Pour un sélectionneur, la trêve hivernale prend tout son sens. Entre la mi-novembre et la fin mars, il a tout le temps de faire les courses de Noël, de digérer les fêtes et de faire les soldes. Car de plus en plus souvent, les Bleus restent au chaud pendant la saison la plus froide de l’année. C’est depuis trois ans une saison blanche.
On l’oublie sans doute, mais ça n’a pas toujours été le cas. Il y a même eu trois matches disputés un 25 décembre en 1952 à Colombes contre la Belgique, en 1955 à Bruxelles toujours contre les Diables rouges et en 1957 au Parc contre la Bulgarie. En 1944, alors que les troupes allemandes tentaient une contre-offensive dans les Ardennes, l’équipe de France a même joué un 24 décembre à Paris contre la Belgique.
Si le plus grand écart de l’histoire des Bleus se situe entre mai 1914 et mars 1919 (1743 jours), il est évidemment dû à la Grande Guerre qui a interrompu pendant près de cinq ans toutes les compétitions sportives internationales. Le deuxième écart se situe logiquement entre mars 1942 et Noël 1944 (1015 jours) et le troisième entre janvier 1940 et mars 1042 (770 jours). Ce sont les trois cas où la France n’a pas joué pendant plus d’un an depuis 1904.
Depuis l’après-guerre, un seul intervalle est supérieur à neuf mois : c’est entre mai 1946 et mars 1947 (308 jours). Depuis, il n’y a eu que deux intervalles supérieurs à six mois, en 1959 (224 jours entre mars et octobre) et en 1956 (196 jours entre mars et octobre).
Voici le tableau des trente plus grands écarts entre deux matches depuis 1904.
adversaire | date | écart en jours | date suivante | adv. suivant |
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Hongrie | 31/05/1914 | 1743 | 09/03/1919 | Belgique |
Espagne | 15/03/1942 | 1015 | 24/12/1944 | Belgique |
Portugal | 28/01/1940 | 770 | 08/03/1942 | Suisse |
Belgique | 07/05/1905 | 350 | 22/04/1906 | Belgique |
Angleterre | 21/05/1925 | 325 | 11/04/1926 | Belgique |
Belgique | 21/04/1907 | 322 | 08/03/1908 | Suisse |
Angleterre | 22/05/1909 | 316 | 03/04/1910 | Belgique |
Belgique | 09/03/1919 | 315 | 18/01/1920 | Italie |
Angleterre | 19/05/1946 | 308 | 23/03/1947 | Portugal |
Italie | 17/03/1912 | 301 | 12/01/1913 | Italie |
Belgique | 01/05/1904 | 286 | 11/02/1905 | Suisse |
Belgique | 08/03/1936 | 280 | 13/12/1936 | Yougoslavie |
Luxembourg | 20/04/1913 | 280 | 25/01/1914 | Belgique |
Roumanie | 12/06/1932 | 273 | 12/03/1933 | Autriche |
Belgique | 26/05/1929 | 273 | 23/02/1930 | Portugal |
Espagne | 30/04/1922 | 273 | 28/01/1923 | Espagne |
Italie | 29/05/1928 | 271 | 24/02/1929 | Hongrie |
Belgique | 20/06/1926 | 269 | 16/03/1927 | Portugal |
Hongrie | 12/06/1927 | 254 | 21/02/1928 | Irlande |
Galles | 21/05/1939 | 252 | 28/01/1940 | Portugal |
Italie | 15/05/1910 | 231 | 01/01/1911 | Hongrie |
Belgique | 01/03/1959 | 224 | 11/10/1959 | Bulgarie |
Autriche | 27/05/1934 | 203 | 16/12/1934 | Yougoslavie |
Angleterre | 14/05/1931 | 199 | 29/11/1931 | Pays-Bas |
Danemark | 22/10/1908 | 199 | 09/05/1909 | Belgique |
Autriche | 25/03/1956 | 196 | 07/10/1956 | Hongrie |
Angleterre | 26/05/1945 | 194 | 06/12/1945 | Autriche |
Belgique | 22/04/1906 | 193 | 01/11/1906 | Angleterre |
Angleterre | 05/05/1921 | 192 | 13/11/1921 | Pays-Bas |
Belgique | 17/10/1948 | 188 | 23/04/1949 | Pays-Bas |
Cinq mois sans jouer en 1986-87
Sur les trente dernières années, l’écart le plus important date de la saison 1986-87. Entre le déplacement à Lepizig contre la RDA en novembre et la réception de l’Islande fin avril au Parc, il se passe pas mois de 161 jours. Ce qui a allongé d’ailleurs la carrière internationale de Michel Platini de cinq mois.
La dernière fois que l’équipe de France est restée plus de 130 jours sans jouer (on le rappelle, le délai qui sépare le France-Côte d’Ivoire de novembre 2016 au Luxembourg-France du 25 mars prochain), ça remonte à 1991. L’équipe dirigée alors par Michel Platini n’avait rien fait entre sa victoire au Parc contre l’Albanie en mars et son déplacement à Poznan contre la Pologne en août.
L’hiver au chaud, une tendance qui se confirme
On constatera toutefois que que les deux derniers hivers (en décidant arbitrairement que la période hivernale commence le 21 décembre et finit le 21 mars) avaient été aussi blancs que celui-ci, puisque les Bleus étaient restés au chaud pendant 129 jours entre novembre 2015 (Angleterre à Wembley) et mars 2016 (Pays-Bas à Amsterdam). Et 128 jours entre novembre 2014 (Suède à Marseille) et mars 2015 (Brésil à Saint-Denis).
Autrement dit, la tendance à l’hiver sans jouer se confirme. C’est donc la troisième fois que l’équipe de France ne sort plus avant le 21 mars. Elle ne joue plus en février depuis 2013 (Allemagne à Saint-Denis), elle boycotte janvier depuis 1999 (Maroc à Marseille) et elle évite décembre depuis 1994 (Azerbaïdjan à Trabzon).
L’unification progressive du calendrier international dans le courant des années 2000 a entraîné l’abandon des dates hivernales, les mois de février et la première quinzaine de mars étant consacrés prioritairement aux compétitions européennes de clubs.
Un quart de siècle de matches hivernaux
Ce phénomène est plutôt récent, car entre 1988 et 2013, soit 26 hivers consécutifs, les Bleus ont toujours joué au moins une fois entre début janvier et la troisième semaine de mars. En 1989, 1990, 1996, 1997 et 1998 ils ont même joué deux fois, et trois fois en 1988 et 1990. Dans le premier cas, il s’agissait d’une série de trois amicaux à Tel Aviv, à Toulouse et à Monaco. Dans le second, une tournée au Koweït puis un amical à Montpellier. En règle générale, au moins jusqu’en 1999, c’était l’occasion de jouer dans le sud (Marseille, Nîmes, Naples, le Portugal).
Mais à partir de 1998, onze matches ont eu lieu à Saint-Denis malgré le froid souvent glacial à cette période de l’année. On se souvient de deux matches disputés sur des terrains gelés, celui du Parc en février 1986 contre l’Irlande du Nord (0-0 pour les débuts de Papin) à Saint-Denis en janvier 1998 face à l’Espagne (1-0 pour l’inauguration du Stade de France et la première sélection de Trezeguet).
Une finale de coupe du monde le 18 décembre ?
Reverra-t-on un jour des matches internationaux en hiver ? En 2022, si la coupe du monde a bien lieu au Qatar, elle devrait se terminer le 18 décembre, dans les tout derniers jours de l’automne. Il semblerait plutôt qu’on s’oriente de plus en plus vers une saison internationale calée sur huit mois entre la mi-mars et la mi-novembre, comme c’est le cas depuis trois ans. A moins que le réchauffement climatique ne vienne bouleverser le calendrier et rendre praticable les terrains toute l’année. Pas impossible, mais dans ce cas il y aura des choses plus urgentes à régler que les dates des matches des Bleus.