Après les listes à rallonge inaugurées par Aimé Jacquet et perfectionnées par Raymond Domenech, voici la dernière trouvaille de Laurent Blanc : la pré-liste des Français de l’étranger, comme dirait David Douillet. Combien seront-ils le 9 mai, en attendant la deuxième partie annoncée le 15 ? En attendant, jetons un œil dans le rétroviseur sur les vingt dernières années et décortiquons ces listes (des phases finales d’Euros et de coupes du monde) en fonction de la provenance des heureux élus. C’est parti.
Jusqu’en 1996, disons-le tout net, la quasi-totalité des sélectionnés évolue en France. A l’étranger les places sont chères, et rares : l’Italie a fermé ses frontières dans les années 70, et ailleurs les clubs n’ont droit qu’à deux joueurs non-sélectionnables. Dans les listes des années 80, seuls Didier Six (à Stuttgart en 1982), Michel Platini (à la Juve en 1984 et 1986) et Jean-Pierre Papin (à Bruges en 1986) font exception.
La prééminence des clubs français se traduit par des contingents de quatre à huit joueurs issus d’un même club : en 1982, Saint-Etienne fournit sept joueurs, Bordeaux cinq et Monaco, alors champion de France, quatre. En 1984, on retrouve cinq Bordelais et autant de Monégasques.
En 1986, c’est le PSG qui se taille la part du lion avec cinq internationaux, contre quatre à Bordeaux, trois à Nantes et Monaco.
Lors de l’Euro 1992, on ne trouve que Laurent Blanc (à Naples) et Eric Cantona (à Leeds) hors des frontières. A l’intérieur, l’hégémonie de l’OM, qui vient de remporter son quatrième championnat consécutif, est totale, avec pas moins de huit internationaux.
Les choses vont changer à partir de l’Euro 1996. Pour la première fois, on compte quatre « étrangers » dans la liste, tous évoluant en Série A italienne : Jocelyn Angloma (Torino), Marcel Desailly (Milan AC), Didier Deschamps (Juventus) et Christian Karembeu (Sampdoria). Les deux « Anglais » Eric Cantona (Manchester United) et David Ginola (Newcastle) n’ont pas été retenus, pas plus que l’« Allemand » Jean-Pierre Papin (Bayern).
Mais c’est bien sûr la mise en application de l’arrêt Bosman, à l’été 1996, qui va chambouler le paysage du foot européen et provoquer des départs massifs de joueurs français vers l’étranger (et inversement). Dès 1998, la part de joueurs évoluant en France dans la liste des 22 tombe à moins de la moitié de l’effectif. Il y a désormais 7 Italiens, 3 Anglais, 1 Espagnol et 1 Allemand parmi les champions du monde.
La tendance va se confirmer en 2000, avec 14 expatriés sur 22 avec pour la première fois plus d’Anglais (6) que d’Italiens (4), Arsenal et Chelsea fournissant trois joueurs chacun.
En 2002, la Ligue 1 atteint un plancher avec seulement 5 représentants (sur 23). Pour la première fois de l’histoire, le championnat de France arrive derrière un championnat étranger, en l’occurrence la Premier League anglaise, d’où viennent pas moins de 8 Bleus.
Même chose en 2004, même si la Ligue 1 remonte à 8 représentants, toujours derrière l’Angleterre (9, dont 4 joueurs d’Arsenal). La part de la Série A continue à décroître avec 3 internationaux seulement. En 2006, les clubs français reviennent enfin avec près de la moitié de l’effectif (11 sur 23), dont une armada lyonnaise (5 joueurs) comme dans les années 80. En Italie, seule la Juventus, bientôt touchée par un scandale qui va l’envoyer par le fond, fournit encore des joueurs.
En 2008, l’équilibre est à peu près le même, le FC Barcelone envoyant trois de ses joueurs chez les Bleus (Thuram, Abidal et Henry) tout comme Chelsea (Makelele, Malouda et Anelka). Les Lyonnais sont encore majoritaires parmi les nationaux (6 sur 10).
Enfin, en 2010, l’Italie disparaît de la liste pour la première fois depuis 16 ans. Grâce à Cissé, la Grèce entre dans le club très fermé des pays européens abritant des Bleus (comme la Belgique en 1986 avec Papin). Pourtant en perte de vitesse, Lyon place encore 4 joueurs parmi les 11 nationaux, juste derrière Bordeaux (5), alors que le champion marseillais n’en compte que deux.
Que va nous réserver 2012 ? Compte tenu des forfaits de plusieurs expatriés (Abidal, Diaby, Sagna) et de l’émergence de joueurs locaux ces derniers mois (Debuchy, Martin, Gonalons, Giroud), il est possible que ces derniers redeviennent majoritaires, pour la première fois depuis 1996. Mais ni le PSG, ni Montpellier, ni Lille ne devraient envoyer un gros contingent de joueurs. Lyon (Lloris, Réveillère, Gonalons, Gourcuff, peut-être Gomis) et l’OM (Mandanda, Valbuena, Alou Diarra, Rémy) devraient y parvenir malgré leur bien piètre saison.