Le contexte historique
L’année 1962 est marquée par un événement de portée historique, l’affaire des missiles de Cuba qui portera le monde au bord de la troisième guerre mondiale. C’est aussi l’année de l’indépendance de l’Algérie (en juillet) quatre mois après les accords d’Evian qui mettent un terme à huit ans de guerre, cinq mois après les huits morts du métro Charonne, et un mois avant l’attentat du Petit-Clamart contre De Gaulle. C’est aussi cette année-là que disparaît Marylin Monroe (le 5 août), dans des circonstances jamais clairement établies.
Ce même été, les Beatles se séparent de Pete Best et accueillent Ringo Starr. Ils enregistrent leur premier single, Love me do. Pendant ce temps, les Rolling Stones font leur premier concert à Londres. Rayon BD, Goscinny et Uderzo sortent le deuxième album d’Astérix, La serpe d’or. Sur les écrans sortent Jules et Jim de François Truffaut et Lolita de Stanley Kubrick.
Le contexte sportif
Mille jours après l’épopée suédoise de 1958, l’horizon des Bleus s’est considérablement assombri. Après une coupe d’Europe des nations terminée en queue de poisson en 1960 (défaites en demi-finale et en match de classement, les deux à domicile), l’équipe de France a trouvé moyen de se faire sortir en poule qualificative pour la coupe du monde 1962 au Chili, après un match de barrage perdu à Milan contre la Bulgarie (déjà). L’année 1962 qui se profile ne s’annonce pas passionnante, avec deux matches amicaux au printemps et le huitième de finale aller de la coupe d’Europe des Nations 1964 face à l’Angleterre, ainsi que deux autres amicaux à l’automne. Côté clubs, la brillante période rémoise est terminée : malgré un titre de champion de France 1962, le dernier de son histoire, le club de Raymond Kopa coince en coupe d’Europe et perd Just Fontaine, qui met un terme à sa carrière à 28 ans.
Le sélectionneur en poste
Nommé à la place d’Alex Thépot le 21 octobre 1960, Georges Verriest est secondé par Albert Batteux, chargé de l’entraînement et de la tactique. Désormais, les Bleus vont jouer prudemment, en prenant le moins de risques offensifs possible, en général en 4-4-2 sans avant-centre. Après la démission d’Albert Batteux en mai (remplacé par Henri Guérin), Georges Verriest est pris en grippe par la presse et le public, et trouvera moyen de se brouiller avec Raymond Kopa, qu’il écarte de l’équipe fin 1962. Il démissionnera en juillet 1964.
Le récit de l’année
Ce sera rapide. Cinq matches seulement, un seul en compétition, deux nuls et trois défaites : Sur les 84 années comptant au moins cinq rencontres disputées, 1962 se classe à l’antépénultième place, devant 1927 et 1923. C’est l’avant-dernière fois que les Bleus finissent l’année sans la moindre victoire (la suivante sera 1968).
année | joués | G | % G | N | % N | P | % P | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
80 | 1928 | 7 | 1 | 14% | 1 | 14% | 5 | 71% |
81 | 1968 | 5 | 0 | 0% | 2 | 40% | 3 | 60% |
82 | 1962 | 5 | 0 | 0% | 2 | 40% | 3 | 60% |
83 | 1927 | 5 | 0 | 0% | 1 | 20% | 4 | 80% |
84 | 1923 | 6 | 0 | 0% | 1 | 17% | 5 | 83% |
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En raison de l’élimination de la coupe du monde au Chili, l’équipe de France n’a que deux matches amicaux à se mettre sous la dent lors du premier semestre. Le premier a lieu le 11 avril au Parc face à la Pologne, avec cinq nouveaux joueurs alignés par Verriest : le défenseur Alain Cornu, le milieu Théo Szkuldpaski et les trois attaquants Casimir Koza, Hector de Bourgoing et Angel Rambert. Ce n’est pas une bonne idée : avec Robert Herbin (milieu offensif de formation) en défense centrale, les Bleus font illusion une demi-heure puis disparaissent de la circulation (1-3) malgré le brassard de capitaine confié à Raymond Kopa.
Le 5 mai à Florence, les Bleus s’inclinent à nouveau (1-2) contre une Italie qui peaufine son catenaccio (avec quatre défenseurs en ligne couverts par un libéro) après avoir mené au score grâce à Jean-Claude Piumi. Un doublé d’Altafini en début de deuxième mi-temps suffit aux Italiens de Cesare Maldini (le père de Paolo).
Vient ensuite le seul match de compétition de l’année, un seizième de finale aller de la coupe d’Europe des Nations (il n’y avait pas de poule qualificative à l’époque). Les Bleus n’ont pas été aidés par le sort et tombent contre l’Angleterre. A Sheffield, ils retrouvent le grand Raymond Kopa, en position de quasi avant-centre et obtiennent un bon match nul (1-1) qui aurait même pu se transformer en victoire sans un pénalty généreux accordé aux Anglais juste avant l’heure de jeu.
Trois semaines plus tard, l’équipe de France se déplace à Stuttgart pour y retrouver l’Allemagne qu’elle a battu en 1958 en match de classement du Mondial suédois. Et encore une fois, elle prend l’avantage en première mi-temps (sans Kopa) grâce à deux buts de Stako (25e) et Goujon (32e). On se dit que cette fois sera la bonne, mais non : les Bleus prennent leur but habituel au retour des vestiaires (Konietza, 46e) et se font rejoindre en fin de match (Steinmann, 82e) sur une erreur de leur gardien Georges Lamia (2-2).
Pour le dernier match de l’année face à la Hongrie (quart-finaliste de la dernière coupe du monde) à Colombes, l’équipe de France adopte un 4-2-4 à la hongroise un peu ambitieux. Raymond Kopa est de retour, mais il passe complètement à travers ce qui sera sa dernière sélection : son fils Denis, âgé de quatre ans, est atteint d’une leucémie qui l’emportera en février 1963. Malgré un doublé du jeune attaquant lyonnais Fleury Di Nallo, les Bleus s’inclinent (2-3). Georges Verriest aura des mots très durs envers Raymond Kopa, faisant preuve d’un manque évident de psychologie qui scelle le sort du meilleur joueur français.
Les joueurs de l’année
Vingt-six joueurs retenus en cinq matches, c’est beaucoup, d’autant que trois d’entre eux seulement sont entrés en court de partie (dont Michel Hidalgo contre l’Italie pour sa seule sélection). Avec trois gardiens (Bernard, Ferrero et Lamia) dont aucun convainquant à son poste, et des systèmes de jeu évoluant entre le 4-4-2 du début d’année au 4-2-4 à l’automne, avec un passage au 4-3-3 entre les deux. Seul le défenseur Jean Wendling a joué tous les matches, tandis que Kopa, Lerond, Ferrier, Maryan et Rodzik en ont disputé quatre.
Côté débutants, outre Fleury Di Nallo dont il sera question plus bas, on note donc Michel Hidalgo, Alain Cornu, Théo Szkuldpaski, Casimir Koza, Hector de Bourgoing, Angel Rambert, Bruno Ferrero, Jean-Claude Piumi, Laurent Robuschi et Joseph Bonnel, soit de quoi aligner une équipe complète ! Pour l’annecdote, Hector de Bourgoing et Angel Rambert étaient Argentins, le premier ayant même disputé cinq matches sous le maillot albiceleste. La FIFA modifiera son réglement en mai 1962, interdisant la sélection de nouveaux joueurs ayant porté le maillot de deux sélections différentes.
Les buteurs de l’année
Avec sept buts marqués en cinq matches, l’équipe de France version 62 ne risquait guère d’être prolifique pour les buteurs. Yvon Goujon et Fleury Di Nallo sont les seuls à avoir marqué deux fois.
La révélation de l’année
Quand il est appelé pour la première fois chez les Bleus, l’attaquant lyonnais Fleury Di Nallo n’a pas encore vingt ans. C’est l’un des plus jeunes sélectionnés de l’histoire. Et pour ses débuts face à la Hongrie, il marque deux fois, faisant admirer sa technique de dribbleur. Dans une année aussi sombre que celle de 1962, c’est bien sûr lui la révélation. Il arrive malheureusement pour lui au plus mauvais moment : il ne disputera que dix matches sous le maillot bleu, croisera Raymond Kopa qui termine sa carrière internationale le jour-même où lui la débute, ne sera pas retenu pour la coupe du monde 1966, mais trouvera quand même moyen de marquer huit fois, ce qui fait de lui encore aujourd’hui le 36e buteur de l’histoire, à hauteur de Florent Malouda (avec une moyenne de but par match très supérieure).
Carnet bleu
Cette année-là sont nés Bruno Martini (le 25 janvier), Philipe Vercruysse (le 28 janvier), Manuel Amoros (le 1er février), Jean-Luc Sassus (le 14 février), Bruno Bellone (le 14 mars), Philippe Tibeuf (le 17 juin), Fabrice Poullain (le 27 août),
Luc Sonor (le 15 septembre) et Jean-Marc Ferreri (le 26 décembre).