Les Bleus se renouvellent-ils de plus en plus vite ?

Publié le 8 décembre 2021 - Bruno Colombari - 2

Avec Mattéo Guendouzi, Didier Deschamps a lancé son soixantième nouvel international en novembre contre la Finlande. C’est beaucoup, et ça donne l’impression que la rotation s’accélère en équipe de France. Ce qui reste à vérifier.

3 minutes de lecture
  • Mise à jour d’un article initialement paru en avril 2018.

Pour mesurer la vitesse de renouvellement des Bleus, il suffit, comme bien souvent, de créer un tableau, qu’on pourrait appeler tableau du renouvellement. Dans ce tableau, on va afficher par année le nombre de débutants, le nombre de matchs, et pour faire des comparaisons, celui du nombre de joueurs utilisés. Ainsi, on peut savoir quel est le ratio de nouveaux par match, le pourcentage de nouveaux par rapport au total des joueurs utilisés, et le nombre de joueurs changés par match.

Comme les Bleus comptent désormais 921 pensionnaires, on peut regarder combien de temps (et de matchs) il a fallu pour ajouter cent joueurs au total des internationaux français.

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400 joueurs sur les 200 premiers matchs

La première centaine a été aussi celle qui a nécessité le moins de temps (moins de 9 ans, entre 1904 et 1913) et le moins de matchs, 29. A cette époque, le nombre de nouveaux tourne à 4,3 par match, un chiffre extravagant (sur les vingt dernières années, il est à 0,5). C’est une époque confuse, où l’équipe nationale change sans arrêt et n’a aucune consistance, ce qui se traduit par des résultats catastrophiques (7 victoires, 3 nuls et 19 défaites, dont six par au moins neuf buts d’écart).

La deuxième centaine, qui enjambe la Grande Guerre, s’étend sur une période à peu près équivalente à celles de notre époque (13 ans et 3 mois) mais bien sûr c’est trompeur, puisque l’équipe de France n’a disputé que 41 matchs dans l’intervalle.

Dans les années 30, la rotation est encore très importante, avec 100 nouveaux joueurs lancés en 67 matches, et deux Coupes du monde au milieu, en 1930 et 1934. En avril 1952, peu avant les débuts en sélection de Raymond Kopa, on compte ainsi 400 Bleus en 199 rencontres !

Dans les années 60-70, il faut environ 80 matchs et de 11 à 12 ans pour voir arriver cent nouveaux. Et, malgré le très fort brassage de l’ère Hidalgo, il faut attendre 13 ans et 9 mois et 117 matchs pour atteindre, en 1989, le 700e Bleu (qui pourrait d’ailleurs être Laurent Blanc). Les années 90-2000, celles de la génération Zidane, amènent une certaine stabilité du groupe, avant que les arrivées de Domenech, Blanc et Deschamps remettent un coup d’accélérateur.

Cinq grandes périodes avec le détail par année

Au découpage par centaines de matchs, qui serait un peu fastidieux, j’ai préféré celui par périodes de durée à peu près équivalente : 1904-1929 (dans laquelle il faut enlever les cinq années de guerre sans matchs internationaux), 1930-1951, 1952-1975 (de l’arrivée de Kopa à la fin de la période Kovacs), 1976-1997 (de la génération Platini à l’époque Jacquet) et depuis 1998 et l’héritage du titre mondial.

Vous pouvez retrouver dans le tableau des renouvellements, pour chaque année depuis 1904, le détail du nombre de nouveaux joueurs, le nombre de joueurs utilisés par année, le nombre matchs joués et les ratios entre ces différentes valeurs.

Pour la première période, on note le pic de l’année 1908, avec 21 nouveaux appelés, ce qui s’explique par la présence de deux équipes de France aux JO de Londres [1]

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La deuxième, qui commence l’année de la première Coupe du monde, voit l’équipe de France jouer pour la première fois dix matchs (en 1930). Mais là aussi, la Deuxième Guerre Mondiale va mettre la sélection en veilleuse, avec seulement cinq matchs joués pendant le conflit, dont deux sous l’Occupation (en Suisse et en Espagne).

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La troisième va de l’arrivée de Raymond Kopa, en 1952, jusqu’à la fin de la période Kovacs en 1975. Elle est marquée par un nombre remarquablement stable de rencontres jouées chaque année (entre 5 et 8) avec deux pics en 1958 (13) et 1966 (10), deux années de Coupe du monde. 1953 voit aussi une arrivée massive de nouveaux, mais elle est concentrée sur un seul match, celui contre le Luxembourg de 1953 (onze débutants issus de l’équipe de France Espoirs).

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La quatrième couvre la période 1976-1997, des débuts d’Hidalgo et de la génération Platini à la fin de l’ère Jacquet. C’est la première de l’histoire où le nombre de matchs dépasse régulièrement les 10 (avec une pointe à 15 en 1982 et à 14 en 1996, alors qe les débutants, nombreux avec Hidalgo, se raréfient avec Henri Michel.

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La cinquième, celle qui va du titre mondial jusqu’à aujourd’hui, a vu l’augmentation très importante du nombre de matchs par an (hormis le cas particulier de 2020) et la quasi stabilisation du nombre de débutants, hormis deux pointes en 2004 (arrivée de Raymond Domenech) et 2010 (purge post-Knysna avec Laurent Blanc). En parallèle, le nombre de matchs disputés par les cadres a fortement augmenté : tous les joueurs à plus de cent sélections se retrouvent dans cette période.

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Stabilité des nouveaux, forte augmentation du nombre de matchs

Autrement dit, si le nombre de matchs par an a doublé entre les années 70 et les années 2000 (et même quasiment triplé depuis les années 30), le nombre de nouveaux joueurs par an s’est stabilisé depuis quarante ans, à une moyenne de 7 par an, soit un tous les deux matchs.

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La proportion de nouveaux par rapport au total des joueurs appelés chaque année baisse même régulièrement : elle était de un sur deux avant les années 30, un sur quatre dans les années 70 et désormais elle tourne autour de un sur cinq.

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En conclusion, loin d’une accélération du renouvellement des Bleus ces dernières décennies, on constate une stabilisation du nombre de nouveaux joueurs alors que le nombre de matchs disputés chaque année a fortement augmenté et que les carrières de joueurs se sont allongées. On pourrait ajouter à ceci l’augmentation du nombre de joueurs utilisés par match, avec presque toujours trois remplaçants entrant en compétition, et jusqu’à cinq depuis le changement de règle instauré en 2020.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

Vos commentaires

  • Le 11 décembre 2021 à 15:55, par Cœur Bleu En réponse à : Les Bleus se renouvellent-ils de plus en plus vite ?

    Bonjour,
    Une fois de plus, c’est un article très intéressant !
    Vous dites que le nombre de matches annuel a doublé depuis 50 ans, mais c’est très lié à la participation continue aux compétitions finales, ce qui n’était pas le cas dans les années 70. Et dans ces listes, il n’y a que très rarement des primo-appelés (je ne me rappelle que de Chimbonda). Trouverait-on un ratio plus constant du nombre de nouveaux par matches hors compétition finale, qui sont les meilleures opportunités pour des essais ?

  • Le 13 décembre 2021 à 11:53, par Bruno Colombari En réponse à : Les Bleus se renouvellent-ils de plus en plus vite ?

    Merci pour votre message. Umtiti en 2016 et Koundé en 2021 sont aussi des nouveaux internationaux appelés dans les listes pour l’Euro. Idem pour Ribéry en 2006 pour la Coupe du monde. Mais c’est plutôt l’exception. Du coup, l’intérêt de rechercher le ratio pour les matchs hors phase finale est assez limité à mon avis.

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