L’importance du onze-type de Deschamps en phase finale

Publié le 16 janvier 2023 - Bruno Colombari

Entre 2014 et 2022, que nous disent les stats d’utilisation des joueurs par Deschamps en phase finale européenne et mondiale ? Quel est le poids du 11 type dans la liste ?

Mise à jour d’un article initialement paru en novembre 2022.
5 minutes de lecture

Avant que commence une phase finale, on s’amuse toujours à spéculer sur ce que sera le onze-type, c’est-à-dire les titulaires les plus souvent alignés ensemble, et généralement ceux qui finissent le tournoi. Mais pas toujours : ainsi, en 2014 Didier Deschamps avait trouvé sa composition idéale dès le premier match contre le Honduras, et ne l’avait réutilisée qu’une seule fois, vingt jours plus tard en quart de finale face à l’Allemagne. En 2016, l’équipe-type ne s’est dessinée qu’en quart de finale, et a vécu les trois derniers matchs du tournoi. En 2018, elle est apparue dès le deuxième face au Pérou, puis est revenue en demi-finale et en finale. En 2021, on ne l’a vue que pour le premier match face à l’Allemagne, ce qui n’était d’ailleurs pas bon signe : lors des deux tournois où l’équipe-type était en place d’entrée, les Bleus ont été sortis prématurément. Et quand ils sont allés au bout, c’est quand le onze préférentiel s’est dessiné en cours de compétition. C’était le cas en 2022, puisque Varane était absent lors du premier match contre l’Australie, où Lucas Hernandez a été remplacé très vite par son frère Théo.

Dans les graphes suivants, je mets en évidence deux données : l’expérience en sélection avant la compétition, pour voir si ce sont les joueurs les plus capés qui jouent le plus (et quelles sont les exceptions à la règle). Et le temps de jeu pendant le tournoi, où évidemment le onze-type se dégage nettement. Et pour les deux, je mesure la densité de ces titulaires, en pourcentage sur le nombre total de sélections du groupe, et sur le temps de jeu cumulé.

2014 : pas de prime à l’expérience

Pour son premier tournoi en tant que sélectionneur, Didier Deschamps manque de cadres sur lesquels s’appuyer. Son groupe ne compte que trois joueurs à plus de 50 sélections (Evra, Lloris et Benzema) pour 7 joueurs à moins de 10 capes (Cabella, Schneiderlin, Ruffier, Digne, Mangala, Griezmann et Varane), alors que 3 autres (Landreau, Pogba et Mavuba) en comptent à peine plus.

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Mais le onze type est ouvert à la nouveauté, et laisse de côté trois joueurs relativement expérimentés, comme Bacary Sagna (41 sélections), Olivier Giroud (30) et Loïc Rémy (25). Deschamps titularise le trio Varane-Pogba-Griezmann, qui seront les tauliers des éditions suivantes, alors qu’ils ne comptent que 21 sélections à eux trois. Le manque d’expérience internationale de l’ensemble se paiera cher en quart de finale contre l’Allemagne.

Côté temps de jeu, la densité de 81% est normale, même si on note une présence importante de trois joueurs périphériques au onze-type, comme Koscielny, Sissoko et Giroud. Mais seulement deux joueurs ont disputé l’intégralité des cinq matchs, Lloris et Benzema. C’est peu.

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2016 : l’exception Umtiti

Deux ans plus tard à l’Euro, la montée en expérience est flagrante, même en l’absence de Varane, forfait. D’autant que Bacary Sagna est désormais intégré aux titulaires, tout comme Moussa Sissoko, et ces deux là apportent leur vécu en sélection. Seul Dimitri Payet compte moins de vingt capes avant l’Euro. Enfin, non, pas tout à fait. Si Adil Rami est titulaire lors des quatre premiers matchs, c’est Samuel Umtiti qui prend sa place lors des trois derniers. Et même s’il joue moins que le Bastiais (300 minutes contre 360), je le mets dans l’équipe-type du tournoi, puisqu’il a disputé les rencontres avec le plus d’enjeu.

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Or, Umtiti a débuté le tournoi avec le statut de novice, puisqu’il n’avait aucune sélection à son actif. C’est le cas extrêmement rare, du moins dans la période récente, d’un débutant qui se retrouve titulaire à partir des quarts de finale d’un grand tournoi.

La densité du temps de jeu est un peu plus importante qu’en 2014, avec 83% et trois joueurs ayant disputé l’intégralité des sept rencontres : Lloris encore, et les défenseurs latéraux Sagna et Evra. A noter les cas atypiques de Rami et Kanté, qui sont sortis de l’équipe-type en cours de tournoi. Et, fait assez rare pour une phase finale à sept matchs joués, trois joueurs de champ ne sont pas sortis du banc (Digne, Jallet et Schneiderlin), alors que le troisième match contre la Suisse aurait pu être l’occasion d’une rotation plus importante.

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2018 : encore un coup de jeune

Le profil de cette Coupe du monde ressemble à celui de 2014 : 7 joueurs à moins de 10 sélections, dont deux sont titulaires (Benjamin Pavard et Lucas Hernandez). Même si les remplaçants ne comptent que deux joueurs d’expérience, Steve Mandanda (27 sélections) et Adil Rami (35), qui ne jouera pas. La densité de sélections du 11 majeur est la plus forte des quatre tournois étudiés, avec 76% du cumul. Cinq des titulaires comptent entre 50 et 100 sélections, et un sixième (Varane) n’en est pas loin.

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La densité du temps de jeu est elle aussi très élevée (86% du total pour les titulaires). Il y a de façon très nette une coupure entre ceux qui sont toujours alignés (à l’exception de Matuidi, suspendu contre l’Uruguay) et les coiffeurs, qui doivent se contenter des miettes. Si Rami est le seul joueur de champ non utilisé, Florian Thauvin n’est rentré que pour les arrêts de jeu contre l’Argentine, et Nabil Fekir, qui a joué six fois, ne cumule que 68 minutes, et aucune titularisation, tout comme Benjamin Mendy.

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2021 : plus de ligne directrice

On se doutait que le retour de Karim Benzema, annoncé le 18 mai 2021, allait chambouler l’équipe de France, mais pas dans ces proportions. On l’a dit, Didier Deschamps aligne ce qui ressemble à son équipe-type lors du premier match contre l’Allemagne à Munich (le seul gagné, d’ailleurs), mais après, ça bouge tout le temps. Pas dans tous les secteurs du jeu, certes, mais du côté des latéraux et du milieu de terrain, se succèdent Pavard et Kanté, Lucas Hernandez et Digne, et Rabiot bouche les trous comme il peut.

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Le cumul des sélections des 11 titulaires est le plus bas des quatre tournois analysés (61%). Parmi les remplaçants, il y a en effet Giroud et ses 108 sélections, Sissoko et ses 69 capes, ainsi que six autres joueurs entre 28 et 38 sélections, ce qui est beaucoup. Dans les titulaires, seuls Rabiot et Kimpembe comptent moins de 20 matchs en Bleu.

Le cumul de temps de jeu est paradoxalement la plus forte (88% pour le 11 de départ), ce qui pourrait laisser croire à une grande stabilité, mais ce n’est pas le cas. Si 5 joueurs ont disputé toutes les minutes, y compris celles en prolongations contre la Suisse, Lucas Hernandez n’en a joué que 135, alors que 5 des remplaçants ont débuté un match.

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2022 : rajeunissement forcé

La pluie d’abandon dans les semaines et les jours précédant le tournoi au Qatar, dont trois cadres d’importance (Benzema et ses 97 sélections, Pogba 93, Kanté 53) ont forcé Didier Deschamps à rajeunir plus que de raison sa liste. Pour autant, le cumul de sélections des 11 titulaires (69%) remonte un peu par rapport à 2021 (61%) et se rapproche de 2018 (70%). Il y a quand même 4 joueurs à moins de 20 sélections, dont deux à moins de 10. Les disparités sont énormes avec les trois centenaires et Varane (87 capes). Le banc est encore plus léger : Coman, Mandanda, Pavard et Lucas Hernandez comptent entre 30 et 50 sélections, mais les dix autres vont de 7 capes (Saliba) à zéro (Disasi), soit 37 sélections cumulées !

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En temps de jeu, la densité est très basse, 69%. Ce qui veut dire que les titulaires sont loin d’avoir monopolisé leur place (seul Tchouaméni a joué les sept matchs dès le début) et que les remplaçants ont eu beaucoup plus de temps de jeu que précédemment. Ça s’explique facilement par la possibilité offerte de faire cinq changements (voire sept pour la finale, en ajoutant celui pour la prolongation et un autre pour le protocole commotion) et l’intense rotation contre la Tunisie. Dix remplaçants ont été titularisés au moins une fois (3 fois pour Kanté, 2 fois pour Fofana). Un seul n’a pas eu de temps de jeu (Aréola, comme en 2018) et dans le champ, seuls Guendouzi et Saliba n’ont jamais débuté.

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