Le 18 décembre 2022, dans exactement un an, aura lieu la finale de la Coupe du monde au Lusail Iconic Stadium, dans une ville nouvelle située à 15 kilomètres de Doha, au Qatar. Une sorte de cauchemar urbanistique à 45 milliards de dollars garni de marinas, de boutiques de luxe, de parkings, de centres commerciaux et d’un réseau d’îles artificielles. Le genre d’endroit qui ferait passer la principauté de Monaco pour un modeste village de pêcheurs d’anchois.
Si la Coupe du monde a bien lieu (rien n’est certain en ces temps de pandémie qui n’en finit pas), et si elle a bien lieu au Qatar et à cette date, on peut imaginer qu’elle se déroulera sous une forte pression internationale en raison du bilan catastrophique signalé par The Guardian en février 2021 : plus de 6500 travailleurs migrants sont morts dans les chantiers de construction d’infrastructures, sur les deux millions embauchés dans des conditions de vie indignes. La FIFA a botté en touche en rappelant « les mesures de santé et de sécurité très strictes » mises en place sur les sites, avant de proposer, quelques mois plus tard, d’organiser une Coupe du monde tous les deux ans. On a les priorités qu’on peut.
Un scénario alternatif très improbable
Idéalement, il faudrait que l’organisation de cette 22e édition (dont l’attribution en 2010 est particulièrement opaque, notamment sur les contreparties que le Qatar aurait négociées) soit retirée et attribuée ailleurs, éventuellement à une autre date, pourquoi pas juin 2023 ? Après tout l’Euro et les JO ont été décalés d’un an, quelques mois seulement avant la date prévue. Le tournoi mondial pourrait être attribué à un pays (ou un groupe de pays) dont les infrastructures sont déjà prêtes, compte tenu des délais serrés, par exemple l’Espagne et le Portugal, associés au Maroc. On pourrait même imaginer, soyons fous, que le format du tournoi soit resserré, et que les 32 équipes participantes se départagent par élimination directe dès les seizièmes de finale, ce qui réduirait le nombre de matchs de 64 à 32, avec un maximum de cinq rencontres à disputer pour les demi-finalistes. Ce qui permettrait de gagner une semaine (3 au lieu de 4), et de n’utiliser que 8 stades (comme au Qatar) contre 12 en Russie et au Brésil et 10 en Afrique du Sud.
Mais même si le pire n’est pas certain, il reste en l’occurrence le plus probable. Lusail ne sera pas la seule ville d’accueil d’une finale mondiale à avoir été au cœur d’une polémique, en raison du climat politique de l’époque. Rome en 1934, en plein régime fasciste mussolinien, Buenos Aires en 1978 avec sa terrible junte militaire au pouvoir ou, à un degré moindre, Moscou en 2018 sous Poutine avaient posé question.
Les finales, pas toujours dans la capitale
Les 18 villes à avoir accueilli une finale mondiale ne sont pas toutes des capitales. Certaines, comme Lusail, se trouvent en banlieue : Colombes ou Saint-Denis pour Paris (en 1938 et 1998), Solna pour Stockholm (en 1958), Yokohama pour Tokyo (en 2002) ou Johannesburg pour Pretoria (en 2010). D’autres sont de grandes villes plutôt éloignées comme Munich (en 1974), Rio (en 1950 et 2014 ou Pasadena, dans la banlieue de Los Angeles (en 1994).
Les capitales sont plus nombreuses : Montevideo (1930), Rome (1934), Berne (1954), Santiago du Chili (1962), Londres (1966), Mexico (1970 et 1986), Buenos Aires (1978), Madrid (1982), Berlin (2006) et Moscou (2018).
Enfin, on remarquera que si Rome, Rio et Mexico ont accueilli deux finales, la capitale italienne l’a fait dans deux stades différents, alors que le stade Azteca et le Maracana ont servi deux fois. La France et l’Allemagne ont elles aussi organisé deux fois le tournoi, mais avec des finales disputées dans deux villes différentes : Colombes et Saint-Denis pour l’une, Munich et Berlin pour l’autre.
En vert les villes où le pays organisateur a remporté la finale, en rouge celles où il a perdu en finale. En italique, les villes accueillant une finale pour la deuxième fois.
1930 Montevideo - Centenario
1934 Rome - stade national du parti fasciste
1938 Colombes - stade olympique Yves-du-Manoir
1950 Rio - Maracana
1954 Berne - Wankdorf
1958 Solna - Rasunda Stadion
1962 Santiago - Estadio Nacional de Chile
1966 Londres - Wembley
1970 Mexico - Azteca
1974 Munich - stade olympique
1978 Buenos Aires - Monumental
1982 Madrid - Santiago Bernabeu
1986 Mexico - Azteca
1990 Rome - stade olympique
1994 Pasadena - Rose Bowl
1998 Saint-Denis - Stade de France
2002 Yokohama - International stadium
2006 Berlin - stade olympique
2010 Johannesburg - Soccer City
2014 Rio - Maracana
2018 Moscou - Loujniki
Le pays organisateur en finale une fois sur trois
A huit reprises seulement, la sélection du pays organisateur a disputé une finale à domicile, avec un avantage certain puiqu’elle l’a emporté six fois (Uruguay 1930, Italie 1934, Angleterre 1966, RFA 1974, Argentine 1978 et France 1998) pour deux échecs (Brésil 1950 et Suède 1958). La probabilité de voir le Qatar, 46e sélection mondiale au classement FIFA, atteindre la finale à Lusail en 2022 est quasi nulle : sur 23 matchs joués en 2021, la sélection qatarie compte 12 victoires dont cinq en Coupe arabe, pour 7 défaites et 4 nuls. Ses sept matchs perdus l’ont été contre les Etats-Unis (0-1), l’Algérie (1-2) et trois sélections européennes : la Serbie (0-4, 0-4), le Portugal (0-3, 1-3) et l’Irlande (0-4). Pas brillant, donc. Mais bien entendu l’enjeu de l’édition 2022 dépasse largement le cadre sportif.
Vos commentaires
# Le 18 décembre 2021 à 20:06, par hervé BONNINGUE En réponse à : Dans un an, une finale de Coupe du monde dans les sables
Je n’ai rien de particulier contre le Qatar. Cependant, il est clair que les conditions d’organisation de cette coupe du monde sont aberrantes. Des conditions climatiques délirantes qui ont imposé des dates qui désorganisent totalement les épreuves classiques de la plupart des pays, des conditions sanitaires déplorables au niveau des ouvriers ( voir le nombre de morts) , une attribution plus que douteuse probablement grâce à des pots de vin , tout cela est bien triste.
Il faudrait une vraie réponse de l’Europe du football, boycott ou remise en cause du pays. Mais hélas, il y a beaucoup d’intérêts financiers là dedans