Voilà deux joueurs révélés très tôt, bien avant vingt ans, et qui avaient un talent hors norme basé sur l’explosivité, la vitesse, le toucher de balle, la facilité technique et une précision de frappe qui leur permettait d’empiler les buts en partant de l’aile gauche et en rentrant pied droit dans l’axe.

Voilà deux joueurs promis à une carrière exceptionnelle qui ferait d’eux le meilleur en France, puis dans le monde, l’égal des plus grands. Mais qui, a un moment donné, ont marqué le pas.

Jusqu’où iront les parallèles entre Thierry Henry et Kylian Mbappé ? Il est trop tôt pour le savoir, puisque si le premier a remisé les crampons depuis dix ans, le second est probablement à la moitié de sa carrière (il aura 26 ans le 20 décembre). Or, à 26 ans (août 2003), Thierry Henry n’avait que 51 sélections (sur un total final de 123) et n’avait inscrit que 22 buts (sur 51). Il lui restait un peu moins de sept ans de carrière internationale, et onze ans de carrière en club. Il était encore en course pour le Ballon d’or, passera tout près de la Ligue des Champions avec Arsenal et d’une deuxième Coupe du monde avec les Bleus en quelques semaines, en 2006, jouera trois saisons au FC Barcelone et terminera sa carrière à New York.

Si on projette cette deuxième partie de carrière sur Mbappé, ça voudrait dire qu’il jouera deux phases finales mondiales (2026 et 2030) et deux Euros (2028 et 2032), jouera en club jusqu’en 2035 (37 ans !) et porterait son total de sélections à plus de 150, et son total de buts à près d’une centaine.

Mais en fait, on n’en sait rien. Ni sur la durée, ni sur le contenu : Mbappé empilera peut-être les titres avec le Real en mode Benzema ou Varane, raflera une ou deux Coupes du monde supplémentaires et remportera enfin l’Euro ou le Ballon d’or, qui le fuient pour l’instant. Ou alors, son transfert au Real marquera le début de son déclin et son statut en sélection sera de plus en plus contesté.

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De Clairefontaine à Monaco

En attendant, il y a quand même un certain nombre de points communs dans les carrières respectives des deux hommes.

Tous deux ont commencé leur parcours professionnel à l’AS Monaco après avoir été formés dans des clubs franciliens, aux Ulis pour Henry, à Bondy pour Mbappé, puis à l’INF Clairefontaine. Le premier arrive en principauté à 16 ans, en juillet 1993, et débute en Ligue 1 un an plus tard, à 17 ans. Le second n’a pas encore 15 ans quand il débarque à Monaco en 2013, et arrive en Ligue 1 quelques jours avant ses 17 ans, en décembre 2015. Au passage, il bat le record de précocité pour un joueur en équipe A à Monaco, record détenu jusqu’alors par… Thierry Henry. il marque son premier but en championnat en avril 2016, battant là encore un record de précocité à Monaco, record détenu, devinez par qui ?

En Ligue des Champions, Mbappé explose littéralement face à Manchester City en février 2017, où il marque son premier but dans la compétition, à 18 ans et deux mois. Seul Benzema avait été plus précoce. Henry a 20 ans et un mois lorsqu’il ouvre son compteur buts dans la même compétition, face au Bayer Leverkusen (doublé).

Champions d’Europe en U18 et U19

En sélection, Henry est champion d’Europe U18 en 1996, où il est capitaine. En 2016, Mbappé suit ses traces en devenant champion d’Europe U19 (il n’a alors que 17 ans et demi). Tous deux sont champions de France avec l’AS Monaco à vingt ans d’intervalle : Henry en 1997 (36 matchs, 9 buts, 8 passes décisives), un peu avant son vingtième anniversaire, Mbappé en 2017, à 18 ans et demi (29 matchs, 15 buts, 8 passes décisives). Mais si ce dernier quitte le club dès la saison suivante, Henry reste jusqu’en janvier 1999 où il signe à la Juventus. Auparavant, il avait paraphé un contrat irrégulier… avec le Real Madrid, où il ne mettra jamais les pieds.

Mais avant ce premier transfert, les deux attaquants ont eu le temps de connaître l’équipe de France : en octobre 1997 pour Henry (à 20 ans et un mois) et en mars 2017 pour Mbappé (à 18 ans et 3 mois). La différence, c’est que le premier est tout près de la Coupe du monde, pour laquelle il est retenu à la dernière minute par Aimé Jacquet. Avec un bilan constrasté : meilleur buteur français (3 buts en 6 matchs) mais une finale vécue depuis le banc, alors qu’il était entré en jeu en quart et en demi, comme son coéquipier David Trezeguet. Mais en finale, priorité à Christophe Dugarry (pourtant sur une jambe), Alain Boghossian et Patrick Vieira. Il est toutefois titré à 20 ans, 10 mois et 25 jours.

Mbappé aura le temps de faire sa place en Bleu avant la Coupe du monde 2018, de devenir titulaire et de récupérer le numéro 10 : quand débute le tournoi, son statut n’est pas du tout le même que celui de son aîné en 1998. Il joue tous les matchs, inscrit quatre buts dont un doublé face à l’Argentine de Messi et clôt la marque en finale contre la Croatie. Il devient champion du monde à 19 ans, 6 mois et 26 jours.

L’un brille en Coupe du monde, l’autre gagne l’Euro

En sélection, les trajectoires des deux joueurs vont rapidement diverger : Henry n’est plus rappelé pendant 18 mois par Roger Lemerre, qui le renvoie en Espoirs. Il est réintégré au dernier moment pour l’Euro 2000, qu’il remporte après avoir inscrit à nouveau trois buts, et avec un statut de titulaire. Mais il échoue lourdement à sa deuxième Coupe du monde, en 2002, en souffrance à un genou et expulsé en début de match contre l’Uruguay. Il remporte la Coupe des Confédérations 2003 en marquant le but de la victoire contre le Cameroun, mais n’est pas décisif à l’Euro 2004, éliminé en quart de finale. A 27 ans, il semble mûr pour prendre la succession de Zidane, qui vient d’annoncer sa retraite internationale.

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Vingt ans plus tard, Mbappé en est à peu près au même point, sauf que lui est capitaine des Bleus depuis mars 2023, alors que Griezmann était encore là. Et que si lui a étincelé lors de sa deuxième Coupe du monde (8 buts, dont un triplé en finale), l’Euro n’est pas son ami : échec en 2021 sans le moindre but marqué et un tir au but raté contre la Suisse, échec encore en 2024 avec une fracture du nez dès le premier match et un rendement très insuffisant (un but sur pénalty et une passe décisive en cinq apparitions). Et comme Henry, il a gagné une compétition mineure, la Ligue des Nations 2021, lui aussi en marquant en finale.

Meilleurs buteurs de leur club

En club, chacun des deux est devenu le meilleur buteur de l’histoire de ses couleurs. Thierry Henry a passé 9 ans à Arsenal, marquant 228 buts en 369 matchs. Il échoue une fois en finale de la Ligue des Champions en 2006 contre Barcelone, qu’il rejoint l’année suivante. Kylian Mbappé passe sept saisons au Paris Saint-Germain, inscrivant 256 buts en 308 matchs. Mais pas sûr que lui ait sa statue sur le parvis du Parc… Lui aussi a échoué en finale de la Ligue des Champions, en 2020 contre le Bayern.

C’est à trente ans que Henry quitte Arsenal pour Barcelone, donc quatre ans plus tard que Mbappé. Sur les trois saisons passées en Catalogne, sa deuxième est la meilleure avec six titres raflés sous les ordres de Pep Guardiola qu sein d’une attaque de feu avec Samuel Eto’o et un certain Lionel Messi. Lionel Messi que Mbappé va côtoyer lors de ses deux dernières saisons à Paris. On ne sait pas pour l’instant s’il va faire une moisson de titres à Madrid, qui a remporté six des onze dernières Ligues des Champions. C’est l’idée, en tout cas.

Une deuxième partie de carrière internationale qui n’a pas tenu ses promesses

En sélection, la dernière partie de carrière de Thierry Henry, après 2004, est globalement décevante. Côté positif, on pourra inscrire évidemment une deuxième finale de Coupe du monde en 2006, perdue aux tirs au but comme pour Mbappé en 2022, et un record de buts (51), ou encore une quatrième phase finale de Coupe du monde en 2010, le seul joueur français à l’avoir fait. Côté négatif, Ses six dernières années ne l’ont pas vu prendre clairement le leadership du groupe malgré le départ des derniers cadres de 1998 (Barthez et Zidane en 2006, Thuram et Trezeguet en 2008, Vieira en 2009).

Et sa dernière saison en Bleu aura été un calvaire : après un 51e et dernier but contre l’Autriche en octobre 2009, il permet l’égalisation de Gallas contre l’Irlande après avoir contrôlé le ballon du bras puis de la main dans la surface adverse. En mars 2010, il fait le forcing auprès de Raymond Domenech pour être dans la liste pour la Coupe du monde, qu’il traverse comme une ombre en entrant trois fois en jeu sans aucun résultat. Il porte le brassard pendant les 35 dernières minutes contre l’Afrique du Sud, l’adversaire contre lequel il avait débuté en 1997, et joué son premier match de Coupe du monde (et marqué son premier but en sélection) en 1998.

On souhaite à Mbappé un avenir plus radieux, mais la pente sur laquelle il se trouve engagé depuis 2023 n’est pas encourageante. Sa popularité est en baisse, son comportement agace, il est pris dans des démêlés contractuels et financiers avec le PSG et sa virée d’octobre en Suède ne ressemble pas à l’idée du siècle. Et surtout, son rendement en sélection inquiète : deux buts marqués en 11 matchs en 2024, pour 6 victoires et 3 défaites. Le départ de Griezmann, annoncé fin septembre, lui fait pour l’instant plus d’ombre que de lumière.