Patrice Lecornu, destin tourmenté

Publié le 4 octobre 2023 - Richard Coudrais - 1

Patrice Lecornu est décédé le 3 octobre 2023. Son histoire est celle d’une carrière brisée. Par un genou récalcitrant puis un accident de voiture qui l’envoie hors du circuit dès l’âge de 24 ans alors qu’il avait déjà connu trois sélections en équipe de France.

5 minutes de lecture

Patrice Lecornu aurait pu figurer parmi les grands noms de la génération Platini et de la fameuse équipe de Nantes 1982-1983. Mais son compteur de sélections s’est arrêté à trois, et encore celui-ci ne comptabilise-t-il que des bouts de matchs.

Le postier normand

C’est au sein de l’ASPTT Caen, en troisième division, que se révèle Patrice Lecornu. Le jeune attaquant normand, né le 24 mars 1958 à Flers, attire déjà l’attention des grands clubs pro tels Nantes, Angers, Saint-Etienne ou l’OM. L’intéressé n’est pas encore certain de vouloir tenter l’aventure professionnelle, et préfère accepter, en 1976, un contrat de stagiaire au Red Star.

Le club de Saint-Ouen, tombé en deuxième division en 1975, vient de manquer sa remontée aux barrages mais garde son retour parmi l’élite en objectif à court terme. Son entraîneur Roger Lemerre dispose d’un effectif de qualité (Jean-Claude Bras, Georges Eo, Jean-Jacques Amorfini…) mais elle rate sa saison 1976-1977 et termine à une médiocre neuvième place.

Cela n’entrave guère la progression du stagiaire normand. Celui-ci est régulièrement appelé en équipe de France junior, aux côtés d’autres natifs de 1958 comme Genghini, Jeannol, Bibard ou Brisson. L’équipe dispute la première Coupe du monde U20 organisée par la Tunisie en 1977 où, malgré une victoire contre la nation hôte, elle ne passe pas le premier tour.

Le Red Star fait une très bonne saison en 1977-1978. L’équipe termine à la troisième place, mais le club craque en coulisses : il est déclaré en faillite et se retrouve exclu du monde pro. C’est finalement au SCO Angers, qui vient de remonter en première division, que Patrice Lecornu devient professionnel. Sous les ordres d’Aimé Mignot, l’international junior découvre l’élite.

Trois sélections

Régulièrement sélectionné en équipe de France espoirs, Patrice Lecornu est appelé par Michel Hidalgo en octobre 1979, au début de sa deuxième année angevine, pour une rencontre amicale au Parc des Princes face aux États-Unis. Du banc de touche, l’Angevin voit les Tricolores dominer la rencontre au point de mener 3-0 après 25 minutes. Les Américains le prennent plutôt mal et distribuent des coups. Michel Platini, auteur du premier but, doit sortir avant la mi-temps à la suite d’une agression qui l’éloignera des terrains pendant un mois. A la pause, c’est le néophyte Roland Wagner, auteur du premier but, qui doit céder sa place, victime d’un violent tacle aux chevilles.

C’est ainsi que Patrice Lecornu fait son entrée chez les Bleus, pour une deuxième mi-temps où les Tricolores se contentent de gérer leur avance et d’éviter les coups. S’il n’est pas appelé pour le match suivant contre la Tchécoslovaquie, Patrice Lecornu est titulaire le 27 janvier 1980 contre la Grèce. Un adversaire de faible calibre, à nouveau, que la France étrille 5-1. L’attaquant angevin, en position d’ailier droit, est à l’origine du deuxième but, signé Platini, mais il passe toutefois à travers son match. Il est remplacé en début de seconde période par Olivier Rouyer.

Douze minutes contre le Brésil

Michel Hidalgo estime l’attaquant angevin un peu trop tendre pour l’équipe de France, mais il tient à le garder dans son champ de vision. C’est pourquoi lors de la saison 1980-1981, Lecornu est sélectionné à trois reprises en équipe de France B, laquelle affronte ses homologues allemands, espagnols et néerlandais.

En fin de saison 1980-1981, l’attaquant angevin est de nouveau appelé chez les Bleus pour un match de gala face au Brésil au Parc des Princes. Il s’assoit sur le banc de touche et rêve tout éveillé devant la démonstration des Zico, Socrates et consort. Il aperçoit même le roi Pelé venu chercher son trophée de Sportif du siècle remis par L’Équipe. L’Angevin entre en jeu à douze minutes de la fin à la place d’Olivier Rouyer. Le score est alors de 3-0 pour les Brésiliens et sera réduit par Didier Six avant que celui-ci ne se fasse expulser pour un bras d’honneur.

Si cette saison 1980-1981 a marqué une nette progression sur le plan personnel, Patrice Lecornu ne peut empêcher le SCO Angers de terminer à la dernière place du classement. Il rejoint pendant l’été un club plus conforme à ses ambitions, situé à tout juste 90 km : le FC Nantes. Depuis cinq saisons, le club nantais termine dans les deux premières places du championnat. Il renforce cet été-là son secteur offensif avec Lecornu, mais aussi le Yougoslave Vahid Halilhodžić.

L’accident

En dépit de leurs qualités, les deux hommes rencontrent bien des difficultés à se fondre dans le collectif nantais, d’autant que celui-ci connaît de sérieux grippages. Lecornu marque son premier but après quatre journées, mais déçoit autant que son partenaire yougoslave. Après la trêve, et alors que l’équipe navigue à vue en milieu de tableau, il doit sortir en raison d’une blessure au genou. Patrice Lecornu a toujours été contrarié par son genou gauche. Il ne compte plus les entorses, ni les rencontres qu’il a jouées sous infiltration. A Nantes, on découvre que la rotule n’est pas tout à fait dans l’axe de la jambe. L’opération est indispensable.

Il reprend les courses d’entraînement en juin 1982 alors que la saison est terminée. C’est alors qu’il est victime d’un accident de voiture : fémur brisé et genou à nouveau déboité. Le chirurgien qui l’opère lui indique que le football de haut niveau est terminé pour lui. Patrice Lecornu reprend toutefois les exercices en décembre 1982 pour récupérer la masse musculaire perdue. Puis il se met à rêver d’un retour au plus haut niveau.

Il est toujours sous contrat avec le FC Nantes. Il revient doucement aux entraînements mais en mai 1983, alors que ses coéquipiers fêtent leur titre de champion de France, il doit de nouveau subir une intervention. Plus d’un an après son accident, il retrouve les terrains, avec l’équipe de DH (cinquième division) du FC Nantes. Mais il ne retrouvera jamais l’équipe première.

Lecornu et Wagner, destins parallèles

Il prend des nouvelles de Roland Wagner, qui vient d’annoncer la fin de sa carrière à 27 ans. Les deux hommes avaient connu leur première sélection en même temps, l’un remplaçant l’autre à la mi-temps. L’Alsacien ne s’est jamais vraiment remis de sa blessure à la cheville face aux Américains. Le tendon d’Achille touché, il a poursuivi sa carrière sous infiltration puis a disparu des terrains à partir de 1981. Après une tentative de retour avortée, il a dû renoncer à sa carrière.

En 1984, Patrice Lecornu retourne au Red Star, qui a rapidement retrouvé la deuxième division. L’ancien Nantais dispute dix-sept rencontres, marque deux buts, mais il est de nouveau blessé lors d’une rencontre contre Rennes. Il ne reviendra plus. A vingt-sept ans, il est déclaré inapte à la pratique du football professionnel.

Cette décision lui ouvre aussitôt une belle carrière d’éducateur. Il intègre le staff technique du Red Star, fait l’adjoint auprès des entraîneurs de passage et se retrouve même à la tête de l’équipe en fin de la saison 1989-1990. Il dirige ensuite le centre de formation avant d’être appelé à la tête de celui du Paris Saint-Germain qu’il occupe pendant cinq ans. Il est également le co-auteur d’un Carnet de l’éducateur de football publié chez Amphora en 2008. On le voit ensuite dans l’encadrement du Paris FC, du FC Saint-Leu puis à nouveau du Red Star jusqu’en 2011.

Atteint par la maladie d’Alzheimer à soixante ans, Patrice Lecornu s’est efforcé de conserver les bons souvenirs d’une courte carrière, finalement satisfaisante pour un jeune qui n’envisageait même pas le football professionnel. Décédé à l’âge de 65 ans, c’est surtout en éducateur qu’il laisse une trace importante dans le football français.

SelMatchDateLieuAdversaireScoreTpsJeu
1 Amical 10/10/1979 Paris États-Unis 3-0 > 45
2 Amical 27/02/1980 Paris Grèce 5-1 57 >
. France B 18/11/1980 Brunswick RFA B 0-1 > 33
. France B 18/02/1981 Toulouse Espagne B 0-0 90
. France B 24/03/1981 Caen Pays Bas B 2-2 90
3 Amical 15/05/1981 Paris Brésil 1-3 > 12

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, L’Équipe, FFF, Wikipédia, la lecture d’anciens exemplaires de France-Football, L’Équipe, Mondial, Onze, Onze-Mondial... ainsi que des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), de « L’année du football 1981 » de Jacques Thibert (Calmann-Levy, 1981) et du « Livre d’or du football » de Charles Biétry (Solar).

Mots-clés

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Vos commentaires

  • Le 5 octobre 2023 à 09:49, par Selmani mohamed En réponse à : Patrice Lecornu, destin tourmenté

    mes condoléances attristés à la famille 👪 de Patrice lecornu,et toute ma profonde sympathie (Repose en paix) .

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Hommage à Pierre Cazal