Quarante années et deux titres de champions du monde n’ont pas suffi à tout effacer : la défaite de l’équipe de France le 16 juin 1982 à Bilbao reste toujours en travers de la gorge du football français. Il s’agit d’une des prestations les plus désastreuses du onze tricolore et même si ce fut le premier match d’une belle épopée, le souvenir reste cuisant.
Vingt-sept secondes
Il n’avait fallu que 27 secondes aux Anglais pour faire plier la défense française sous le soleil de Bilbao. Une longue touche de Steve Coppell, à l’anglaise, une déviation de la tête de Terry Butcher pour Bryan Robson inexplicablement seul aux six mètres, lequel se joue d’Ettori d’une volée du pied gauche.
Michel Hidalgo avait choisi de constituer un robuste milieu de terrain pour parer au jeu physique des anglais, en titularisant Jean-François Larios et René Girard aux côtés d’Alain Giresse, tandis que Michel Platini était assigné à un poste d’avant-centre qu’il n’occupera jamais vraiment. Aux flottements du milieu de terrain s’ajoutaient une incroyable fébrilité en défense dont les Anglais sauront profiter.
A la demi-heure de jeu, les Français étaient parvenus à égaliser par un magnifique tir croisé de Gérard Soler, mais ce but (le seul qu’encaissa Peter Shilton pendant le tournoi) ne fit que retarder une échéance que l’on sentait inéluctable. En deuxième période, les Français plongeaient physiquement et les Anglais, Robson et Mariner en tête, profitaient des dysfonctionnements tricolores pour marquer deux nouveaux buts.
Ambiance délétère
On accusa aussitôt la préparation en altitude des joueurs français qu’ils n’avaient manifestement pas digéré dans une ville au niveau de la mer, de surcroît plombée ce jour-là par un soleil écrasant. Une ambiance délétère commença à pourrir le camp de base tricolore à tel point que les témoins pronostiquaient déjà un retour rapide à la maison sans ramener la Coupe.
Difficile d’imaginer alors que ce même groupe (en grande partie retouché) allait illuminer le Mundial 82 quelques jours plus tard et disputer à Séville le plus grand match de son histoire.
Depuis Bilbao, France et Angleterre se sont rencontrées à douze reprises. Jamais en Coupe du monde mais trois fois dans le cadre du championnat d’Europe, se retrouvant dans le même groupe du premier tour en 1992, 2004 et 2012.
Amicalement vôtre
Il y eut donc neuf matchs amicaux, le premier datant de février 1984 au Parc des Princes où un Platini des grands soirs infligea deux buts (une tête, un coup franc) à Peter Shilton. Une victoire qui soulageait un peu l’orgueil français, sans toutefois vraiment tourner la page de Bilbao (pas plus que la victoire deux mois plus tard contre la RFA ne tourna la page de Séville).
L’Angleterre par la suite continua à remporter des victoires en match amical, comme celle de Wembley en 1992, qui mettait fin à près de trois ans d’invincibilité des Tricolores, ou à Montpellier en 1997 dans le cadre d’un tournoi de France qui alimenta les doutes français à un an de la Coupe du monde 1998.
On sait que l’histoire de France bascula en juillet 1998. L’équipe bleue, sûre de sa force, s’en alla sept mois plus tard infliger aux Anglais une ultime défaite dans leur vieux temple de Wembley, avec deux buts d’Anelka qui concrétisaient l’un des matchs amicaux les plus complets des nouveaux champions du monde.
A l’Euro avant le Brexit
Si les deux sélections ne se sont plus croisées en quarante ans de Coupe du monde, les rendez-vous n’ont pas manqué lors des phases finales du championnat d’Europe. Lors de l’Euro suédois à Malmö, dix ans moins deux jours après Bilbao, les deux formations livrèrent l’un des matchs les plus ennuyeux de l’histoire, d’où résulta un 0-0 qui allait précipiter leur élimination future au profit d’adversaires scandinaves beaucoup plus conquérants.
S’il n’y avait eu le bug de 2002 en Corée du Sud, qui vit le Danemark éliminer la France et affronter l’Angleterre en huitième de finale, les Français auraient pu rejouer la revanche de Bilbao au moins une fois tous les dix ans en compétition : 1982, 1992, 2002, 2012, 2022.
France et Angleterre se retrouvent finalement en 2004 au stade la Luz à Lisbonne pour leur premier match de poule. La rencontre est restée dans les mémoires pour son scénario ahurissant : ouverture du score par Lampard, penalty de Beckham arrêté par Barthez puis arrêts de jeu de folie où Zidane inscrit deux buts et retourne miraculeusement le match.
Huit ans plus tard à Donetsk, les deux équipes livrent une rencontre beaucoup moins riche en émotions et se séparent sur un score nul qui sert de marchepied à leur qualification future. Mais peu d’images sont restées en mémoire, sinon le doigt qu’à porté sur ses lèvres l’impétueux buteur Samir Nasri.
Depuis Bilbao, l’équipe de France l’a emporté six fois, a concédé trois nuls et trois défaites. A Al-Khor, elle retrouve l’Angleterre pour la troisième fois en phase finale de Coupe du monde (après 1966 et 1982) mais pour la première fois dans une rencontre à élimination directe. Les champions du monde en titre auront fort à faire contre l’un des prétendants les plus sérieux à leur succession.
Vos commentaires
# Le 9 avril 2023 à 09:48, par Victor TIEU En réponse à : De Bilbao à Al-Khor, quarante ans de France-Angleterre
Petit correctif :
« France et Angleterre se retrouvent finalement en 2004 au stade la Luz à Lisbonne pour leur premier match de poule. (...) ouverture du score par Gerrard (...) »
Si je ne me trompe pas, dans cet article du 04/06/2022, Bruno Colombari a écrit que Frank Lampard avait marqué le premier but de ce match :
Histoire d’un score : les 2-1 et 1-2 de l’équipe de France
Extrait :
"Le plus money time : France-Angleterre le 13 juin 2004
(...)Les Anglais (...)ont ouvert le score par Franck Lampard (...)"
# Le 9 avril 2023 à 10:46, par Richard Coudrais En réponse à : De Bilbao à Al-Khor, quarante ans de France-Angleterre
Bonjour Victor,
C’est en effet Frank Lampard qui a ouvert le score lors du France-Angleterre de l’Euro 2004, et non pas Steven Gerrard.
Bien vu !
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