Le contexte politique et culturel
1991, c’est l’année de tous les dangers. Le 17 janvier, quelques heures après la fin de l’ultimatum de la coalition menée par les Etats-Unis, ces derniers lancent l’opération Tempête du désert et bombardent Bagdad. L’opération va durer 42 jours. En Europe de l’Est, ce qui reste du bloc soviétique se fracture : le Pacte de Varsovie est démantelé le 25 février. La Yougoslavie éclate le 25 juin, jour de l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie. C’est le début de quatre ans de guerre au cœur de l’Europe. Le 19 août, un coup d’Etat communiste tente de renverser Gorbatchev. Il échoue deux jours plus tard, mais Elstine est désormais l’homme fort. L’URSS est dissoute le 25 décembre, jour de la démission de Mikhaïl Gorbatchev.
En France, Michel Rocard quitte Matignon, il est remplacé par Edith Cresson. Serge Gainsbourg meurt le 2 mars, Yves Montand le 9 novembre. Au cinéma, Kevin Costner est le producteur-réalisateur-acteur d’un western atypique, Danse avec les loups. Bertrand Blier sort Merci la vie, et Krzysztof Kieslowski La double vie de Véronique. Le tome 2 de Maus d’Art Spiegelmann, sans doute la plus grande BD du 20e siècle, est édité. La musique du hasard, de Paul Auster, sort chez Actes Sud.
Le contexte sportif
Après deux phases finales manquées en 1988 (Euro) et en 1990 (Mondial), l’équipe de France de Michel Platini tente d’obtenir son ticket pour la Suède, dans un groupe relevé (Espagne, Tchécoslovaquie, Islande, Albanie) qui ne dégagera qu’un seul qualifié. Avec trois victoires à l’automne 1990, les Bleus sont bien partis. Du côté des clubs, l’OM enchaîne les titres de champion et manquera d’un rien la Coupe d’Europe (battu en finale par l’Etoile Rouge de Belgrade aux tirs au but).
Le sélectionneur en poste : Michel Platini
A son arrivée à la tête de l’équipe de France en novembre 1988, le triple ballon d’or avait été clair : il démissionnera si les Bleus ne se qualifient pas pour le Mondiale italien. Un an plus tard, l’élimination consommée, il reste pourtant en place et bâti une équipe à l’opposée de celle de Michel Hidalgo : solide derrière, besogneuse au milieu et d’une efficacité redoutable devant. Dépourvue de meneur de jeu, elle a pour objectif de servir le duo d’attaquants Papin-Cantona. Entre août 1989 et novembre 1991, le premier marquera 15 fois, le second 11 fois, soit 26 buts sur 44 en 18 matches. Ce n’est pas beau, mais c’est efficace.
Le récit de l’année
Le premier match de l’année, le 20 février face à l’Espagne au Parc, pourrait déjà être décisif : en cas de victoire, l’équipe de France prendrait une option sur la qualification face à un adversaire redoutable. L’affaire est mal engagée quand Bakero ouvre le score à la 10e minute, mais les Bleus réagissent tout de suite par une tête de Franck Sauzée et s’imposent en deuxième période (3-1) après un changement tactique, Boli reprenant sa place en défense centrale et Amoros glissant côté droit. Papin, d’une volée à l’horizontale et Blanc de la tête font la différence.
Le match suivant, le 30 mars contre une faible Albanie (dont trois joueurs ont profité du voyage pour prendre la tangente) est une formalité (5-0), avec deux doublés de Sauzée et de Papin en première mi-temps.
En août, les Bleus se déplacent en Pologne pour leur seul match amical de l’année. L’OM place sept titulaires au coup d’envoi, et Platini un 5-3-2 très défensif, ce qui n’empêche pas les Polonais de marquer d’entrée après avoir échoué sur pénalty. Sauzée et Papin, encore eux, donnent l’avantage aux Bleus juste avant la mi-temps, et assommeront leur adversaire en contre avec trois buts en dix minutes de Simba, Blanc et Perez (5-1).
A Bratislava, le 4 septembre, l’équipe de France subit en première mi-temps face à la Tchécoslovaquie, encaisse un but précoce par Boli contre son camp, égalise par Papin sur une passe décisive de Perez, et l’emporte à une minute de la fin sur un scénario identique, toujours en contre (2-1). L’affaire est désormais très bien engagée, puisqu’un point suffit aux Français pour se qualifier alors qu’il leur reste deux matches, dont un à domicile contre l’Islande.
Sur leur lancée, ils vont tout simplement l’emporter en Espagne le 12 octobre à Séville (2-1, voir ci-dessous). L’année s’achève dans l’euphorie avec une sixième et dernière victoire pour la gloire contre l’Islande avec quatre joueurs à vocation offensive (Perez à droite, Simba et Cantona dans l’axe et Vahirua à gauche) et un 3-1 sans histoire. Sept ans après le 12 sur 12 de 1984 dont il avait été le grand protagoniste, Michel Platini s’offre un 6 sur 6 en temps que sélectionneur. Certes, il n’y avait pas de phase finale en 1991 et les Bleus ont joué moitié moins de matches, mais il en ont disputé trois à l’extérieur, et cinq en compétition (contre un seul à l’extérieur, au Luxembourg, en 1984). Jamais depuis l’équipe de France n’a terminé une année qu’avec des victoires.
Le temps fort de l’année
Ce 12 octobre, il pleut à Séville, mais ce n’est pas dans le stade Sanchez-Pizjuan (celui de 1982) que l’équipe de France rencontre l’Espagne, mais dans l’autre, Benito-Villamarin, celui du Betis. La Roja, qui ne compte que quatre points et qui vient de perdre en Islande, est déjà éliminée, mais il n’est pas question pour elle de s’incliner face aux Français, la seule et unique défaite des premiers contre les seconds remontant à 1955, l’année de naissance de Michel Platini.
Ce dernier aligne une défense à cinq (Angloma, Boli, Casoni, Amoros et Blanc en libéro derrière), deux demis défensifs (Deschamps et Fernandez), un milieu offensif (Perez) et deux pointes, Papin et Cantona. Cette fois, les Bleus mettent le turbo d’entrée et mènent 2-0 au bout d’un quart d’heure, grâce à une volée magnifique en ciseau de face de Luis Fernandez suivie d’un contre victorieux de Papin lancé par Blanc depuis le milieu de terrain.
Fernandez, qui est né à Tarifa, en Andalousie, aime bien faire des misères aux Espagnols : c’est la cinquième fois qu’il les rencontre depuis 1983, et non seulement il n’a jamais perdu contre eux (quatre victoires et un nul), non seulement il les a battus en finale de l’Euro 84 après leur avoir beaucoup parlé pendant le match, mais en plus il leur a réservé deux des six buts de sa carrière internationale : celui de Séville donc, et son frère jumeau, en mars 1988 à Bordeaux en amical.
Les Espagnols sont KO, d’autant que remonter deux buts à une équipe à ce point blindée derrière semble être mission impossible : les Bleus de Platini n’en ont plus encaissé deux dans le même match depuis quinze rencontres, et ce n’est pas ce soir-là qu’ils vont commencer. L’Espagne va quand même réduire le score par Abelardo à la 34e et courir après une égalisation qui ne viendra jamais. La réaction d’orgueil ne suffira pas à empêcher la deuxième (et dernière à ce jour) victoire française en Espagne (2-1). Laquelle Espagne n’a manqué qu’une seule phase finale depuis 1978, et c’était justement l’Euro 1992, la seule fois où elle a affronté la France en phase qualificative. De bon augure pour 2014 ?
Les joueurs
Vingt joueurs seulement appelés en six rencontres : pour Platini, l’année 1991 doit servir à affiner son équipe-type pour l’Euro. Cinq joueurs ont disputé tous les matches, à savoir le gardien de but Bruno Martini, le libéro Laurent Blanc, l’arrière latéral (et capitaine) Manuel Amoros (ce dernier ne manquant que 17 minutes, les deux premiers n’ayant jamais été remplacés) et les milieux défensifs Jean-Philippe Durand et Didier Deschamps (tous deux trois fois remplaçants). Quatre autres joueurs ont disputé cinq matches : Jean-Pierre Papin et Bernard Casoni (toujours titulaires), Basile Boli et Luis Fernandez (une fois remplaçants).
Si on ajoute Cantona, Angloma, Sauzée et Vahirua (quatre matches), on a de quoi faire une équipe-type avec Martini, une défense Amoros - Blanc - Casoni - Angloma, un milieu Sauzée - Durand - Fernandez - Vahirua et une attaque Papin - Cantona.
Les sept autres joueurs de l’année sont le milieu offensif Christian Perez, le milieu défensif (et actuel entraîneur de Lyon) Rémi Garde, les attaquants Amara Simba et Christophe Cocard, le milieu défensif Bernard Pardo et les défenseurs Pascail Baills et Franck Silvestre.
Dans la liste des 20 joueurs de l’Euro, s’ajouteront le gardien Gilles Rousset, le défenseur Emmanuel Petit et l’attaquant Fabrice Divert, tandis que Bernard Pardo, Pascal Baills et Amara Simba seront écartés.
Les buteurs de l’année
Avec sept buts en cinq matches joués, Jean-Pierre Papin représente plus du tiers des réalisations françaises (vingt en six matches, grosse moyenne). Ce n’est pas seulement grâce à ça qu’il obtiendra le Ballon d’or en décembre, mais ses performances internationales ont compté. Derrière lui, on trouve Franck Sauzée avec trois buts, Eric Cantona, Amara Simba et Laurent Blanc avec deux réalisations, Luis Fernandez, Christian Perez et Pascal Vahirua (le cousin de Marama) complétant le tableau avec un but chacun.
La révélation de l’année
Quand débute 1991, Michel Platini est sélectionneur depuis 26 mois, il a eu le temps de tester de nombreux joueurs et de faire des choix. Cette année-là n’est plus celle des essais. Autant dire que l’arrivée d’un nouveau capte plus l’attention dans ces circonstances. L’attaquant du Paris Saint-Germain, Amara Simba, a déjà vingt-neuf ans et sept mois quand il fait ses grands débuts comme titulaire contre la Pologne, le 14 août à Poznan, le jour où sept Marseillais sont alignés au coup d’envoi. Pas impressionné pour autant, le bougre marque le troisième but d’une talonnade aux six mètres suite à une volée de Papin.
En novembre, il profite de l’absence de ce dernier pour fêter sa deuxième sélection, où il marque d’un ciseau retourné face à l’Islande, sa spécialité qui fera sa gloire. Deux matches, deux (beaux) buts, le Parisien semble être le remplaçant idéal du duo Papin-Cantona.
Mais sa carrière internationale s’arrêtera un soir de février à Wembley, où il jouera les vingt dernières minutes à la place de Christian Perez. Platini le convoque tout de même le 22 avril pour l’Euro 92. Le lendemain, Simba se fracture le péroné à l’entraînement avec le PSG et est remplacé par Fabrice Divert. Adieu l’équipe de France.
Carnet bleu
Aucun joueur international à ce jour n’est né en 1991. Les plus jeunes, Mamadou Sakho et Yann M’Vila sont nés en 1990.
Quant à Guy Huguet (né en 1923, 12 sélections entre 1948 et 1952), Jean Grumellon (né en 1923, 10 sélections et 5 buts entre 1949 et 1952) et Marcel Galey (né en 1905, 3 sélections et un but en 1929), ils sont tous trois morts en 1991.
Vos commentaires
# Le 27 janvier 2020 à 15:42, par Kelenborn En réponse à : 1991, une année dans le siècle
D’après wiki, Amara Simba est né le 23 décembre 1961, et aurait donc eu 29 ans le jour de France-Pologne de 1991. D’ailleurs, en tant qu’ancien supporter du Parc dans les années 80 je me souviens de lui comme quelqu’un qui avait déjà bien bourlingué
# Le 5 février 2020 à 13:12, par Bruno Colombari En réponse à : 1991, une année dans le siècle
En effet, grosse erreur ! Merci de l’avoir signalée.