1974, une année dans le siècle

Publié le 5 août 2014 - Bruno Colombari

ABBA et Nixon, Giscard et Emmanuelle, la révolution des œillets et Massacre à la tronçonneuse, mais aussi Beckenbauer, les débuts de Giresse, la suprématie de Guillou : ça se passait comme ça en 1974.

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Le contexte historique

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L’année 1974 est marquée par la démission, le 9 août, de Richard Nixon, président des Etats-Unis, discrédité par l’affaire du Watergate révélée deux ans plus tôt. Le nouveau président, Gerald Ford, lui accorde aussitôt son pardon. En URSS, Alexandre Soljenitsyne est expulsé du pays en février après la publication de l’Archipel du Goulag. Au Portugal, la Révolution des œillets dépose le pouvoir salazariste le 25 avril avec l’appui de l’armée. Le régime des colonels en Grèce est balayé le 23 juillet après sept ans de dictature. Yasser Arafat est reçu à l’ONU le 13 novembre, et le droit des Palestiniens à la souveraineté est à l’indépendance nationale est proclamé. En France, Valéry Giscard d’Estaing est le nouveau président de la République après la mort de Georges Pompidou, le 2 avril.
Au cinéma, le film de genre est à l’honneur avec La tour infernale de John Guillermin, Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper ou Emmanuelle, de Just Jaeckin.
En musique, ABBA tourne en boucle avec Waterloo, Kiss sort deux albums, tout comme Queen avec son Shear Heart Attack. En France, Claude François, qui ne change pas encore d’ampoules dans sa baignoire, fait pleurer son téléphone. Le Festival BD d’Angoulême est créé en février de cette année-là.

Le contexte sportif

Après trois ans de domination écrasante de l’Ajax d’Amsterdam, c’est le Bayern qui prend le relais en remportant la coupe d’Europe des clubs champions. Maier, Muller et Beckenbauer réussissent même le doublé en donnant une leçon à de trop prétentieux néerlandais à Munich en finale de la coupe du monde. La domination allemande, commencée deux ans plus tôt avec la Coupe d’Europe des Nations, durera une vingtaine d’années.
En France, C’est Saint-Etienne, désormais entraîné par Robert Herbin, qui reprend le contrôle du championnat après ses quatre titres entre 1967 et 1970.

Le sélectionneur en poste

Stefan Kovacs. Le Docteur Miracle venu de l’Ajax l’année précédente observera de loin la coupe du monde en Allemagne de l’Ouest, puisque les Bleus ne sont pas qualifiés. L’année 1974 ne comptant que deux matches de compétition, les deux derniers, le technicien va avoir le temps de mettre en place une équipe capable de jouer un rôle à la Coupe d’Europe des Nations 1976. Il souhaite développer le concept de football total qui réussit si bien aux Hollandais, sauf que les Bleus sont un peu juste physiquement et pâtissent du faible niveau des clubs de l’Hexagone. Et surtout, ils manquent d’un attaquant de haut niveau que n’est pas, malgré toutes ses qualités, Georges Bereta.

Le récit de l’année

Pendant que se prépare la dixième coupe du monde qui aura lieu en Allemagne de l’Ouest, les Bleus n’ont que des matches amicaux à disputer en attentant les qualifications pour la coupe d’Europe des Nations qui commenceront à l’automne. Le premier match se déroule au Parc des Princes contre la Roumanie avec trois débutants, un par ligne : le défenseur Albert Vannucci (qui ne fera que passer), le milieu Jean-Marc Guillou et l’ailier Christian Dalger. C’est Georges Bereta qui marquera le seul but d’un match soporifique, d’un coup-franc canon joué à deux avec Henri Michel.

Un mois plus tard, l’équipe de France se déplace à Prague contre une bonne équipe tchécoslovaque (future championne d’Europe deux ans plus tard). Chiesa joue en numéro 10 et va mettre le feu dans la défense adverse, qui cède deux fois dans la première demi-heure. Tout va pour le mieux, mais il suffit de deux minutes de flottement pour perdre l’avantage : 2-2 à la 34e. Lacombe redonne l’avantage à la 72e sur une remise de Chiesa, mais les Bleus ne retiennent pas la leçon et se font encore rejoindre par Panenka (3-3 à la 86e), lequel n’a pas encore inventé le pénalty qui portera son nom.

En mai, l’Argentine commence sa préparation pour la coupe du monde en venant à Paris, où elle s’impose 1-0 sur un but de Mario Kempes, dont on reparlera quatre ans plus tard. Il n’y a d’ailleurs que deux futurs champions du monde dans cette équipe, Kempes et Houseman. C’est suffisant pour venir à bout de Bleus qui ne voient pas beaucoup le ballon.

Le dernier amical de l’année, le 7 septembre à Wroclaw, n’est pas vraiment un cadeau : la Pologne vient de décrocher le bronze lors de la coupe du monde en Allemagne, deux ans après l’or olympique à Munich. Et pourtant, les Bleus décidément imprévisibles l’emportent facilement grâce à des buts de Coste et Jodar. Christian Coste faisait ses débuts internationaux, tout comme Alain Giresse, qui mettra encore six ans avant de se faire une place de titulaire en sélection.

C’est donc confiants que les hommes de Stefan Kovacs se rendent à Bruxelles pour y affronter une Belgique qui ne leur réussit guère. Et s’ils réagissent vite à l’ouverture du score des Diables Rouges (par Coste à la 16e), ils lâchent prise après la pause : Baratelli sort un pénalty de Teugels à la 58e, mais une erreur défensive de Lacombe profite à Van der Elst (2-1, 75e) qui met d’entrée la pression sur l’équipe de France. Dans un groupe de quatre avec un seul qualifié, toute défaite coûte en effet très cher.

Autant dire qu’il faut l’emporter contre la RDA le 16 novembre au Parc. Ça commence très mal puisque après la défection de Serge Chiesa qui a claqué la porte des Bleus lors du stage de préparation (il ne rejouera plus en sélection), les Allemands de l’Est mènent 2-0 à l’heure de jeu en profitant des largesses de la défense française. Ça sent l’élimination prématurée, alors Jean-Marc Guillou, de loin le meilleur Bleu cette année-là, sort le grand jeu et arrache l’égalisation en dix minutes (79e et 89e). 2-2 donc, mais c’est une bien mauvaise opération pour une équipe de France de transition. Les jours meilleurs, c’est pour bientôt, mais il faudra attendre encore un peu.

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La révélation de l’année

Jean-Marc Guillou. Le meneur de jeu du SCO d’Angers a vingt-huit ans et trois mois lorsqu’il est appelé pour la première fois par Stefan Kovacs. Un peu vieux pour une révélation, et pourtant il va immédiatement s’installer comme titulaire dans l’entrejeu, jusqu’à l’émergence de Michel Platini (qui a dix ans de moins) au printemps 1976. Michel Hidalgo l’associera très ponctuellement à Platoche au milieu, jusqu’à la coupe du monde 1978 où il disputera son dernier match international contre l’Italie. Son sens de la passe, ses qualités de dribbleur et son amour du beau jeu arrivent malheureusement trop tôt : avec sept ou huit ans de moins, il aurait pu faire la carrière d’Alain Giresse au sein d’une équipe de France beaucoup plus forte que celle de 1974.

Les joueurs de l’année

Après la grosse revue d’effectifs de 1973, Stefan Kovacs teste 27 joueurs sur les six matches de 1974. Le défenseur François Bracci, le milieu de terrain Jean-Marc Guillou et l’attaquant Georges Bereta participent à l’intégralité de tous les matches, Jean-Pierre Adams n’en manquant que 26 minutes. Marius Trésor, Jean-Noël Huck et Henri Michel viennent ensuite avec cinq titularisations. Dans les cages, Jean-Paul Bertrand-Demanes (4) et Dominique Baratelli (2) se partagent le travail.

Huit joueurs débutent cette année-là. Outre Jean-Marc Guillou, on découvre Christian Coste, Albert Vannucci, Gérard Soler, Alain Giresse, Christian Dalger, Jean Gallice et Christian Synaeghel. Trois autres finissent leur carrière internationale : Charly Loubet, Pierre Repellini et Serge Chiesa, auxquels il faut ajouter Albert Vanucci déjà cité.

Les buteurs de l’année

Dans une année particulièrement pauvre en buts, Bernard Lacombe et Christian Coste se sont illustrés en marquant deux fois. Les autres réalisations sont signées Bereta, Guillou, Jodar, Chiesa et Gallice.

Carnet bleu

Sept internationaux sont nés en 1974, dont un champion du monde et un champion d’Europe : Steve Marlet (10 janvier), Florian Maurice (20 janvier), Bernard Diomède (23 janvier), Gérard Soler (29 mars), Sylvain Wiltord (10 mai), Olivier Dacourt (25 septembre) et Martin Djetou (15 décembre).

Décès de François Vasse (5 janvier), Marcel Desrousseaux (3 juillet) et Georges Janin (29 juillet).

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal