D’entrée, la couverture de l’ouvrage donne le sens du titre. Il ne s’agit pas de l’histoire d’un maillot, mais de celles d’une multitude de paletots avec différentes nuances de bleu, de blanc, de rouge. Et à chacun d’eux est attribué une note d’histoire. A chaque page, un maillot, une légende.
Album d’images
Matthieu Delahais et Bruno Colombari, les auteurs, ont référencé par moins de 94 modèles de tenues portées par l’équipe de France depuis le 1er mai 1904. L’ouvrage nous les présente dans l’ordre chronologique, découpé en quatre grands chapitres. C’est un magnifique album d’images où chaque maillot fait l’objet d’une photo grand format et d’un texte qui rattache l’objet à un événement.
Les éléments qui différencient deux tuniques sont de plusieurs natures. Il y a la couleur, mais aussi les motifs additionnels, la forme du col, la longueur des manches, le motif des poignets, les insignes (les anneaux puis le coq), la marque des équipementiers, etc.
C’est le blanc qui avait initialement été choisi comme couleur principale de l’équipe de France alors sous l’autorité de l’USFSA, principal organe sportif de l’hexagone. Celui-ci tenait à proclamer la pureté olympique en associant au blanc l’emblème à base d’anneaux rouge et bleu.
La destinée de l’équipe de France fut ensuite confiée au CFI, qui supprima les anneaux (et même toute forme d’emblèmes) et imposa d’improbables paletots à rayures verticales. Il a fallu la création de la FFF, en 1919, pour voir apparaître les deux éléments qui restent de rigueur aujourd’hui : le maillot bleu et le coq sur la poitrine.
Nuances de bleu
Nous entrons au lendemain de la première guerre dans l’ère moderne de l’équipe de France. On découvre en tournant les pages que le bleu du maillot de l’équipe de France a connu de nombreuses nuances, qui vont d’un bleu ciel quasiment “uruguayen” dans l’entre-deux-guerres, au bleu sombre quasiment “écossais” de la tenue actuelle. Entre les deux, c’est un bleu roi qui s’est imposé tant sur les épaules de Kopa que de Platini puis Zidane.
Par la suite, de nombreux motifs ont agrémenté le sobre maillot bleu. S’il y a peu d’évolution notables jusqu’aux années 1970, on voit apparaître ensuite un coq redessiné et modernisé, ainsi que des liserés bleu-blanc-rouge sur le col, sur les poignets puis le long des manches. Le maillot de l’équipe de France devient alors une affaire d’équipementier. Si ses prédécesseurs se contentaient de fournir des tenues, la marque aux trois bandes impose ses éléments visuels propres.
Au début des années 1980, elle dessine de fines et élégantes lignes verticales déjà adoptées par les nombreuses équipes que la marque habille. Celles-ci font ensuite place à trois lignes horizontales blanches surmontées d’une large bande rouge au niveau de la poitrine. Ce motif comparable à la portée d’un solfège met en musique les premiers triomphes de l’équipe de France : championnat d’Europe, Jeux Olympiques, Coupe intercontinentale… Puis après avoir été abandonné pendant plus d’une décennie, le motif est rappelé pour la Coupe du monde 1998 avec le résultat que l’on sait.
Par la suite, seule la bande rouge sera conservée notamment pour l’Euro 2000 victorieux. Lorsque celle-ci disparaît, la France rate complètement la Coupe du monde 2002, et dès lors on considère que la bande rouge doit définitivement être intégrée au maillot bleu. Ce qui sera fait bon an mal an avec quelques variations peu efficaces.
Disponible en boutique
Il y a alors longtemps que la révolution est en marche. Le maillot est devenu un produit de consommation. On le trouve en vente dans les boutiques et dans les pages Footcenter des magazines sportifs. Il doit répondre à l’air du temps alors que la concurrence s’intensifie chez les équipementiers. Dès lors le maillot de l’équipe de France va régulièrement faire l’objet de modifications majeures. Les années 1990 vont voir se succéder une multitude de tenues aux compositions les plus téméraires.
L’arrivée d’un nouvel équipementier en 2011 semblait avoir freiné cette course à l’outrance. La marque de l’Oregon proposa les premières années une gamme de maillots unis, plus sobres et plus sombres. Mais elle dériva ensuite dans l’association de nuances de bleu puis, ô surprise, le retour tout récent de la bande rouge symbolique de son prédécesseur.
Tenue de rechange
L’ouvrage de Matthieu Delahais et Bruno Colombari a le mérite de rapiécer une histoire un peu décousue. Car en plus de l’évolution du maillot principal, il est important de conter celles de maillots de rechange. Lorsqu’elle affrontait une autre équipe en bleu, l’équipe de France a souvent joué en rouge avant d’opter pour le blanc dans le courant des années 1960, alors que les rencontres commençaient à être diffusées sur les téléviseurs en noir et blanc.
Le maillot blanc a longtemps été une sorte de copie carbone du maillot bleu avant d’opter pour un design spécifique lors de l’Euro 1996 puis au cours des années 2000. C’est un maillot blanc, et non bleu, qui symbolise l’épopée de la bande à Zidane lors de la Coupe du monde 2006. Par la suite, l’équipementier américain a fait du maillot de rechange une discipline à part, demandant par exemple à un styliste mondialement réputé de dessiner une marinière fort élégante… sauf quand on s’en sert pour jouer au football. La marque au Swoosh signe ensuite de belles réussites en terme de sobriété avec des tuniques blanches d’une grande pureté tout en proposant quelques audaces parfois regrettables.
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Histoires parallèles
Au fil des pages, Matthieu Delahais et Bruno Colombari nous invitent à observer les différents maillots de plus près, à relever les détails comme les cols, munis de bouton ou de lacets, en forme ronde, en V ou en polo, les manches, courtes ou longues, aux couleurs unies ou différenciées. Une passionnante aventure textile agrémentée d’histoires parallèles, celles des maillots du gardien, forcément spécifique, celles des maillots d’un seul match et l’inévitable épisode de Mar Del Plata en 1978, la saga des équipementiers, l’apparition du coq, des numéros, des logos, des flocages, et des multiples patchs que portent aujourd’hui nos champions du monde.
A peine referme-t-on Un maillot, une légende que l’on est persuadé qu’on l’ouvrira de nouveau, pour vérifier un point, une anecdote, un détail. Et pour se replonger dans la grande et belle histoire de l’équipe de France.
Vos commentaires
# Le 30 janvier 2021 à 15:40, par Bernard Diogène En réponse à : Un maillot, une légende : une étoffe à la page
Comment résister ? Acheté, dévoré, c’est un régal !