Le contexte historique
L’année 1963 est marquée par un séisme : l’assassinat le 22 novembre à Dallas du président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, dans des circonstances particulièrement troubles et jamais élucidées depuis. En France, deux des plus grands artistes du siècle disparaissent le même jour, le 11 octobre : Edith Piaf (47 ans) et Jean Cocteau (74 ans). En février, des officiers sont arrêtés après avoir préparé un nouvel attentat contre Charles de Gaulle. Alors que se déroule à Rome le concile Vatican II, Jean XXIII meurt à 81 ans en juin. Il est remplacé par Paul VI.
Sur les écrans de cinéma, on voit cette année-là Le Guépard de Luchino Visconti, Huit et demi de Federico Fellini ou encore Les oiseaux d’Alfred Hitchcock. Le Maître du Haut Château, de Philip K. Dick, est récompensé par le prix Hugo du meilleur roman. Alexandre Soljenitsyne publie Une journée d’Ivan Denissovitch et Marcel Pagnol ses deux tomes de l’Eau des collines (Jean de Florette et Manon des sources). En Angleterre, les Beatles mettent le feu au Cavern Club de Liverpool avec leur premier album, Please, please me.
Le contexte sportif
Après une année 1962 très décevante (pas de coupe du monde, aucune victoire), les Bleus ont un seul objectif : se qualifier pour les quarts de finale de la coupe d’Europe des Nations qui se joueront au printemps 1964. Pour cela, ils devront écarter l’Angleterre en seizièmes de finale retour, après avoir obtenu un bon nul à l’aller à Sheffield (1-1) et franchir l’obstacle des huitièmes. En clubs, le Stade de Reims passe facilement le premier tour de la coupe des champions contre l’Austria Vienne mais s’incline de justesse en quarts face à Feyenoord. En championnat, ce sont les Monégasques qui l’emportent et qui réalisent le doublé en raflant la coupe de France. Reims est deuxième.
Le sélectionneur en poste
En poste depuis octobre 1960, Georges Verriest a réussi à se mettre la France du football à dos dans des proportions que ne connaîtra que Raymond Domenech cinquante ans plus tard. Il faut dire qu’il y a mis du sien : après avoir écarté Raymond Kopa fin 1962 [1], Verriest rappelle le Rémois en octobre, un mois après avoir déclaré que la mentalité du joueur n’était pas à la hauteur des enjeux. Kopa se rend au rassemblement, et exige des excuses publiques de la part du sélectionneur. Ce dernier refuse, Kopa s’en va et ne jouera plus jamais en équipe de France. Quant à Verriest, il survivra à l’année 1963 grâce à la qualification des Bleus pour les quarts de finale de la coupe d’Europe des Nations. Un petit sursis de six mois.
Le récit de l’année
L’année 1963 commence très tôt (9 janvier) par un match amical à Barcelone, au Nou Camp, face à l’Espagne. Il ne s’y passe pas grand chose, mais les Bleus auraient pu l’emporter avec un peu plus d’efficacité devant et aussi avec un arbitrage plus favorable, un pénalty apparemment valable étant refusé par M. Casteleyn pour une faute sur Yvon Douis. Ce 0-0, le premier du genre entre les deux laisse tout de même augurer une meilleure année que la catastrophique 1962.
Confirmation dès le 27 février, date du seizième de finale retour contre l’Angleterre, qualificatif pour la coupe d’Europe des Nations. Face à un gardien catastrophique, le dénommé Springett, les Bleus s’amusent comme des petits fous en première mi-temps et marquent trois fois par Wisnieski, Douis et Cossou, à chaque fois de l’intérieur de la surface au milieu d’une défense complètement dépassée. Les Anglais profitent ensuite d’un assoupissement français à l’heure de jeu pour revenir dans le match grâce à des buts de Smith et de Tambling, mais Maryan Wisniewski calme tout le monde en ajoutant un quatrième but dans la minute suivante. Lucien Cossou donne enfin une ampleur inattendue à ce qui restera le plus gros succès tricolore de l’histoire des France-Angleterre (5-2), à égalité avec le match de 1931.
Plus important, cette victoire qualifie l’équipe de France pour les huitièmes de finale qu’elle jouera à l’automne contre la Bulgarie. En attendant, deux matches amicaux sont organisés au printemps. Le premier contre les Pays-Bas à Rotterdam est une déception. L’équipe hollandaise est loin du niveau de celle qui dominera l’Europe dix ans plus tard, et se contente de défendre et de jouer le contre. Bien lui en prend, puisqu’elle réalise le hold-up parfait à un quart d’heure de la fin (1-0), alors que les Bleus ont une fois de plus conjugué maladresse et malchance (deux tirs sur les poteaux).
Le 28 avril, Colombes est plein pour voir les double champions du monde brésiliens, même si ces derniers, en tournée européenne, sont là en touristes (ils viennent de prendre un féroce 1-5 en Belgique). Des touristes qui jouent avec Pelé toutefois, un Pelé toujours inspiré par les Bleus puisque cinq ans après la Suède, il réussit un nouveau triplé qui assure la victoire aux Brésiliens (3-2). L’équipe de France, qui alignait dans les cages un tout jeune gardien, Georges Carnus, a pourtant fait mieux que se défendre, en revenant deux fois au score par Wisnieski et Di Nallo avant de plier à six minutes de la fin sur une accélération fulgurante du meilleur joueur du monde. Le lendemain, l’Equipe titre sobrement Pelé 3 - France 2.
Les choses sérieuses reprennent fin septembre à Sofia contre la Bulgarie. Les Bleus se méfient de leur bête noire préférée (avec la Yougoslavie). Mais Georges Verriest ne trouve rien de mieux que d’aligner quatre (!) débutants, dont trois en défense (Adamczyk, Michelin et Artelesa, plus Buron en attaque). Les Bleus se font surprendre par une action bulgare où l’arbitre laisse l’avantage après une faute de Chorda (24e). Ce sera le seul but du match, les locaux assurant le score en se repliant en défense.
Un mois plus tard, le 25 octobre, c’est le match retour au Parc. Il faut l’emporter par deux buts d’écart pour s’ouvrir la route des quarts de finale au printemps. Raymond Kopa, rappelé par le sélectionneur, finit par renoncer à la sélection, ainsi que le Rennais Marcel Loncle. Heureusement, les Bleus peuvent compter sur le milieu stéphanois Robert Herbin (un but, une passe décisive), sur l’attaquant de Rouen Yvon Goujon (doublé) et sur un jeune joueur de 18 ans très prometteur, Georges Lech. Il fallait bien ça car les Bulgares ont égalisé à un quart d’heure de la fin. 3-1, comme en 1977, et qualification en poche.
L’année se termine en demi-teinte avec deux matches amicaux à domicile contre la Suisse et la Belgique. Face aux premiers, les Bleus débutent à fond les manettes et mènent 2-0 au bout d’une demi-heure, Lech ayant ouvert son compteur buts. C’est compter sans la poisse habituelle qui revient sous la forme d’un but contre son camp de Marcel Artelesa alors que le gardien Pierre Bernard percute son défenseur André Chorda, lequel doit quitter le terrain (les remplacements après la mi-temps étant alors interdits). A dix, les Bleus encaissent un second but sur un poteau rentrant dans le dernier quart d’heure (2-2).
Le jour de Noël (!), c’est la Belgique qui se présente au Parc. Visiblement la dinde aux marrons n’est pas tout à fait digérée, car à la pause les Rouges mènent 2-1 (doublé de Paul Van Himst) et marquent même un troisième but (par le même), mais ce dernier est refusé pour une position de hors-jeu.
La révélation de l’année
Georges Lech. Le Lensois a débuté en sélection à 18 ans et 4 mois, c’est le cinquième joueur le plus précoce en équipe de France. Quand il est appelé contre la Bulgarie en octobre, il bénéficie sans doute de l’absence de Raymond Kopa. C’est lui qui, depuis le côté droit de l’attaque française, permet aux Bleus d’éviter la prolongation (le score est alors de 2-1, comme au match aller) en offrant un centre converti en but par Yvon Goujon. Lech est logiquement rappelé en novembre contre la Suisse, où il marque le premier de ses sept buts en sélection, ainsi que contre la Belgique le jour de Noël. Il jouera 35 fois en Bleu jusqu’en 1973. C’est le meilleur total chez les douze joueurs à avoir été sélectionnés avant leur dix-neuvième anniversaire.
Les joueurs de l’année
28 joueurs ont été appelé lors des huit matches, mais aucun n’a participé à tous. Sept d’entre eux en ont disputé plus de la moitié : Pierre Bernard et Yvon Douis (7), André Chorda et Robert Herbin (6), Joseph Bonnel, Yvon Goujon et Bruno Rodzik (5). La rotation a été élevée puisque l’année 1963 aura vu sept débutants : Georges Lech (Bulgarie), Georges Carnus (Brésil), Georges Casolari (Belgique), Marcel Artélésa (Bulgarie), Pierre Michelin (Bulgarie), Paul Chillan (Pays-Bas), Marcel Adamczyk (Bulgarie), Serge Masnaghetti (Espagne) et Jean-Louis Buron (Bulgarie). Et dix autres joueurs quittent la sélection cette année-là, dont André Lerond et Maryan Wisnieski.
Les buteurs de l’année
Maryan Wisnieski a marqué trois fois, devant Lucien Cossou et Yvon Goujon (deux). Serge Masnaghetti, Robert Herbin, Fleury Di Nallo, Jean-Louis Buron ont marqué un but chacun. Ça n’a pas porté chance à Wisniewski, Buron, Masnaghetti et Goujon, qui n’ont pas été rappelés par la suite.
Carnet bleu
Naissance de Bernard Lama (le 7 avril), de Gilles Rousset (22 août), Eric Di Meco (7 septembre), Christian Perez (15 mai), Carmelo Micciche (16 août), Sylvain Kastendeuch (31 août), Jean-Pierre Papin (5 novembre), Daniel Bravo (9 février)
Décès de Yvan Beck (2 juin).