La dichotomie années paires/années impaires n’a vraiment de sens que depuis la mise en place de l’alternance Coupe du monde/Championnat d’Europe, en 1960. Depuis cette date, il y a toujours eu un titre en jeu en année paire, via une phase finale [1], même si la France en a manqué beaucoup : celles de 1964 à 1980, puis en 1988 pour l’Euro, celles de 1962, 1970, 1974, 1990 et 1994 pour la Coupe du monde.
Dès lors, depuis 1959, les années impaires sont uniquement consacrée à la phase qualificative (entamée lors du dernier trimestre de l’année précédente), sauf bien sûr si la France est qualifiée d’office, ce qui est arrivé quatre fois (1983, 1997, 2001 et 2015). Deux fois, la Coupe des confédérations est venue s’intercaler au milieu. L’étude qui suit porte donc sur la période 1959-2018, soit 60 ans, dont 30 années impaires.
Des années avec des bilans parfois brillants
Alors que les Bleus ont le plus grand mal à terminer une année sans défaite, c’est arrivé quatre fois en année impaire en 1991, 1995, 2005 et 2011. En 1991 et 2003, elle a gagné tous ses matchs en compétition (5 et 10) et a terminé six autre fois invaincue hors matchs amicaux (2011, 2009, 2005, 1967 et 1959). Deux autres fois, elle a gagné tous ses matchs amicaux (4 en 1999 et 2 en 1979).
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Des années pour lancer des joueurs importants
Certes, Platini, Bossis et Six ont débuté en 1976, Papin en 1986, Zidane, Barthez et Thuram en 1994, Ribéry en 2006, Lloris en 2008 et Griezmann en 2014. Mais parmi ceux qui ont commencé leur carrière internationale en année impaire, on trouve quand même Mbappé (en 2017), Varane et Pogba (2013), Giroud (2011), Benzema (2007), Wiltord (1999), Henry et Vieira (1997), Djorkaeff et Desailly (1993), Blanc et Deschamps (1989), Cantona (1987), Bats (1983), Battiston (1977), Rocheteau (1975), Trésor (1971), Bereta (1967) et Carnus (1963). Pas mal, quand même !
Des années pour faire des expériences
La priorité en année impaire, c’est de se qualifier pour le tournoi suivant. C’est donc une période peu propice aux expérimentations. Quoique : en 1981, Michel Hidalgo avait expérimenté un milieu hybride contre la Belgique en avril (Tigana, Genghini, Giresse) et avait recommencé en novembre face aux Pays-Bas, lors de deux rencontres décisives (Genghini, Giresse, Platini). Et en 2013, Didier Deschamps avait lancé en mars deux jeunes très prometteurs (Varane et Pogba, vingt ans) directement en compétition, avant de renouveler sa charnière centrale en novembre après le barrage aller en Ukraine (Sakho et Varane à la place d’Abidal et Koscielny).
Des années pour souffler entre deux phases finales
Même si ce ne sont jamais des promenades de santé (hormis les exceptions 1983, 1997 et 2015, composées uniquement de matchs amicaux), les années impaires génèrent beaucoup moins de pression que leurs homologues paires, surtout depuis 1996 où les Bleus participent à toutes les phases finales européennes et mondiales. Pas de liste des 23, pas de matchs à élimination directe et pas de changement de sélectionneur, du moins depuis 1993 et la démission de Gérard Houllier.
Les années impaires relâchent la pression sur les Bleus pour la reporter plutôt sur les clubs. Et la valeur des phases finales vient évidemment de leur rareté : d’où l’absurdité de compétitions intercalées comme la Coupe des confédérations ou la Ligue des Nations.
Des années qui peuvent aussi être mémorables
Bien sûr, il y a des purges, des 0-0 à la pelle, des 1-0 barbants avec but sur pénalty à cinq minutes de la fin et autres joyeusetés. Mais il y a aussi de belles surprises, des retournements de situation et des moments de grâce. Quelques exemples :
– 2005 et le retour feuilletonesque de Zidane, annoncé par L’Equipe en mai et confirmé en août avec une communication pour le moins baroque (une voix entendue dans la nuit) et le duo Thuram/Makelele dans les bagages.
– 2003 et son double record de 13 victoires consécutives et de 40 buts marqués, avec une Coupe des confédérations et un bouquet final à Gelsenkirchen contre une Allemagne surclassée (3-0)
– 2001 et la première coupe des Confédérations suivie du déplacement historique en Océanie contre l’Australie à Melbourne et ses 22 heures de vol aller-retour.
– 1993 et son invraisemblable double défaite au Parc en octobre (Israël, 2-3) et Bulgarie (1-2) entraînant un cataclysme, 55 mois avant la Coupe du monde en France.
– 1991 et ses 6 victoires en 6 matchs avec notamment un 2-1 à Séville contre l’Espagne et un 5-1 en Pologne, avec un duo de feu Papin-Cantona.
– 1981 et ses 6 défaites (dont une non-officielle contre Stuttgart) et une seule victoire avant le match de la dernière chance en novembre contre les France-Pays-Bas.
– 1977 qui voit naître la légende de la France championne du monde des matchs amicaux : victoire contre la RFA en février, nuls en Argentine et au Brésil en juin, auxquels s’ajouteront début 1978 un nul en Italie et une victoire sur le Brésil. Mais l’essentiel est le 3-1 contre la Bulgarie en novembre, qui qualifie les Bleus pour le Mundial 1978.
– 1959 et ses trois victoires consécutives de l’automne contre le Portugal (5-3), l’Autriche (5-2 en qEuro) et l’Espagne (4-3). Soit 14 à 8 en trois matchs, deux triplés consécutifs de Fontaine (+ un autre but), trois buts de Vincent et deux de Lucien Muller qui remplace Piantoni (blessé en Bulgarie).
Conclusion : 2019 devrait être intéressante
Les années qui suivent un titre européen ou mondial montrent toujours quelque chose de mémorable : la superbe victoire contre l’Uruguay en août 1985 (Coupe intercontinentale à la clé), le premier succès, historique, face à l’Angleterre à Wembley en février 1999 avec un quasi-triplé d’Anelka (un but refusé) et la monumentale déculottée infligée au Portugal en avril 2001 (4-0). Faute d’adversaire de renom cette année, les Bleus vont devoir marquer les esprits par un jeu offensif et ouvert plus que par des performances exceptionnelles. Ça tombe bien, c’est là où leur marge de progression est la plus grande.