Le contexte de son arrivée
Henri Michel, c’est le successeur le plus prévisible de ces quarante dernières années, tout comme l’avait été Michel Hidalgo avec Stefan Kovacs. Dès 1982, les choses étaient claires : le capitaine du FC Nantes, 58 sélections en équipe de France de 1967 à 1980, prendrait en charge les Bleus après l’Euro 1984, Michel Hidalgo ayant annoncé qu’il mettrait un terme à son mandat au terme de celui-ci. Même s’il a affirmé après coup avoir regretté sa décision, Hidalgo est un homme de parole et se retire en juillet 1984, après avoir fait des Bleus les champions d’Europe. Entre temps, Henri Michel a pris en charge l’équipe de France olympique, ouverte aux joueurs pro sous conditions. Il va l’amener à la médaille d’or avec une équipe pourtant assez moyenne, hormis José Touré, avec à la clé une victoire contre le Brésil en finale à Los Angeles (2-0). A 36 ans et 10 mois, il est alors le deuxième plus jeune sélectionneur de l’histoire [1]
Son apport
Quand il hérite clé en main de l’équipe championne d’Europe le 5 septembre contre l’Inter Milan en match amical non-officiel [2], la tentation est grande de garder le dernier groupe de Michel Hidalgo. Mais Bernard Lacombe a mis un terme à sa carrière internationale, Didier Six aussi. Il intègre donc Michel Bibard, champion olympique, et rappelle Dominique Bijotat et Philippe Anziani. Jusqu’en 1986, son apport ne sera pas considérable, hormis la pérennisation de la charnière centrale Battiston-Bossis, la relance de Yannick Stopyra au poste d’avant-centre et la découverte de Jean-Pierre Papin.
Il faut reconnaître que s’il ne brilla pas par des trouvailles audacieuses comme le carré magique de 1982, Henri Michel a joué de malchance à plusieurs reprises : José Touré se blesse à nouveau en mars 1986 alors que son entente avec Platini, Giresse et Rocheteau avait laissé entrevoir de magnifiques promesses [3], Platini arrive à la Coupe du monde diminué par une blessure au tendon d’Achille et Giresse, qui va sur ses 34 ans, va beaucoup souffrir de la chaleur et de l’altitude des hauts-plateaux mexicains.
L’erreur d’Henri Michel, si erreur il y eût, c’est de ne pas avoir de plan B solide, comme Roger Lemerre en 2002. Philippe Vercruysse, Jean-Marc Ferreri, Bruno Bellone et Jean-Pierre Papin offrent sur le papier des alternatives intéressantes aux postes de milieux offensifs et d’attaquants, mais aucun des quatre ne justifiera les attentes au Mondial. La faiblesse de la génération suivante (celle des Kastendeuch, Passi, Paille, Poullain ou Thouvenel) montrera qu’il n’y avait pas vraiment d’alternative.
Piètre communicant, le jeune sélectionneur est peu à l’aise pour s’exprimer devant ses joueurs dont certains n’ont que trois ou quatre ans de moins que lui. C’est pourtant avec un gamin de 22 ans, incarnant la génération de l’après-Platini, qu’un clash va achever de fissurer son autorité. A l’été 1988, alors que les Bleus ont manqué l’Euro en Allemagne et préparent la campagne qualificative pour le Mondiale italien, Eric Cantona insulte le sélectionneur coupable de l’avoir convoqué avec les Espoirs alors qu’il compte 5 sélections en A. Deux mois plus tard, à Chypre, les Bleus touchent le fond (1-1).
Le tournant
Le 11 octobre 1986, Guadalajara semble bien loin. Bossis, Battiston, Giresse et Rocheteau ont mis un terme à leur carrière internationale et sur la route des qualifications pour l’Euro 1988 se dresse l’URSS de Lebanovski. Quatre mois plus tôt, les deux équipes s’étaient déjà croisées au premier tour de la Coupe du monde, et le 1-1 final avait des allures de victoire pour les Bleus. Au Parc, avec leur charnière centrale Boli-Jeannol qui cumule deux sélections, ils résistent une heure puis cèdent en six minutes (Belanov 67e, Rats 73e) face à une équipe largement supérieure. Après une défaite en amical en Suisse (0-2) et un inquiétant nul en Islande (0-0), les Bleus semblent être soudainement trop courts. Ils débutent un long tunnel de près de dix ans, jusqu’à l’Euro 1996.