Un statut de titulaire incontestable
Avant de jouer contre le Brésil et le Danemark en mars dernier, Antoine Griezmann comptait 14 sélections en Bleu. Et ce, en tout juste un an. Il faut en effet se rappeler qu’en mars 2014, quand Didier Deschamps l’appelle en équipe de France pour affronter les Pays-Bas, l’attaquant de la Real Sociedad venait jouer le rôle d’une doublure de Franck Ribéry, lequel s’imaginait encore, trois mois plus tôt, sacré Ballon d’Or... Les choses vont très vite.
Depuis, il y a eu une coupe du monde conforme aux attentes et un statut de titulaire en attaque. Même si Antoine Griezmann est entré six fois en jeu pendant cette première année, à chaque fois il aura apporté quelque chose, soit en marquant (déjà cinq buts, ce qui n’est pas négligeable), soit en créant des décalages dans les défenses adverses. Aujourd’hui, on ne voit personne en mesure de contester sa place chez les Bleus, d’autant plus que son transfert à l’Atletico Madrid lui a fait franchir un palier important.
A tel point que son intégration accélérée en sélection rappelle celles, un an plus tôt, de Raphaël Varane et Paul Pogba. La comparaison s’arrête là, car en défense ou au poste de relayeur, il y a beaucoup moins de rotation qu’en attaque. Pour évaluer la qualité des débuts de Griezmann, il convient d’étudier ce qu’ont fait, à leur époque et dans des contextes différents, cinq de ses prédécesseurs.
Place aux jeunes !
Qui choisir ? Le critère premier est le niveau atteint par le joueur. Le second est la rapidité d’intégration chez les Bleus et le fait d’avoir très vite éteint la concurrence. C’est le cas de Jean Vincent en 1953, titularisé en coupe du monde sept mois plus tard et qui met un terme à la carrière internationale de Pierre Flamion. Même chose pour Dominique Rocheteau en 1975, porté par la vague verte à seulement vingt ans et qui relègue Marco Molitor et Gérard Soler aux oubliettes. Jean-Pierre Papin est certes le seul attaquant axial du lot, mais le culot et la fraîcheur qu’il apporte à l’hiver 1986 lui valent une place pour le Mundial mexicain au milieu d’une équipe championne d’Europe, alors que José Touré a déclaré forfait sur blessure. Onze ans plus tard, puisque aucun de ses attaquants ne s’est imposé (parmi lesquels Marc Keller, Nicolas Ouédec et Florian Maurice), Aimé Jacquet fait appel à Thierry Henry. Le jeune monégasque marquera trois buts à la coupe du monde, ne manquant que la finale. Enfin, en mai 2006, Franck Ribéry bouscule la hiérarchie et relègue Sylvain Wiltord sur le banc au moment de faire les valises pour l’Allemagne.
Les graphiques suivants mettent l’accent sur plusieurs aspects. Le premier indique le nombre de sélections obtenues un an après les débuts. Pour Antoine Griezmann, qui compte actuellement (mai 2015) 16 sélections, les stats ont été arrêtées début mars, avant les deux derniers matches contre le Brésil et le Danemark. Avec 14 capes, il arrive juste derrière son prédécesseur Franck Ribéry. Ce dernier a gagné un match de plus, mais Griezmann n’a connu au cours de sa première année qu’une seule défaite, contre l’Allemagne à Rio (il a perdu depuis un second match face au Brésil). Ribéry avait chuté deux fois, en Ecosse et face à l’Argentine. Thierry Henry arrive ensuite, et lui n’avait toujours pas perdu lors de ses 11 premiers matches. A noter que seul Dominique Rocheteau compte autant de défaites que de victoires.
Jean Vincent meilleur buteur
Au niveau des buts, Antoine Griezmann fait jeu égal avec Jean Vincent, même si le Lillois n’a eu besoin de que de six matches pour marquer cinq buts. Thierry Henry avait inscrit trois buts, les trois en coupe du monde d’ailleurs, tout comme Jean-Pierre Papin (deux buts) qui avait copieusement arrosé les cages canadiennes avant de faire mouche pour ses grands débuts en compétition.
Papin, quatre mois avant le Mexique
A propos de coupe du monde, il est important de constater que, hormis Rocheteau qui a débuté loin d’une phase finale, les cinq joueurs observés ont tous été appelés au plus haut niveau alors qu’ils n’avaient intégré l’équipe nationale que depuis quelques mois (sept pour Vincent et Henry, quatre pour Papin, trois pour Griezmann et un pour Ribéry). Personne n’a fait mieux que Franck Ribéry, qui a participé à tous les matches en Allemagne, dont six en tant que titulaire, et qui aurait pu être champion du monde à sa huitième sélection. Thierry Henry en a joué six, dont trois dès le coup d’envoi, et Griezmann cinq (trois fois titulaire). Jean Vincent et Jean-Pierre Papin en ont disputé deux.
Griezmann et Ribéry, les plus assidus
Pour mesurer la vitesse d’intégration d’un nouveau joueur, un indicateur pertinent est l’assiduité. Pour calculer cette dernière, il suffit de compter le nombre de matches manqués sur une période donnée, en l’occurrence la première année de sélection. Le pourcentage exprimé est celui du nombre de matches auxquels le joueur a participé.
Là encore, le duo Ribéry-Griezmann se détache nettement. Les deux attaquants n’ont manqué qu’un seul match lors de leur première année internationale, ce qui est d’autant plus remarquable que cette dernière compte un grand nombre de rencontres (une quinzaine). Jean Vincent vient ensuite, alors que Henry, Papin et Rocheteau ont mis plus de temps pour s’imposer.
L’autre indicateur est bien sûr le nombre de titularisations. Sachant que pour un attaquant, s’imposer dans l’équipe-type est beaucoup plus difficile que pour un défenseur ou un milieu de terrain, les postes offensifs étant soumis à une rotation beaucoup plus rapide.
Rocheteau toujours titulaire
Si on met de côté le cas de Jean Vincent, puisque dans les années cinquante il n’y avait pas de remplacement (sauf pour blessure en match amical), on notera que Dominique Rocheteau n’a jamais été remplaçant lors de ses quatre premiers matches, même s’ils ont été espacés dans le temps, en raison de blessures au printemps 1976 quand Michel Hidalgo prend en charge la sélection. Parmi les trois joueurs les plus souvent appelés, c’est encore Ribéry qui compte le plus de titularisations (12 sur 16), loin devant Griezmann (8 sur 14) et Henry (6 sur 11), qui avait été renvoyé en Espoirs par Roger Lemerre après la coupe du monde.
En guise de conclusion, on retiendra que la première année d’Antoine Griezmann a dépassé les espérances qu’on pouvait mettre sur lui début 2014. Son apport dans le jeu des Bleus est indéniable, et s’il manque encore de régularité, on peut imaginer qu’il ne pourra que progresser dans ce domaine d’ici l’Euro. A 24 ans, il fait partie de ceux avec lesquels Deschamps va bâtir son groupe, bien loin du statut de doublure de qui, déjà ? Ah oui, de Franck Ribéry. On commençait à l’oublier.