Si les Bleus restent sur une brillante série de 18 matchs sans défaite (la dernière datant du 11 novembre 2020 contre la Finlande à Saint-Denis), celle-ci en cache une autre : celle du nombre de matchs consécutifs en ayant inscrit au moins un but. Et si l’invincibilité en cours est loin du record historique de 1994-1996 (30 matchs au début de l’ère Jacquet, dont 20 victoires et 10 nuls), celle des matchs avec but(s) a égalé le record du genre, établi le 4 octobre 2000 contre le Cameroun. Ce soir-là, les champions d’Europe de Roger Lemerre avaient marqué très vite par Sylvain Wiltord, mais les Lions Indomptables avaient égalisés par Mboma juste avant la mi-temps, et les deux équipes en étaient restées là (1-1). Trois jours plus tard, les Bleus étaient à Johannesburg pour rencontrer l’Afrique du Sud et enchaîner un troisième nul consécutif (0-0), sans but celui-là.
Ce coup de frein de l’automne 2000 était un signe avant-coureur des failles révélées en 2001 avec trois défaites (Espagne 0-1, Australie 0-1, Chili 1-2), failles qui allaient s’élargir sous les pieds des Bleus et devenir fatales en 2002. Mais avec le but de Wiltord, l’équipe de France enchaînait donc un 18e match en ayant marqué au moins une fois, avec une différence de buts impressionnante : 44 pour, 19 contre, et un bilan remarquable de 14 victoires pour une seule défaite (Pays-Bas, 2-3) et trois nuls.
La série actuelle, celle des hommes de Deschamps, pourrait être encore meilleure : lors des 18 derniers matchs, les Bleus en ont gagné 12 mais n’en n’ont perdu aucun, et fait 6 matchs nuls (dont 3 à l’Euro). Ils ont marqué 41 buts, trois de moins qu’en 1999-2000, mais n’en ont encaissé que 14, soit cinq de moins. C’est N’Golo Kanté qui a lancé le cycle en marquant contre le Portugal à Lisbonne.
Si on remonte aux sources de ce record, il est possible de le faire démarrer lors de la première décennie des Bleus, entre 1911 et 1913. Il faut en effet attendre le 22e match pour voir l’équipe de France marquer lors de trois rencontres consécutives, à une époque où les scores fleuves étaient courants. Le début de la série n’est pas impressionnant (2-2 contre l’Italie, 2-5 en Suisse, 1-7 en Belgique) mais la suite est bien meilleure : 4-1 contre le Luxembourg, 1-1 contre la Belgique et, ô miracle, trois victoires d’affilée (ce qui n’arrivera que trois fois jusqu’en 1945) face à la Suisse (4-1) et contre l’Italie deux fois (4-3 puis 1-0). Il faut dire que le jeune buteur du Red Star Eugène Maës n’est pas pour rien dans cette embellie, puisqu’il marque dix fois dans la période. La série de 8 matchs avec au moins un but marqué s’achève en février 1913 contre la Belgique à Bruxelles (0-3).
Ce record va tenir près de vingt ans. Il sera battu en 1932, quand l’équipe de France enchaînera 11 rencontres en trouvant la cible au moins une fois. Mais là, les résultats sont nettement moins bons : trois victoires pour sept défaites et un nul. Et surtout, la bagatelle de 32 buts encaissés, avec un seul clean sheet contre l’Allemagne en 1931 (et seulement le dixième en 103 matchs joués !). Les 21 buts inscrits dans la période ne suffisent pas pour présenter un bilan convenable, malgré un spectaculaire 5-2 contre l’Angleterre à Colombes.
Il faudra attendre la grande équipe de 1958 pour faire mieux, de justesse : les hommes de Paul Nicolas et Albert Batteux enchaînent 12 matchs consécutifs avec au moins un but marqué, et ils ne font pas semblant : 39 buts pour, 24 contre, et un bilan positif de 6 victoires pour 2 défaites (contre la Yougoslavie et le Brésil) et 4 nuls. Just Fontaine en signe 17 à lui tout seul, dont 13 pendant la Coupe du monde en Suède. Commencée par un carton contre le Paraguay en juin 1958 (7-3), la série s’achève sur une défaite en Bulgarie en novembre 1959 (0-1).
C’est assez inattendu, mais ce record-là est tombé neuf ans plus tard. L’équipe de France déprimante des années 1960 va en effet marquer pendant 14 matchs d’affilée entre septembre 1966 et octobre 1966. Au sortir d’une élimination prévisible dès le premier tour lors de la Coupe du monde en Angleterre, les Bleus font une série en trompe l’oeil, preuve que marquer ne suffit pas toujours : 3 victoires pour 8 défaites et 3 nuls, 24 buts marqués mais 31 encaissés, dont deux féroces 1-5 contre la RFA en octobre 1967 et en Yougoslavie en avril 1968. La série s’achève piteusement sur une défaite 0-1 contre la Norvège à Strasbourg en novembre 1968.
Les Bleus de Michel Hidalgo ne feront pas mieux, et ce sont ceux de Gérard Houllier et Aimé Jacquet qui reprennent le flambeau entre octobre 1992 et août 1994, avec 15 matchs consécutifs. Le bilan est bon (11 victoires pour 2 défaites et 2 nuls), mais pas de chance, ces deux défaites en question sont celles contre Israël et la Bulgarie au Parc à l’automne 1993. La différence de buts est elle aussi bonne (31 pour, 13 contre), mais là aussi il y en a cinq de trop. La série s’achève en septembre 1994 par un 0-0 à Bratislava contre la Slovaquie, suivi de deux autres (Roumanie et Pologne). Fini de rire.
Et les séries sans but marqué, alors ?
En bonus, voici l’historique du record miroir, celui du nombre de matchs consécutifs sans avoir marqué le moindre but. Le record est la série la plus récente, celle de l’année 2013 où les Bleus de Deschamps (qui étaient loin d’un titre mondial) enchaînaient 5 matchs d’affilée sans but contre l’Espagne (0-1), l’Uruguay (0-1), le Brésil (0-3) la Belgique (0-0) la Géorgie (0-0). La série s’achevait par une spectaculaire victoire à Gomel face à la Biélorussie (4-2).
Avant celle-là, la pire série sans but remontait à 1986 : 4 matchs contre la Suisse (0-2), l’Islande (0-0), l’URSS (0-2) et la RDA (0-0) pour les Bleus de Henri Michel en pleine déprime post-Mexique. Il y en avait déjà eu une semblable en 1924-1925, terrible celle-là puisque constituée de quatre défaites : contre la Hongrie (0-1), la Belgique (0-3), l’Italie (0-7) et l’Autriche (0-4).
Les séries de trois sont plus fréquentes : la première se situe en 1905-1906 (Belgique 0-7, Belgique 0-5 et Angleterre 0-15), la deuxième en 1957 (Hongrie 0-2, Belgique 0-0 et Angleterre 0-4) et la troisième en 1982, juste avant la Coupe du monde (Pérou 0-1, Bulgarie 0-0, Galles 0-1). Avec les scores de plus en plus serrés, la fréquence a augmenté depuis une trentaine d’années avec 1989 au début du mandat de Platini (Irlande 0-0, Ecosse 0-2, Yougoslavie 0-0), en 1994 comme on l’a vu plus haut avec les trois 0-0 consécutifs, en 2002, beaucoup plus inattendu (Sénégal 0-1, Uruguay 0-0 et Danemark 0-2), en 2010 à la fin de l’ère Domenech (Chine 0-1, Uruguay 0-0 et Mexique 0-2) et à l’été 2012 (Suède 0-2, Espagne 0-2, Uruguay 0-0).