Des Bleus qui n’ont jamais eu de sélection après leur trentième anniversaire, c’est évidemment banal : au 1er janvier 2023, on n’en compte que 186 (sur 931) à avoir franchi ce cap sous le maillot bleu, soit 745 qui ne l’ont pas fait (80%). Bien entendu, il faudrait tenir compte des joueurs en activité parmi lesquels certains joueront en sélection après trente ans, comme par exemple Paul Pogba, qui les aura le 15 mars 2023, ou Lucas Digne (le 20 juillet). Mais pas Raphaël Varane, qui a annoncé le 2 février qu’il prenait sa retraite internationale. Il aura disputé son dernier match le 18 décembre 2022 à Lusail contre l’Argentine, à 29 ans et 7 mois.
Varane a fait mieux que Henry, Vieira, Lloris, Benzema ou Griezmann
Avec 93 sélections, il détient un record dans cette catégorie d’âge. Il fait mieux que Henry (92), Pogba (91), Vieira (89), Griezmann (86), Lloris (85), Benzema (81) et Deschamps (80). Pogba ne pourra faire mieux que lui puisqu’il aura 30 ans neuf jours avant le prochain match des Bleus face aux Pays-Bas le 24 mars prochain. Autant dire que ce record tiendra encore un petit moment, le temps que Kylian Mbappé (66 sélections à 24 ans) ne le pulvérise, dans deux ans probablement.
Des joueurs cadres comme Varane, c’est-à-dire comptant au moins trente sélections (ce qui correspond, à trois unités près, au top 100 des Bleus) et ayant quitté l’équipe de France avant trente ans, il y en a quelques-uns. Pas beaucoup : 27, en mettant évidemment de côté ceux qui sont encore sélectionnables, comme Paul Pogba, Benjamin Pavard, Lucas Digne, Kingsley Coman, Adrien Rabiot, Ousmane Dembélé, Lucas Hernandez, Samuel Umtiti et Anthony Martial. Varane arrête sa carrière internationale de son propre chef, ce qui est rarissime avant trente ans : parmi les 27, les seuls à l’avoir fait sont Christophe Dugarry, avant de participer à la Coupe du monde 2002 et Samir Nasri, en 2014 à 27 ans. Mais Didier Deschamps ne l’appelait plus depuis le barrage contre l’Ukraine en novembre 2013.
Le premier cas depuis 2014 pour un joueur avec au moins 30 sélections
Ce sont des cas désormais rares parmi les joueurs du top 100, puisque Varane est le seul entrant depuis 2017, date de la première version de cet article, et même depuis 2014 (Loïc Rémy). La tendance actuelle est plutôt à des carrières qui se prolongent bien au-delà de 30 ans pour les cadres, comme ce fut le cas pour Mandanda (37 ans), Lloris et Giroud (36) ou Benzema (qui a renoncé à la sélection le jour de son 35e anniversaire).
On notera qu’une carrière en Bleu qui se termine avant trente ans est forcément tronquée : Didier Six, qui a quitté la sélection quelques semaines avant son trentième anniversaire, en juin 1984, ne compte que 52 capes. Il a été longtemps le recordman de cette catégorie, jusqu’à Varane en 2022, qui aurait pu être centenaire avant 30 ans s’il n’avait pas manqué aussi souvent (39 matchs sur un maximum possible de 132 entre sa première et sa dernière sélection).
Deux champions du monde et deux champions d’Europe seulement
Autre constatation : parmi ces 27, il n’y a que deux champions du monde, Vincent Candela et Raphaël Varane, et deux champions d’Europe 84, Bellone et Six. Ces générations-là ont produit des joueurs à carrière internationale longue [1]
Il y a aussi des curiosités, comme par exemple la paire d’attaquants stéphanois Revelli-Bereta, née à dix jours d’écart en mai 1946, et qui quitte les Bleus à deux mois d’intervalle au printemps 1975. Ou encore — l’histoire se répète — les défenseurs stéphanois Janvion et Lopez, nés en 1953, et dont la carrière internationale s’achève en 1982.
Enfin, le fait de débuter tôt multiplie les risques de sortie prématurée : Maryan Wisniewski, Georges Lech et Marcel Langiller ont étrenné leur premier maillot bleu avant 19 ans, tandis que Bruno Bellone, Samir Nasri, Yannick Stopyra, Jean-Marc Ferreri et Raphaël Varane n’avaient pas encore 20 ans.
Détaillons maintenant le parcours de six de ces joueurs. En commençant par le seul gardien du lot, Alexis Thépot.
Alexis Thépot, le douanier KO
Concernant la Coupe du monde 1930 en Uruguay, on retient généralement le nom de Lucien Laurent, le premier buteur de l’histoire de la compétition. Mais on oublie que, lors du même match face au Mexique, le gardien Alexis Thépot, douanier de son état, est proprement assommé dans un choc avec l’attaquant Dionisio Mejia après 26 minutes de jeu. Il jouera 31 matches en sélections jusqu’en 1935, encaissant 76 buts (un record qui tient toujours) avant d’être évincé par René Llense suite au retour de l’entraîneur anglais George Kimpton.
Hervé Revelli, au plus mauvais moment
Trente sélections, quinze buts marqués : l’avant-centre de Saint-Etienne, Hervé Revelli, a fait une carrière d’attaquant international tout à fait honorable. Mais, pas de chance, elle a eu lieu au pire moment, en plein trou noir de la fin des années 60 et du début des années 70. Revelli est appelé en Bleu le 28 septembre 1966, juste après la Coupe du monde en Angleterre. Et il termine sa carrière internationale neuf ans plus tard, en mars 1975. Dans l’intervalle, il a successivement manqué les championnats d’Europe 1968 et 1972 et les Coupes du monde 1970 et 1974. Il a trente ans quand arrive Michel Hidalgo, au printemps 1976, et ce dernier lui préfère le Lyonnais Bernard Lacombe.
Didier Six, le gaucher contrarié
Lui aura vécu deux Coupes du monde, en 1978 et 1982, et sera sacré champion d’Europe en 1984. Pourtant, Didier Six n’a pas digéré d’avoir été mis sur le banc de touche lors de la finale contre l’Espagne. Sorti à Marseille et remplacé par Bellone, il a disputé face au Portugal son 52e et dernier match en Bleu. Gaucher très doué et très irrégulier, il est entré dans l’histoire côté pile grâce à un but magnifique au Maracana de Rio en 1977, et côté face avec son tir au but raté à Séville contre la RFA en 1982.
Bruno Bellone, le tireur fou
C’est donc lui le plus jeune du lot. A 25 ans, 10 mois et 22 jours, il dispute son 34e match en sélection contre le Maroc à Monaco. Trois blessures en 14 mois mettent un terme très prématuré à sa carrière. Il avait pourtant débuté en fanfare en octobre 1981 contre l’Eire (but après neuf minutes de jeu), il était sur le banc à Séville lors du France-RFA de légende en 1982, il a inscrit le deuxième but de la finale de l’Euro contre l’Espagne en 1984 et a marqué un tir au but en coup de billard (poteau et rebond sur la tête du gardien) face au Brésil en 1986.