Milan accueille, le 15 mai 1910, le septième Congrès de la FIFA. Une réunion importante pour le football mondial, car elle entérine l’entrée d’un pays non-européen au sein de la FIFA : l’Afrique du Sud. Elle revêt une importance aussi pour le football français, car le CFI est officiellement reconnu comme la fédération légitime. C’est aussi à l’occasion de ce congrès que la fédération italienne de football (FIGC), membre de la FIFA depuis 1905, décide de mettre sur pied une véritable équipe nationale italienne.
Naissance de la Nazionale
Sous l’impulsion de Luigi Bosisio et Arturo Baraldi, respectivement président et secrétaire de FIGC, la création de l’équipe est annoncée au début de l’année 1910. Faute d’entraîneurs vraiment compétents, c’est à la commission technique d’arbitrage de la fédération qu’a été demandé de constituer la première équipe italienne. Les arbitres, qui ont exercé auprès de nombreuses équipes, ont une vue plus générale sur le football et sont à même de remarquer les joueurs les plus talentueux. L’entraînement des joueurs sélectionnés est confié à Umberto Meazza, ancien joueur de l’US Milanese devenu entraineur, arbitre et dirigeant à la FIGC.
Les sélectionneurs italiens cherchent à monter la meilleure équipe possible, mais ils doivent faire sans les joueurs de Pro Vercelli, le double champion d’Italie qui vient d’être suspendu par la FIGC. Quelques jours plus tôt, le club de Verceil avait demandé le report d’un match de barrage qu’il devait jouer contre l’Inter. La requête ayant été refusée par le club milanais et la fédération, Pro Vercelli a envoyé une équipe de gamins en signe de protestation. L’Inter s’impose sans difficultés mais la FIGC sanctionne Pro Vercelli et ses joueurs jusqu’à la fin de l’année, y compris ceux qui étaient appelés à jouer en sélection nationale [1].
Vingt-cinq joueurs italiens sont convoqués le 5 mai 1910 au Campo Inter où ils livrent deux rencontres opposant une formation de “probables” à une équipe de “possibles”, constituées par les sélectionneurs. La formation qui remporte la double confrontation est celle qui sera alignée le 10 mai contre la France.
Un capitaine de vingt ans
Car c’est l’équipe de France qui est invitée comme premier adversaire de l’histoire de la sélection italienne. Les joueurs français ont rejoint l’Italie après seize heures de train et ont débarqué à Milan le matin du match. Tous viennent d’un club de la région parisienne, notamment de l’Étoile des deux lacs qui fournit pas moins de six titulaires. Le club du bois de Boulogne, qui a choisi son joli nom parce son terrain était situé près de deux lacs, est l’une des meilleures équipes du Championnat de France des patronages FGSPF dont il a remporté les trois premiers titres (1905, 1906 et 1907).
Les autres clubs représentés sont l’AS Bon Conseil, l’AF La Garenne-Colombes et le CA Vitry qui fournit trois joueurs, notamment Etienne Jourde, un attaquant de 20 ans et 3 mois qui est nommé capitaine. Il reste à ce jour le plus jeune capitaine de l’histoire de l’équipe de France. Par contre, le Patronage Olier, double champion de France FGSPF (1908 et 1910), a refusé de libérer ses joueurs, privant notamment l’équipe de France d’Eugène Maës et Ernest Tossier.
La rencontre se déroule à l’Arena Civica, une enceinte qui date de l’époque napoléonienne. Elle a en effet été construite en 1807 sur le modèle du cirque Maxime de Rome à la demande de Bonaparte qui venait d’être couronné roi d’Italie. On ne jouait pas encore au football à l’époque, mais on se rendait aux arènes pour voir des courses de chars et des spectacles de cirque. Un siècle plus tard, l’Arena Civica accueille quelques rencontres de football, notamment celles des grands clubs de la cité lombarde, le Milan CFC (futur AC, créé en 1899) et surtout l’Inter (fondé en 1908).
Squadra bianca
Le match est arbitré par le Britannique Harry Goodley, en provenance directe de Nottingham. Le coup d’envoi est donné à 15h30. Les Français jouent en maillot rayés bleus et blanc alors que les italiens portent un maillot blanc. Ce n’est que plus tard que la Squadra deviendra Azzurra. Après treize minutes de jeu, l’attaquant milanais Pietro Lana bat Louis Tessier et entre dans l’histoire en devenant le premier buteur de la Nazionale. Il est imité après vingt minutes de jeu par son coéquipier Virgilio Fossati, qui joue à l’Inter. L’Italie mène 2-0 à la pause.
Les joueurs français sont surpris par le terrain en terre battue. Peu habitués à cette surface, ils sont de surcroît fatigués par un voyage harassant et écrasés par la chaleur de ce dimanche de mai. En début de deuxième période, la France parvient à réduire l’écart grâce à un but d’Henri Bellocq. Rapidement, Pietro Lana redonne l’avantage en inscrivant son deuxième but. Plus rapidement encore, Jean Ducret réduit l’écart. Et aussitôt après, Rizzi marque pour les Italiens.
Dans les dix dernières minutes, le score va prendre de plus larges proportions avec un but de De Bernardi, puis une nouvelle réalisation, dans les dernières minutes, de Pietro Lana, qui réalise donc un triplé. Le score final est de 6-2 pour les Italiens. Dans L’Auto du lendemain, le compte-rendu de la rencontre ne fait… que six lignes :
La déroute est sévère pour l’équipe de France et elle ponctue une année 1910 fort calamiteuse : 20 buts encaissés en trois rencontres. Le choix des joueurs est remis en cause. Quatre des titulaires de ce premier Italie-France ne seront plus rappelés : Henri Sellier, dont c’était la première (et donc unique) sélection, Henri Mouton, Daniel Mercier et le gardien Louis Tessier.
Les autres titulaires ne feront pas une grande carrière non plus. Seuls deux d’entre eux dépasseront les dix sélections : les demis Jean Ducret (20 capes jusqu’en 1914) et Jean Rigal (11). Ce dernier deviendra une figure de l’équipe de France comme membre du comité de sélection (entre 1922 et 1936) puis comme entraîneur adjoint (entre 1949 à 1946).
L’équipe de France retrouvera l’Italie un an plus tard à Saint-Ouen où les deux équipes se neutraliseront (2-2). Les Tricolores obtiendront leur première victoire (4-3) sur l’Italie en 1912, à Turin, un peu à la surprise générale et dans un climat tendu. Les deux sélections se retrouveront chaque année avant que la Grande Guerre ne mette fin à ces rendez-vous.
Italie bat France 6-2
Buts de Lana (8’, 58’, 89’), Fossati (20’), Rizzi (66’), De Bernardi (85’) pour l’Italie, Bellocq (50"), Ducret (62’) pour la France.
ITALIE : De Simoni - Cali (c), Varisco - Capello, Fossati, Trerè - Debernardi, Rizzi, Cevenini, Lana, Boiocchi.
FRANCE : Tessier - Mercier, Sollier - Rigal, Ducret, Vascout - Olivier, Bellocq, Mouton, Sellier, Jourde (c).
Arbitre : Harry Goodley (Angleterre).
4.000 spectateurs.
Joueur | Âge | Poste | Sél. | Club |
---|---|---|---|---|
Louis Tessier | 20 ans | G | 5/5 | AS Bon Conseil |
Daniel Mercier | 18 ans | D | 3/3 | Étoile des deux lacs |
André Sollier | 20 ans | D | 4/5 | CA Vitry |
Jean Rigal | 20 ans | M | 5/11 | AF La Garenne-Colombes |
Jean Ducret | 23 ans | M | 3/20 | Étoile des deux lacs |
Henri Vascout | 25 ans | M | 4/7 | CA Vitry |
Maurice Olivier | 23 ans | A | 3/6 | Étoile des deux lacs |
Henri Bellocq | 26 ans | A | 5/6 | Étoile des deux lacs |
Henri Mouton | 29 ans | A | 5/5 | Étoile des deux lacs |
Henri Sellier | 21 ans | A | 1/1 | Étoile des deux lacs |
Étienne Jourde (C) | 20 ans | A | 3/8 | CA Vitry |