que c’est la première fois que l’hymne français est joué à l’occasion d’un match de l’équipe de France.
L’équipe luxembourgeoise est composée des joueurs des trois plus grands clubs du pays : le Racing, le Sporting et l’Union Sportive Hollerich [1]. La rencontre est arbitrée par le Belge Raphaël Van Praag, alors âgé de 26 ans.
Dès le coup d’envoi, les Luxembourgeois s’emparent du ballon et dominent une équipe française aux abois, si bien qu’à la fin du premier quart d’heure, Emile Kuborn ouvre le score. L’attaquant du Racing Luxembourg devient ainsi le premier buteur de l’histoire de la sélection du Grand-Duché. Tout heureux de leur réussite, les Luxembourgeois poursuivent leur domination et ne sont pas loin d’inscrire un deuxième but.
Première victoire depuis plus de trois ans
Mais les Tricolores (ils jouent avec un maillot rayé bleu et blanc à parements rouges) vont se reprendre. Après un premier but refusé pour hors-jeu, la France parvient à égaliser à la 26e minute par le débutant Henri Vialmonteil. Six minutes plus tard, le capitaine Louis Mesnier donne l’avantage aux Tricolores (2-1).
Le jeu n’en reste pas moins très équilibré. Les Luxembourgeois se créent plusieurs occasions mais Pierre Chayrigues fait bonne garde et le score reste à 2-1 à la pause. En seconde période, les joueurs du Grand-Duché accusent la fatigue et provoquent beaucoup de fautes. Les Français quant à eux se montrent de plus en plus menaçants et font briller le gardien luxembourgeois Alphonse Weicker.
Il faut toutefois attendre la 80e minute pour voir Louis Mesnier inscrire le troisième but français sur penalty, son deuxième de l’après-midi. Cinq minutes plus tard, Ernest Gravier inscrit un quatrième but qui scelle définitivement la victoire des Français (4-1). La première depuis plus de trois ans.
Une nouvelle ère pour les Tricolores
C’est la première fois de son histoire que l’équipe de France inscrit quatre buts au cours d’une rencontre. Cette victoire a le mérite de mettre fin à une longue période de vaches maigres. Les résultats suivants démontreront que l’équipe de France est sur la voie du progrès. L’ère des défaites à deux chiffres est (presque) révolue.
Le gardien Pierre Chayrigues signe un long bail avec les Tricolores et Henri Vialmonteil, auteur du premier but, a également donné satisfaction. En revanche, les trois autres nouveaux (Bigué, Romano et Vial) semblent avoir déçu puisque l’envoyé spécial de l’auto écrit que “l’équipe de France a bien joué , sauf les arrières et l’extrême-gauche”. Si les deux premiers seront toutefois rappelés, le jeune Félix Vial ne reviendra plus. Tout comme le demi Henry Vascout donc c’était la septième sélection.
Quant au Luxembourg, cette défaite initiale lui permet de mesurer déjà son retard sur ses voisins. La sélection du Grand-Duché ne jouera que deux autres matchs avant la guerre, les deux fois contre la France. En avril 1913 à Saint-Ouen, les Luxembourgeois encaisseront un terrible 8-0, historiquement le premier score-fleuve de l’histoire en faveur des Tricolores. Mais en février 1914, c’est la sélection française, diminuée par de nombreux forfaits, qui sera battue , à Luxembourg, sur le score de 5-4 avec quatre buts de Jean Massard. Ce sera la seule victoire du Luxembourg contre la France.
L’Auto du 30 octobre 1911 - Gallica BNF
France bat Luxembourg (4-1)
But : Kuborn (15’) - Viallemonteil (26’), Mesnier (32’), Mesnier (80’ pen), Gravier (85’).
France : Chayriguès - Bigué, Romano - Barreau, Ducret, Vascout - Olivier, Viallemonteil, Mesnier (cap), Gravier, Vial.
Luxembourg : Weicker - Lang, Michaux - Schwartz, Ungeheuer, Faber - Elter, Kuborn, Becker, Kauth, Bernard.
Arbitre : Raphaël Van Praag (Belgique)
4.000 spectateurs
Nom | Âge | Poste | Sélections | Club |
---|---|---|---|---|
Pierre Chayriguès | 19 ans | Gardien de but | 1/21 | Red Star |
Maurice Bigué | 25 ans | Arrière | 1/7 | CA Paris |
Paul Romano | 20 ans | Arrière | 1 / 3 | Étoile des Deux Lacs |
Gaston Barreau | 28 ans | Demi | 2/12 | Levallois |
Jean Ducret | 24 ans | Demi | 8/20 | Étoile des Deux Lacs |
Henry Vascout | 26 ans | Demi | 7/7 | CA Vitry |
Maurice Olivier | 24 ans | Avant | 4/6 | Étoile des Deux Lacs |
Henri Viallemonteil | 19 ans | Avant | 1 / 6 | CA Vitry |
Louis Mesnier (cap) | 27 ans | Avant | 10/14 | CA Paris |
Ernest Gravier | 19 ans | Avant | 6/11 | CA Paris |
Félix Vial | 17 ans | Avant | 1/1 | CA Vitry |