Le 5-0, c’est ce qu’on appelle en Espagne la Manita, une main à cinq doigts, ou encore une gifle. C’est une victoire retentissante (ou une défaite cinglante) qui n’appelle aucune contestation : on ne peut pas gagner un match 5-0 contre le cours du jeu. C’était un score relativement fréquent jusqu’aux années 30, mais dans le sens de la défaite. Puis il disparaît de la circulation pendant près de quarante ans, de 1931 à 1969, soit 218 matchs. Exceptionnel dans les années 1970, 1980 et 1990 (une seule occurrence par décennie), il se banalise au 21e siècle avec 10 apparitions, toutes des victoires. Mais il y en a eu que deux au cours de l’ère Deschamps (Paraguay 2017 avec un triplé de Giroud, Afrique du Sud 2022 avec un doublé de Mbappé), alors que Jacques Santini, qui n’est resté sélectionneur que pendant deux ans, en a presque fait une marque de fabrique (4 entre octobre 2002 et septembre 2003).
Les chiffres clé
– 14 victoires par 5-0 depuis 1904 (6 en amical, 8 en compétition dont 2 en phase finale)
– 12 victoires 5-0 à domicile, 2 à l’extérieur
– 2 victoires 5-0 contre les Féroé
– dernière victoire 5-0 le 29 mars 2022 contre l’Afrique du Sud à Villeneuve d’Ascq
– 5 défaites par 0-5 depuis 1904 (toutes en amical)
– 3 défaites 0-5 à domicile, 2 à l’extérieur
– 2 défaites 0-5 face à l’Angleterre
– dernière défaite 0-5 le 12 mars 1969 contre l’Angleterre à Wembley
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Voir le tableau des scores et le tableau des matchs
Le premier : France-CONCACAF, le 11 juin 1972
Dx-sept mois après une tournée d’hiver en Argentine, l’équipe de France se rend à nouveau en Amérique du Sud, au Brésil, pour participer à la Coupe de l’Indépendance. Elle se retrouve dans un groupe de quatre avec l’Argentine, l’Afrique et une sélection de la Concacaf qui remplace le Mexique, forfait. C’est une équipe composée de Haïtiens et de Honduriens contre lesquels les Bleus butent pendant une heure, menant 1-0 grâce à Georges Bereta. Dans le dernier tiers du match, les vannes sont ouvertes et Hervé Revelli signe un triplé, interrompu par un but contre son camp de José Fernando Bulnes. Il a fallu attendre 68 ans et 340 matchs pour voir le premier 5-0 favorable.
Le plus beau : France-Belgique, le 16 juin 1984
Si Séville est un sommet émotionnel, si le Vélodrome, une semaine plus tard, sera un suspense hitchcockien, si Guadalajara est un feu d’artifice, le France-Belgique de Nantes est une oeuvre d’art éphémère, 90 minutes de pur bonheur dans la lumière d’un après-midi de printemps. Alignés dans un 3-5-2 rendu nécessaire par le forfait de Le Roux et la suspension d’Amoros, les Bleus transforment leur carré magique en un hexagone injouable, même par une Belgique aux allures d’épouvantail. A la mi-temps, les Diables Rouges sont déjà essorés par trois buts de Platini (4e), Giresse (33e) et Fernandez (44e). Ça se calme un peu après la pause, mais Platini s’offre le premier triplé en sélection dans le dernier quart d’heure sur pénalty (74e) puis d’une tête décroisée (89e).
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Lire l’article 16 juin 1984 : France-Belgique
Le plus rapide : France-Japon, le 24 mars 2001
Pour définir un score rapide, il suffit de regarder à quelle minute est inscrite le dernier but. A ce petit jeu-là, c’est le France-Japon amical de 2001 qui l’emporte : le cinquième et dernier but est inscrit par David Trezeguet à la 68e minute, alors qu’il avait lui même marqué le quatrième sept minutes avant (61e), peu de temps après celui de Wiltord (56e). Les deux premiers avaient été inscrits dans le premier quart d’heure par Zidane sur pénalty (9e) et Henry (13e). Les deux équipes se retrouveront à Yokohama trois mois plus tard en finale de la Coupe des Confédérations, pour une nouvelle victoire française, plus serrée celle-là (1-0).
Le plus tardif : France-Nouvelle Zélande, le 22 juin 2003
A l’inverse du précédent, le 5-0 le plus tardif est celui où le dernier but a été marqué le plus tard. Ce France-Nouvelle Zélande, premier de l’histoire entre les deux pays, s’est joué dans un Stade de France même pas à moitié plein lors du premier tour de la Coupe des Confédérations 2003. Il a commencé tambour battant, Olivier Kapo et Thierry Henry marquant juste après le premier quart d’heure (15e et 20e). Puis tout ce petit monde s’est assoupi (les Bleus étaient déjà qualifiés pour la demi-finale) jusqu’au but de Djibril Cissé (70e). Pour donner un peu plus d’allure au score, Ludovic Giuly et Robert Pirès, entré à la place de Wiltord, marquaient encore deux fois dans le temps additionnel (90e et 92e).
Le plus éclectique : France-Corée du Sud, le 30 mai 2001
Pour préparer la Coupe du monde 2002, le Japon et la Corée du Sud accueillent conjointement la Coupe des Confédérations en juin 2001. C’est l’occasion pour l’équipe de France pour rencontrer pour la première fois son homologue coréenne, et elle ne fait pas preuve d’un excès de politesse : cinq joueurs différents inscrivent les cinq buts du match (Marlet 9e, Vieira 19e, Anelka 35e, Djorkaeff 79 et Wiltord 90e). Il aurait même pu y en avoir six, mais Dugarry a manqué son pénalty à la 21e.
Le plus hat-trick : France-Paraguay, le 2 juin 2017
Si Hervé Revelli (en 1972) et Michel Platini (en 1984) ont marqué trois fois lors d’un 5-0, seul Olivier Giroud a réussi un has-trick (trois buts consécutifs) avec cette marque. C’était en juin 2017 contre le Paraguay à Rennes. Une volée du gauche (6e), une tête plongeante (13e) et un tacle du gauche (69e). On avait failli attendre : le dernier triplé datait en date remontait à août 2000 (David Trezeguet), mais c’était un 5-1. Il n’y en a pas eu d’autre depuis celui de Giroud.
Et côté adverse...
En toute logique arithmétique, il y a eu cinq défaites par 0-5, heureusement toutes concédées en amical, même si les trois premières l’ont été à domicile : en avril 1906 à Saint-Cloud contre la Belgique et le terrible Robert de Veen, auteur d’un doublé. Et encore, le gardien Georges Crozier a-t-il arrêté un pénalty tiré par Edgard Poelmans en fin de rencontre. En avril 1920 à Rouen, contre l’Angleterre amateur, les Français font bonne figure une mi-temps et disparaissent de la circulation après la pause. Le suivant arrive vite, en novembre 1921, six mois après la victoire historique contre l’Angleterre à Pershing. C’est encore Maurice Cottenet qui est aligné dans les cages face aux Pays-Bas, et c’est le pire gardien français de l’histoire. En janvier 1931 à Bologne, c’est la grande Italie de Vittorio Pozzo, qui allait être championne du monde trois ans plus tard, qui fait tourner les Français en bourrique avec un triplé de Giuseppe Meazza en moins de vingt minutes.
Le tout dernier a eu lieu dans des circonstances particulières, à Wembley contre les champions du monde anglais en mars 1969. Alors que Louis Dugauguez, le sélectionneur en poste depuis 1967, démissionne brutalement le 2 mars, c’est Georges Boulogne, entraîneur des juniors, qui est appelé à la rescousse le 5, une semaine avant le match. Résultat : 0-5 et triplé de Geoff Hurst, celui-là même qui s’était rendu célèbre en finale de la Coupe du monde 1966 contre la RFA.