On dit que c’est le plus beau match de l’histoire de la Coupe du monde. Un sommet technique porté par des joueurs fabuleux eux-mêmes animés par un désir d’aller de l’avant. Un sommet également sur le plan de l’émotion, avec ce suspens insoutenable, ces tirs sur le poteau, ces occasions manquées, ce penalty arrêté, ces tirs au but angoissants.
France-Brésil 1986 n’aura pas été de trop pour consoler les supporters de l’équipe de France encore traumatisés par la tragique demi-finale RFA-France disputée quatre ans plus tôt. On présente d’ailleurs le match de Jalisco comme l’exact opposé de celui de Sánchez-Pizjuan : La nuit de Séville contre le soleil de Guadalajara. L’austère maillot noir et blanc de la RFA face à la tenue mer et soleil des Brésiliens. Et puis un scénario qui a finalement tourné en faveur des Bleus. Qui a presque réconcilié les français avec l’exercice des tirs au but.
Les joueurs français qui ont participé à cette rencontre de légende évoquent souvent ces impressionnantes tribunes remplies de torcidas, de musiciens et de danseuses aux déhanchements qui laissent rêveur. Il faut dire que Jalisco, c’est un peu le Brésil. C’est dans ce stade qu’en 1970, Pelé, Jairzinho, Tostato et les autres ont joué l’ensemble de leurs matchs-samba qui les ont mené vers la finale victorieuse. Seize ans plus tard, lorsque la Coupe du monde revient au Mexique, c’est tout naturellement que Jalisco est désigné pour accueillir les héritiers Socrates, Junior et autres Careca. Qui vont y croiser l’équipe de France.
Des chèvres championnes du Mexique
Guadalajara est la troisième plus grande ville du Mexique. Perchée à 1500 mètres d’altitude, elle a dépassé le million d’habitants au cours des années 1980. Le dernier recensement en 2010 fait état de 1 460 148 habitants, et plus de quatre millions si l’on tient compte de l’agglomération dans son ensemble.
La ville est fondée en 1542 par des colons espagnols dont le chef, le capitaine Cristóbal de Oñate, est originaire de la ville castillane de… Guadalajara. La cité mexicaine est devenue aujourd’hui la capitale d’un des trente-deux états du Mexique, l’état de Jalisco. Elle est jumelée avec plusieurs villes dans le monde, notamment la ville éponyme en Espagne, mais aussi Kyôto, Portland, Wroclaw et… Séville.
Avec les splendeurs architecturales issues de son passé colonial, Guadalajara est devenue une ville touristique appréciée pour sa richesse culturelle. Elle est aussi une ville de futbol avec pas moins de trois grands clubs, le Club Deportiva Guadalajara (fondé en 1906), l’Atlas FC (1916) et Universidad (1970).
Champion du Mexique à douze reprises, vainqueur de la première Coupe des Champions du Concacaf en 1962, le Club Deportiva Guadalajara est connu sous le nom de Las Chivas (les chèvres). Il s’agit probablement de l’équipe la plus populaire du football aztèque. Un engouement qu’elle doit au fait de n’avoir jamais été composée que de joueurs mexicains. Face à ce géant, les deux autres clubs de la ville sont quelque peu rejetés dans l’ombre, malgré quelques titres majeurs.
Cinq fois le Brésil de Pelé en 1970, cinq fois celui de Socrates en 1986
En 1954, la ville de Guadalajara décide de se doter d’un stade de 56 000 places à l’attention de ses deux clubs de l’époque (Chivas et Atlas). L’enceinte, construite dans le quartier Colonia Independencia, est l’oeuvre des architectes Javier Vallejo et Jaime Obeso. On lui donnera le nom de Jalisco.
Béni en 1959, le stade est inauguré devant 50 000 spectateurs en 1960, avec une rencontre opposant le club argentin de San Lorenzo à l’Atlas. Agrandi à 70 000 places, Jalisco deviendra le troisième plus grand stade du Mexique, après l’Azteca et le stade Olympique de Mexico. La Tricolor (l’équipe nationale) invite quelques adversaires en certaines occasions, même si l’Azteca de Mexico reste son stade principal.
En 1968, le stade Jalisco accueille huit rencontres du tournoi olympique des Jeux de Mexico. Deux ans plus tard, il est le théâtre de l’ensemble des rencontres du groupe III du mondial mexicain, celui du Brésil, avec l’Angleterre, la Roumanie et la Tchécoslovaquie. L’équipe brésilienne y poursuit son parcours avec un quart de finale contre le Pérou et une demi-finale contre l’Uruguay.
La demi-finale Brésil-Uruguay le 17 juin 1970 avec la célèbre feinte de Pelé sur Mazukiewicz.
Six rencontres sont jouées seize ans plus tard, alors que la capacité a été légèrement réduite à 66 000 places : les cinq matchs impliquant l’équipe brésilienne et une demi-finale RFA-France disputés devant quelques sièges vides. Probablement qu’à Guadalajara, on veut voir le Brésil et rien d’autre.
Le stade retrouvera les émotions des grandes compétitions internationales en 1999 en accueillant la Coupe des Confédérations, avec huit rencontres au programmes, dont bien entendu celles du Brésil de la génération Ronaldinho.
En 2010, le club de Las Chivas rejoint son nouveau stade, le flambant neuf estadio Akron, que tout le monde appelle estadio Chivas. L’Atlas Fútbol Club est resté fidèle à Jalisco, qu’il partage désormais avec l’Universidad, un club fondé en 1970, vainqueur de la Coupe des Champions du Concacaf en 1978 (par… décision administrative).
Deux matchs : un sommet et la fin d’une histoire
Jalisco représente donc pour la France le souvenir fabuleux de ce France-Brésil inoubliable. Il aurait fallu que l’histoire s’arrête là, mais Jalisco sera aussi pour le foot français le terminus d’une génération exceptionnelle. Le 25 juin 1986, quatre jours après France-Brésil, l’équipe de France accueille à Guadalajara la RFA pour une revanche de la nuit de Séville. Sans doute fatigués par les efforts déployés face aux Brésiliens, les Français se font surprendre par des Allemands au métier consommé. Ils s’inclinent 2-0. Les champions d’Europe 1984 ne seront jamais champions du monde.
Le 25 juin 1986, lendemain de fête migraineux contre une RFA solide et sans génie.
date | genre | adversaire | score | affluence |
---|---|---|---|---|
21 juin 1986 | Quart de finale de la Coupe du Monde 1986 | Brésil | 1-1 (tab:4/3) | 65 000 |
25 juin 1986 | Demi-finale de la Coupe du Monde 1986 | RFA | 0-2 | 50 000 |
L’équipe de France n’a jamais joué au Mexique en dehors de la Coupe du monde 1986. Elle compte donc sept rencontres en terre aztèque, trois au Camp Nou de Leon pour le premier tour, un au stade olympique de Mexico, un au Cuauhtémoc de Puebla et deux, donc, au Jalisco de Guadalajara. Elle aurait pu retrouver ce stade treize ans plus tard si la FFF avait accepté que ses champions du monde aillent disputer la Coupe des Confédérations 1999 organisée au Mexique.
Platoche pour l’éternité
Michel Platini reste à ce jour le seul footballeur français à avoir inscrit un but à Jalisco. Ce fut d’ailleurs le dernier but de sa carrière en bleu, le jour de son 31eme anniversaire. On se souvient aussi qu’il y avait complètement manqué son tir au but, en ce jour particulier où les grands noms avaient manqué de réussite à l’exercice : Socrates, premier tireur de la série, et Zico, durant le match, avaient vu leur tentative repoussée par Joël Bats. Les autres tireurs français, Stopyra, Amoros, Bellone et Fernandez peuvent se targuer d’avoir marqué à Jalisco, même si c’était pendant les tirs au but.
Huit joueurs français ont disputé l’intégralité des deux rencontres du mondial mexicain disputé à Jalisco : Bats, Amoros, Bossis, Battiston, Tigana, Fernandez, Platini, Stopyra. Deux autres les ont disputé partiellement : Giresse et Bellone. Ayache, Tusseau, Vercruysse, Ferreri, Xuereb et Rocheteau ne sont apparu qu’une fois.
Vos commentaires
# Le 5 juin 2020 à 10:00, par Nhi Tran Quang En réponse à : Jalisco, un stade dans l’histoire des Bleus
Durant la séance des penalty, le tir de socrates est arrêté par Bats mais le tir de Julio Cesar finit sur le poteau